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Le gorille Voilà, dit Paul avec un sourire impénétrable, ce qui s'appelle mettre, d'intention au moins, les pieds dans le plat.

Publié le 12/04/2014

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Le gorille Voilà, dit Paul avec un sourire impénétrable, ce qui s'appelle mettre, d'intention au moins, les pieds dans le plat. De ma vie, cher ami, vous le savez du reste, répliqua le pygmée, je n'ai fait autre chose. Vous avez pris mon mari pour un autre, dit Blanche; car il va plus souvent au cimetière qu'au faubourg Saint-Honoré. Je puis, dit Paul, avoir conçu soudainement un amour à la Des Grieux, pour une ingénue des Folies-Marigny! Non, mon cher, riposta Charaintru, excusez-moi! Les répétitions des Folies-Marigny finissent à trois heures, et, vu la pluie, le café des Ambassadeurs n'ouvrira que dans quinze jours. Enfin, dans mon voisinage, il n'y a pas de bouquinistes pour vous couvrir. Cherchez-vous des nids de corneilles dans les peupliers de l'Elysée? Pas davantage! Arrivons, répartit Paul, un peu contrarié; nommez, sans attendre, l'objet de ma flamme. C'est m'imposer silence, car j'ignore jusqu'à la première lettre de son nom. Cependant la comtesse cherchait, sans le trouver, ce que son mari allait faire, chaque jour, à la même heure, rue d'Anjou Saint-Honoré.... -Eh! mon Dieu! continua Charaintru, j'ai failli, moi aussi, avoir un roman dans ma propre rue, circonstance toujours agréable par un temps de pluie. La jeune dame était fort grande et blonde, approchant comme vous, cher de Breuilly; par contre, le mari était un petit noir, environ comme moi, et qui paraissait mauvais comme la gale (je ne nomme personne!). Voici donc mon petit potin personnel. Commencement.... Peut-être, interjeta Paul, feriez-vous mieux de commencer par la fin. Pourquoi? demanda naïvement Hercule. Pour abréger, riposta le maître de la maison avec une nuance de sévérité mécontente. Vous me troublez, s'écria Charaintru, comme un enfant interrompu dans la récitation de sa fable. Je demande le dénouement, répéta Paul d'un ton contenu, mais froid. Il n'y a pas eu de dénouement, dit Hercule. Pardon, il y a toujours un dénouement. Fleurs et correspondance anonymes, tout s'est borné là! Correspondance se dit d'un échange de lettres. Avez-vous reçu des réponses? Pas une, répondit le petit vicomte avec une franche bonhomie. Alors, mon bon, pas de noeud à l'intrigue. Est-ce tout? Oui, dit Charaintru. II 7 Le gorille Pas de correspondance? Pas d'intrigue? Ce n'est donc ni un roman, ni même un potin! Vous n'avez pas tenu votre promesse, et je vous retire la parole. Charaintru regarda Blanche, qui regardait son mari. Il y eut un froid; mais Mme de Breuilly fit dérailler la causerie, qui roula dans une autre direction. Quand il fut avéré pour elle que Paul sortait à des heures régulières et qu'il y tenait, et quand elle eut essayé vainement de lui faire avouer le but de ses sorties, à tort ou à raison elle ne douta plus de ce qu'elle appelait «sa disgrâce». Jamais, toutefois, Paul n'avait été plus prévenant ni plus gracieux; Mais la jalousie, comme l'amour, court à son projet sans s'inquiéter Beaucoup de la logique. Un homme qui s'absente sans dire où il va trompe nécessairement sa femme, et s'il en aime une autre, c'est donc qu'il n'aime plus la première? Il ne s'offrait, pour Blanche, que deux moyens de combattre l'ennemie, puisqu'il y avait nécessairement une ennemie: ou courir sus et la combattre, ou bien employer ce moyen délicat et généreux qui consiste à négliger la rivale et à ramener sur soi seule l'attention et la préférence, par une incomparable tendresse. Il était dans les aptitudes de la comtesse, femme supérieurement noble d'esprit et de coeur, d'incliner au second parti et de le suivre avec beaucoup d'art et d'opiniâtreté. On vit donc alors ce que l'on voit rarement: une mère en deuil rejeter ses crêpes et, du recueillement de la vie dévote, revenir à la fébrile activité de la vie, mondaine, à commencer par la musique. Elle se commanda d'être belle et aimable, et elle le pouvait encore. Elle se préoccupa de mille riens, délaissés, oubliés, et son miroir put lui rendre ce témoignage: que la plupart des femmes plus jeunes qu'elle ne pouvaient entrer en ligne avec la comtesse de Breuilly. N'étant plus une jeune femme, elle fut une femme jeune. Paul y prit garde et l'en félicita de façon à la payer de ses soins; mais Blanche n'osait attaquer de front cette heure redoutable de «quatre heures», à laquelle Paul disparaissait invariablement; et, quoique se sentant déjà plus forte, elle se prêchait le courage à elle-même, sans parvenir à se le donner. Enfin, un jour d'été, où la beauté d'un temps doux, après un orage, conviait les rares Parisiens restés à Paris à revoir les horizons factices du bois de Boulogne, Blanche eut l'audace de demander à Paul deux heures de son temps et le tour des lacs. Il était trois heures et demie. Paul y consentit sans hésiter, et il s'exécuta de la meilleure grâce. Ils partirent comme de vieux amants pour le bois, et la promenade se serait accomplie dans toutes les conditions d'un contentement parfait pour Mme de Breuilly si, au point de séparation des deux lacs, un rien, un pli de rose n'avait rappelé soudainement Blanche à ses préoccupations. III Le coupé de maître qui menait Blanche et Paul dans la direction de Longchamps se trouva un moment retardé, entre les deux lacs, par un embarras de voitures. Il y en eut une qui, par une fausse manoeuvre de son conducteur, faillit frapper en flanc, de sa flèche d'acier, le siège du cocher de M. de Breuilly. C'était un landau bleu, découvert et attelé dans le dernier genre. Une très jeune femme y trônait seule. Abritée III 8

« \24Pas de correspondance? Pas d'intrigue? Ce n'est donc ni un roman, ni même un potin! Vous n'avez pas tenu votre promesse, et je vous retire la parole. Charaintru regarda Blanche, qui regardait son mari. Il y eut un froid; mais Mme de Breuilly fit dérailler la causerie, qui roula dans une autre direction. Quand il fut avéré pour elle que Paul sortait à des heures régulières et qu'il y tenait, et quand elle eut essayé vainement de lui faire avouer le but de ses sorties, à tort ou à raison elle ne douta plus de ce qu'elle appelait «sa disgrâce». Jamais, toutefois, Paul n'avait été plus prévenant ni plus gracieux; Mais la jalousie, comme l'amour, court à son projet sans s'inquiéter Beaucoup de la logique.

Un homme qui s'absente sans dire où il va trompe nécessairement sa femme, et s'il en aime une autre, c'est donc qu'il n'aime plus la première? Il ne s'offrait, pour Blanche, que deux moyens de combattre l'ennemie, puisqu'il y avait nécessairement une ennemie: ou courir sus et la combattre, ou bien employer ce moyen délicat et généreux qui consiste à négliger la rivale et à ramener sur soi seule l'attention et la préférence, par une incomparable tendresse. Il était dans les aptitudes de la comtesse, femme supérieurement noble d'esprit et de coeur, d'incliner au second parti et de le suivre avec beaucoup d'art et d'opiniâtreté.

On vit donc alors ce que l'on voit rarement: une mère en deuil rejeter ses crêpes et, du recueillement de la vie dévote, revenir à la fébrile activité de la vie, mondaine, à commencer par la musique. Elle se commanda d'être belle et aimable, et elle le pouvait encore.

Elle se préoccupa de mille riens, délaissés, oubliés, et son miroir put lui rendre ce témoignage: que la plupart des femmes plus jeunes qu'elle ne pouvaient entrer en ligne avec la comtesse de Breuilly. N'étant plus une jeune femme, elle fut une femme jeune.

Paul y prit garde et l'en félicita de façon à la payer de ses soins; mais Blanche n'osait attaquer de front cette heure redoutable de «quatre heures», à laquelle Paul disparaissait invariablement; et, quoique se sentant déjà plus forte, elle se prêchait le courage à elle-même, sans parvenir à se le donner. Enfin, un jour d'été, où la beauté d'un temps doux, après un orage, conviait les rares Parisiens restés à Paris à revoir les horizons factices du bois de Boulogne, Blanche eut l'audace de demander à Paul deux heures de son temps et le tour des lacs. Il était trois heures et demie.

Paul y consentit sans hésiter, et il s'exécuta de la meilleure grâce. Ils partirent comme de vieux amants pour le bois, et la promenade se serait accomplie dans toutes les conditions d'un contentement parfait pour Mme de Breuilly si, au point de séparation des deux lacs, un rien, un pli de rose n'avait rappelé soudainement Blanche à ses préoccupations. III Le coupé de maître qui menait Blanche et Paul dans la direction de Longchamps se trouva un moment retardé, entre les deux lacs, par un embarras de voitures.

Il y en eut une qui, par une fausse manoeuvre de son conducteur, faillit frapper en flanc, de sa flèche d'acier, le siège du cocher de M.

de Breuilly. C'était un landau bleu, découvert et attelé dans le dernier genre.

Une très jeune femme y trônait seule.

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