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Le Grand Meaulnes "Et maintenant, dit Meaulnes soudain, je vais préparer mon bagage.

Publié le 11/04/2014

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Le Grand Meaulnes "Et maintenant, dit Meaulnes soudain, je vais préparer mon bagage. Apprends-le, Seurel: j'ai écrit à ma mère jeudi dernier, pour lui demander de finir mes études à Paris. C'est aujourd'hui que je pars". Il continuait à regarder vers le bourg, les mains appuyées aux barreaux, à la hauteur de sa tête. Inutile de demander si sa mère, qui était riche et lui passait toutes ses volontés, lui avait passé celle-là. Inutile aussi de demander pourquoi soudainement il désirait s'en aller à Paris!... Mais il y avait en lui, certainement, le regret et la crainte de quitter ce cher pays de Sainte-Agathe d'où il était parti pour son aventure. Quant à moi, je sentais monter une désolation violente que je n'avais pas sentie d'abord. "Pâques approche! dit-il pour m'expliquer, avec un soupir. Dès que tu l'auras trouvée là-bas, tu m'écriras, n'est-ce pas? demandai-je. C'est promis, bien sûr. N'es-tu pas mon compagnon et mon frère?..." Et il me posa la main sur l'épaule. Peu à peu je comprenais que c'était bien fini, puisqu'il voulait terminer ses études à Paris; jamais plus je n'aurais avec moi mon grand camarade. Il n'y avait d'espoir, pour nous réunir, qu'en cette maison de Paris où devait se retrouver la trace de l'aventure perdue... Mais de voir Meaulnes lui-même si triste, quel pauvre espoir c'était là pour moi! Mes parents furent avertis: M. Seurel se montra très étonné, mais se rendit bien vite aux raisons d'Augustin; Millie, femme d'intérieur, se désola surtout à la pensée que la mère de Meaulnes verrait notre maison dans un désordre inaccoutumé... La malle, hélas! fut bientôt faite. Nous cherchâmes sous l'escalier ses souliers des dimanches; dans l'armoire, un peu de linge; puis ses papiers et ses livres d'école tout ce qu'un jeune homme de dix-huit ans possède au monde. A midi, Mme Meaulnes arrivait avec sa voiture. Elle déjeuna au café Daniel en compagnie d'Augustin, et l'emmena sans donner presque aucune explication, dès que le cheval fut affené et attelé. Sur le seuil, nous leur dîmes au revoir; et la voiture disparut au tournant des Quatre-Routes. Millie frotta ses souliers devant la porte et rentra dans la froide salle à manger, remettre en ordre ce qui avait été dérangé. Quant à moi, je me trouvai, pour la première fois depuis de longs mois, seul en face d'une longue soirée de jeudiavec l'impression que, dans cette vieille voiture, mon adolescence venait de s'en aller pour toujours. CHAPITRE XI. Je trahis... Que faire? Le temps s'élevait un peu. On eût dit que le soleil allait se montrer. Une porte claquait dans la grande maison. Puis le silence retombait. De temps à autre mon père traversait la cour, pour remplir un seau de charbon dont il bourrait le poêle. J'apercevais les linges blancs pendus aux cordes et je n'avais aucune envie de rentrer dans le triste endroit transformé en séchoir, pour m'y trouver en tête-à-tête avec l'examen de la fin de l'année, ce concours de l'Ecole Normale qui devait être désormais ma seule préoccupation. CHAPITRE XI. Je trahis... 62 Le Grand Meaulnes Chose étrange: à cet ennui qui me désolait se mêlait comme une sensation de liberté. Meaulnes parti, toute cette aventure terminée et manquée, il me semblait du moins que j'étais libéré de cet étrange souci, de cette occupation mystérieuse, qui ne me permettaient plus d'agir comme tout le monde. Meaulnes parti, je n'étais plus son compagnon d'aventures, le frère de ce chasseur de pistes; je redevenais un gamin du bourg pareil aux autres. Et cela était facile et je n'avais qu'à suivre pour cela mon inclination la plus naturelle. Le cadet des Roy passa dans la rue boueuse, faisant tourner au bout d'un ficelle, puis lâchant en l'air trois marrons attachés qui retombèrent dans la cour. Mon désoeuvrement était si grand que je pris plaisir à lui relancer deux ou trois fois ses marrons de l'autre côté du mur. Soudain je le vis abandonner ce jeu puéril pour courir vers un tombereau qui venait par le chemin de la Vieille-Planche. Il eut vite fait de grimper par derrière sans même que la voiture s'arrêtât. Je reconnaissais le petit tombereau de Delouche et son cheval. Jasmin conduisait; le gros Boujardon était debout. Ils revenaient du pré. "Viens avec nous, François!" cria Jasmin, qui devait savoir déjà que Meaulnes était parti. Ma foi! sans avertir personne, j'escaladai la voiture cahotante et me tins comme les autres, debout, appuyé contre un des montants du tombereau. Il nous conduisit chez la veuve Delouche... Nous sommes maintenant dans l'arrière-boutique, chez la bonne femme qui est en même temps épicière et aubergiste. Un rayon de soleil glisse à travers la fenêtre basse sur les boîtes en fer-blanc et sur les tonneaux de vinaigre. Le gros Boujardon s'assoit sur l'appui de la fenêtre et tourné vers nous, avec un gros rire d'homme pâteux, il mange des biscuits à la cuiller. A la portée de la main, sur un tonneau, la boîte est ouverte et entamée. Le petit Roy pousse des cris de plaisir. Une sorte d'intimité de mauvais aloi s'est établie entre nous. Jasmin et Boujardon seront maintenant mes camarades, je le vois. Le cours de ma vie a changé tout d'un coup. Il me semble que Meaulnes est parti depuis très longtemps et que son aventure est une vieille histoire triste, mais finie. Le petit Roy a déniché sous une planche une bouteille de liqueur entamée. Delouche nous offre à chacun la goutte, mais il n'y a qu'un verre et nous buvons tous dans le même. On me sert le premier avec un peu de condescendance, comme si je n'étais pas habitué à ces moeurs de chasseurs et de paysans... Cela me gêne un peu. Et comme on vient à parler de Meaulnes, l'envie me prend, pour dissiper cette gêne et retrouver mon aplomb, de montrer que je connais son histoire et de la raconter un peu. En quoi cela pourrait-il lui nuire puisque tout est fini maintenant de ses aventures ici?... ...................................... Est-ce que je raconte mal cette histoire? Elle ne produit pas l'effet que j'attendais. Mes compagnons, en bons villageois que rien n'étonne, ne sont pas surpris pour si peu. "C'était une noce, quoi!" dit Boujardon. Delouche en a vu une, à Préveranges, qui était plus curieuse encore. Le château? On trouverait certainement des gens du pays qui en ont entendu parler. Le jeune fille? Meaulnes se mariera avec elle quand il aura fait son année de service. "Il aurait dû, ajoute l'un d'eux, nous en parler et nous montrer son plan au lieu de confier cela à un CHAPITRE XI. Je trahis... 63
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« Chose étrange: à cet ennui qui me désolait se mêlait comme une sensation de liberté.

Meaulnes parti, toute cette aventure terminée et manquée, il me semblait du moins que j'étais libéré de cet étrange souci, de cette occupation mystérieuse, qui ne me permettaient plus d'agir comme tout le monde.

Meaulnes parti, je n'étais plus son compagnon d'aventures, le frère de ce chasseur de pistes; je redevenais un gamin du bourg pareil aux autres.

Et cela était facile et je n'avais qu'à suivre pour cela mon inclination la plus naturelle. Le cadet des Roy passa dans la rue boueuse, faisant tourner au bout d'un ficelle, puis lâchant en l'air trois marrons attachés qui retombèrent dans la cour.

Mon désoeuvrement était si grand que je pris plaisir à lui relancer deux ou trois fois ses marrons de l'autre côté du mur. Soudain je le vis abandonner ce jeu puéril pour courir vers un tombereau qui venait par le chemin de la Vieille-Planche.

Il eut vite fait de grimper par derrière sans même que la voiture s'arrêtât.

Je reconnaissais le petit tombereau de Delouche et son cheval.

Jasmin conduisait; le gros Boujardon était debout.

Ils revenaient du pré. "Viens avec nous, François!" cria Jasmin, qui devait savoir déjà que Meaulnes était parti. Ma foi! sans avertir personne, j'escaladai la voiture cahotante et me tins comme les autres, debout, appuyé contre un des montants du tombereau.

Il nous conduisit chez la veuve Delouche... Nous sommes maintenant dans l'arrière-boutique, chez la bonne femme qui est en même temps épicière et aubergiste.

Un rayon de soleil glisse à travers la fenêtre basse sur les boîtes en fer-blanc et sur les tonneaux de vinaigre.

Le gros Boujardon s'assoit sur l'appui de la fenêtre et tourné vers nous, avec un gros rire d'homme pâteux, il mange des biscuits à la cuiller.

A la portée de la main, sur un tonneau, la boîte est ouverte et entamée.

Le petit Roy pousse des cris de plaisir.

Une sorte d'intimité de mauvais aloi s'est établie entre nous.

Jasmin et Boujardon seront maintenant mes camarades, je le vois.

Le cours de ma vie a changé tout d'un coup.

Il me semble que Meaulnes est parti depuis très longtemps et que son aventure est une vieille histoire triste, mais finie. Le petit Roy a déniché sous une planche une bouteille de liqueur entamée.

Delouche nous offre à chacun la goutte, mais il n'y a qu'un verre et nous buvons tous dans le même.

On me sert le premier avec un peu de condescendance, comme si je n'étais pas habitué à ces moeurs de chasseurs et de paysans...

Cela me gêne un peu.

Et comme on vient à parler de Meaulnes, l'envie me prend, pour dissiper cette gêne et retrouver mon aplomb, de montrer que je connais son histoire et de la raconter un peu.

En quoi cela pourrait-il lui nuire puisque tout est fini maintenant de ses aventures ici?... .

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. Est-ce que je raconte mal cette histoire? Elle ne produit pas l'effet que j'attendais. Mes compagnons, en bons villageois que rien n'étonne, ne sont pas surpris pour si peu. "C'était une noce, quoi!" dit Boujardon. Delouche en a vu une, à Préveranges, qui était plus curieuse encore. Le château? On trouverait certainement des gens du pays qui en ont entendu parler. Le jeune fille? Meaulnes se mariera avec elle quand il aura fait son année de service. "Il aurait dû, ajoute l'un d'eux, nous en parler et nous montrer son plan au lieu de confier cela à un Le Grand Meaulnes CHAPITRE XI.

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