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Le Grand Meaulnes chansonnettes.

Publié le 11/04/2014

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Le Grand Meaulnes chansonnettes. Sur le divan, tout à côté, six ou sept petits garçons et petites filles rangés comme sur une image, sages comme le sont les enfants lorsqu'il se fait tard, écoutaient. De temps en temps seulement, l'un d'eux, arc-bouté sur les poignets, se soulevait, glissait à terre et passait dans la salle à manger: un de ceux qui avaient fini de regarder les images venait prendre sa place. Après cette fête où tout était charmant, mais fiévrieux et fou, où lui-même avait si follement poursuivi le grand pierrot, Meaulnes se trouvait là plongé dans le bonheur le plus calme du monde. Sans bruit, tandis que la jeune fille continuait à jouer, il retourna s'asseoir dans la salle à manger, et, ouvrant un des gros livres rouges épars sur la table, il commença distraitement à lire. Presque aussitôt un des petits qui étaient par terre s'approcha, se pendit à son bras et grimpa sur son genou pour regarder en même temps que lui; un autre en fit autant de l'autre côté. Alors ce fut un rêve comme son rêve de jadis. Il put imaginer longuement qu'il était dans sa propre maison, marié, un beau soir, et que cet être charmant et inconnu qui jouait du piano, près de lui, c'était sa femme... CHAPITRE XV. La rencontre. Le lendemain matin, Meaulnes fut prêt un des premiers. Comme on le lui avait conseillé, il revêtit un simple costume noir, de mode passée, une jaquette serrée à la taille avec des manches bouffant aux épaules, un gilet croisé, un patalon élargi du bas jusqu'à cacher ses fines chaussures, et un chapeau haut de forme. La cour était déserte encore lorsqu'il descendit. Il fit quelques pas et se trouva comme transporté dans une journée de printemps. Ce fut en effet le matin le plus doux de cet hiver-là. Il faisait du soleil comme aux premiers jorus d'avril. Le givre fondait et l'herbe mouillée brillait comme humectée de rosée. Dans les abres, plusiers petits oiseaux chantaient et de temps à autre une brise tiédie coulait sur le visage du promeneur. Il fit comme les invités qui se sont éveillés avant le maître de la maison. Il sortit dans la cour du Domaine, pensant à chaque instant qu'une voix cordiale et joyeuse allait crier derrière lui: "Déjà réveillé, Augustin?..." Mais il se promena longtemps seul à travers le jardin et la cour. Là-bas, dans le bâtiment principal, rien ne remuait, ni aux fenêtres, ni à la tourelle. On avait ouvert déjà, cependant, les deux battants de la ronde porte de bois. Et, dans une des fenêtres du haut, un rayon de soleil donnait, comme en été, aux premières heures du matin. Meaulnes, pour la première fois, regardait en plein jour l'intérieur de la propriété. Les vestiges d'un mur séparaient le jardin délabré de la cour, où l'on avait, depuis peu, versé du sable et passé le râteau. A l'extrémité des dépendances qu'il habitait, c'étaient des écuries bâties dans un amusant désordre, qui multipliait les recoins garnis d'arbrisseaux fous et de vigne vierge. Jusque sur le Domaine déferlaient des bois de sapins qui le cachaient à tout le pays plat, sauf vers l'est, où l'on apercevait des collines bleues couvertes de rochers et de sapins encore. Un instant, dans le jardin, Meaulnes se pencha sur la branlante barrière de bois qui entourait le vivier; vers les bords il restait un peu de glace mince et plissée comme une écume. Il s'aperçut lui-même reflété dans l'eau, comme incliné sur le ciel, dans son costume d'étudiant romantique. Et il crut voir un autre Meaulnes; non plus l'écolier qui s'était évadé dans une carriole de paysan, mais un être charmant et romanesque, au milieu d'un beau livre de prix... Il se hâta vers le bâtiment principal, car il avait faim. Dans la grande salle où il avait dîné la veille, une CHAPITRE XV. La rencontre. 32 Le Grand Meaulnes paysanne mettait le couvert. Dès que Meaulnes se fut assis devant un des bols alignés sur la nappe, elle lui versa le café en disant: "Vous êtes le premier, monsieur". Il ne voulut rien répondre, tant il craignait d'être soudain reconnu comme un étranger. Il demanda seulement à quelle heure partirait le bateau pour la promenade matinale qu'on avait annoncée. "Pas avant une demi-heure, monsieur: personne n'est descendu encore", fut la réponse. Il continua donc d'errer en cherchant le lieu de l'embarcadère, autour de la longue maison châtelaine aux ailes inégales, comme une église. Lorsqu'il eut contourné l'aile sud, il aperçut soudain les roseaux, à perte de vue, qui formaient tout le paysage. L'eau des étangs venait de ce côté mouiller le pied des murs, et il y avait, devant plusiers portes, de petits balcons de bois qui surplombaient les vagues clapotantes. Désoeuvré, le promeneur erra un long moment sur la rive sablée comme un chemin de halage. Il examinait curieusement les grandes portes aux vitres poussiéreuses qui donnaient sur des pièces délabrées ou abandonnées, sur des dbarras encombrés de brouettes, d'outils rouills et de pots de fleurs brisés, lorsque soudain, à l'autre bout des bâtiments, il entendit des pas grincer sur le sable. C'étaient deux femmes, l'une très vieille et courbée; l'autre, une jeune fille, blonde, élancée, dont le charmant costume, après tous les déguisements de la veille, parut d'abord à Meaulnes extraordinaire. Elles s'arrêtèrent un instant pour regarder le paysage, tandis que Meaulnes se disait, avec un étonnement qui lui parut plus tard bien grossier: "Voilà sans doute ce qu'on appelle une jeune fille excentrique peut-être une actrice qu'on a mandée pour la fête". Cependant, les deux femmes passaient près de lui et Meaulnes, immobile, regarda la jeune fille. Souvent, plus tard, lorsqu'il s'endormait après avoir désespérément essayé de se rappeler le beau visage effacé, il voyait en rêve passer des rangées de jeunes femmes qui ressemblaient à celle-ci. L'une avait un chapeau comme elle et l'autre son air un peu penché; l'autre son regard si pur; l'autre encore sa taille fine, et l'autre avait aussi ses yeux bleus: mais aucune de ces femmes n'était jamais la grande jeune fille. Meaulnes eut le temps d'apercevoir, sous une lourde chevelure blonde, un visage aux traits un peu courts, mais dessinés avec une finesse presque douloureuse. Et comme déjà elle était passée devant lui, il regarda sa toilette, qui était bien la plus simple et la plus sage des toilettes... Perplexe, il se demandait s'il allait les accompagner, lorsque la jeune fille, se tournant imperceptiblement vers lui, dit à sa compagne: "Le bateau ne va pas tarder, maintenant, je pense?..." Et Meaulnes les suivit. La vieille dame, cassée, tremblante, ne cessait de causer gaiement et de rire. La jeune fille répondait doucement. Et lorsqu'elles descendirent sur l'embarcadère, elle eut ce même regard innocent et grave, qui semblait dire: "Qui êtes-vous? Que faites-vous ici? Je ne vous connais pas. Et pourtant il me semble que je vous connais". D'autres invités étaient maintenant épars entre les arbres, attendant. Et trois bateaux de plaisance accostaient, CHAPITRE XV. La rencontre. 33
meaulnes

« paysanne mettait le couvert.

Dès que Meaulnes se fut assis devant un des bols alignés sur la nappe, elle lui versa le café en disant: "Vous êtes le premier, monsieur". Il ne voulut rien répondre, tant il craignait d'être soudain reconnu comme un étranger.

Il demanda seulement à quelle heure partirait le bateau pour la promenade matinale qu'on avait annoncée. "Pas avant une demi-heure, monsieur: personne n'est descendu encore", fut la réponse. Il continua donc d'errer en cherchant le lieu de l'embarcadère, autour de la longue maison châtelaine aux ailes inégales, comme une église.

Lorsqu'il eut contourné l'aile sud, il aperçut soudain les roseaux, à perte de vue, qui formaient tout le paysage.

L'eau des étangs venait de ce côté mouiller le pied des murs, et il y avait, devant plusiers portes, de petits balcons de bois qui surplombaient les vagues clapotantes. Désoeuvré, le promeneur erra un long moment sur la rive sablée comme un chemin de halage.

Il examinait curieusement les grandes portes aux vitres poussiéreuses qui donnaient sur des pièces délabrées ou abandonnées, sur des dbarras encombrés de brouettes, d'outils rouills et de pots de fleurs brisés, lorsque soudain, à l'autre bout des bâtiments, il entendit des pas grincer sur le sable. C'étaient deux femmes, l'une très vieille et courbée; l'autre, une jeune fille, blonde, élancée, dont le charmant costume, après tous les déguisements de la veille, parut d'abord à Meaulnes extraordinaire. Elles s'arrêtèrent un instant pour regarder le paysage, tandis que Meaulnes se disait, avec un étonnement qui lui parut plus tard bien grossier: "Voilà sans doute ce qu'on appelle une jeune fille excentrique\24 peut-être une actrice qu'on a mandée pour la fête". Cependant, les deux femmes passaient près de lui et Meaulnes, immobile, regarda la jeune fille.

Souvent, plus tard, lorsqu'il s'endormait après avoir désespérément essayé de se rappeler le beau visage effacé, il voyait en rêve passer des rangées de jeunes femmes qui ressemblaient à celle-ci.

L'une avait un chapeau comme elle et l'autre son air un peu penché; l'autre son regard si pur; l'autre encore sa taille fine, et l'autre avait aussi ses yeux bleus: mais aucune de ces femmes n'était jamais la grande jeune fille. Meaulnes eut le temps d'apercevoir, sous une lourde chevelure blonde, un visage aux traits un peu courts, mais dessinés avec une finesse presque douloureuse.

Et comme déjà elle était passée devant lui, il regarda sa toilette, qui était bien la plus simple et la plus sage des toilettes... Perplexe, il se demandait s'il allait les accompagner, lorsque la jeune fille, se tournant imperceptiblement vers lui, dit à sa compagne: "Le bateau ne va pas tarder, maintenant, je pense?..." Et Meaulnes les suivit.

La vieille dame, cassée, tremblante, ne cessait de causer gaiement et de rire.

La jeune fille répondait doucement.

Et lorsqu'elles descendirent sur l'embarcadère, elle eut ce même regard innocent et grave, qui semblait dire: "Qui êtes-vous? Que faites-vous ici? Je ne vous connais pas.

Et pourtant il me semble que je vous connais". D'autres invités étaient maintenant épars entre les arbres, attendant.

Et trois bateaux de plaisance accostaient, Le Grand Meaulnes CHAPITRE XV.

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