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      Le mythe de Sisyphe.

Publié le 04/11/2013

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sisyphe
      Le mythe de Sisyphe. Essai sur l'absurde. (1942)   La création absurde   KIRILOV             Retour à la table des matières Tous les héros de Dostoïevsky s'interrogent sur le sens de la vie. C'est en cela qu'ils sont modernes : ls ne craignent pas le ridicule. Ce qui distingue la sensibilité moderne de la sensibilité classique, c'est que celle-ci se nourrit de problèmes moraux et celle-là de problèmes métaphysiques. Dans les romans de Dostoïevsky, la question est posée avec une telle intensité qu'elle ne peut engager que des solutions extrêmes. L'existence est mensongère ou elle est éternelle. Si Dostoïevsky se contentait de cet examen, il serait philosophe. Mais il illustre les conséquences que ces jeux de l'esprit peuvent avoir dans une vie 'homme et c'est en cela qu'il est artiste. Parmi ces conséquences, c'est la dernière qui le retient, celle que lui-même dans le Journal d'un Écrivain appelle suicide logique. Dans les livraisons de décembre 1876, en effet, il imagine le raisonnement du « suicide logique «. Persuadé que l'existence humaine est une arfaite absurdité pour qui n'a pas la foi en l'immortalité, le désespéré en arrive aux conclusions uivantes : « Puisqu'à mes questions au sujet du bonheur, il m'est déclaré en réponse, par l'intermédiaire de ma conscience, que je ne puis être heureux autrement que dans cette harmonie avec le grand tout, que je ne onçois et ne serai jamais en état de concevoir, c'est évident... « ... Puisqu'enfin dans cet ordre de choses, j'assume à la fois le rôle du plaignant et celui du répondant, e l'accusé et du juge, et puisque je trouve cette comédie de la part de la nature tout à fait stupide, et ue même j'estime humiliant de ma part d'accepter de la jouer... « En ma qualité indiscutable de plaignant et de répondant, de juge et d'accusé, je condamne cette ature qui, avec un si impudent sans-gêne, m'a fait naître pour souffrir - je la condamne à être anéantie vec moi. « Il y a encore un peu d'humour dans cette position. Ce suicidé se tue parce que, sur le plan étaphysique, il est vexé. Dans un certain sens, il se venge. C'est la façon qu'il a de prouver qu'on ne « l'aura pas «. On sait cependant que le même thème s'incarne, mais avec la plus admirable ampleur, chez Kirilov, personnage des Possédés, partisan lui aussi du suicide logique. L'ingénieur Kirilov déclare quelque part qu'il veut s'ôter la vie parce que « c'est son idée «. On entend bien qu'il faut prendre le mot au sens ropre. C'est pour une idée, une pensée qu'il se prépare à la mort. C'est le suicide supérieur. rogressivement, tout le long de scènes où le masque de Kirilov s'éclaire peu à peu, la pensée mortelle qui 'anime nous est livrée. L'ingénieur en effet, reprend les raisonnements du Journal. Il sent que Dieu est nécessaire et qu'il faut bien qu'il existe. Mais il sait qu'il n'existe pas et qu'il ne peut pas exister, « Comment ne comprends-tu pas, s'écrie-t-il, que c'est là une raison suffisante pour se tuer ? « Cette attitude entraîne également chez lui quelques-unes des conséquences absurdes. Il accepte par indifférence de laisser utiliser son suicide au profit d'une cause qu'il méprise. « J'ai décidé cette nuit que cela m'était égal. « Il prépare enfin son geste dans un sentiment mêlé de révolte et de liberté. « Je me tuerai pour affirmer mon insubordination, ma nouvelle et terrible liberté. « Il ne s'agit plus de vengeance, mais de révolte. Kirilov est donc un personnage absurde - avec cette réserve essentielle cependant qu'il se tue. Mais lui-même explique cette contradiction, et de telle sorte qu'il révèle en même temps le secret absurde dans toute sa pureté. Il ajoute en effet à sa logique mortelle une ambition extraordinaire qui donne au personnage toute sa perspective : il veut se tuer pour devenir dieu. Le raisonnement est d'une clarté classique. Si Dieu n'existe pas, Kirilov est dieu. Si Dieu n'existe pas, Kirilov doit se tuer. Kirilov doit donc se tuer pour être dieu. Cette logique est absurde, mais c'est ce qu'il faut. L'intéressant cependant est de donner un sens à cette divinité ramenée sur terre. Cela revient à éclairer la prémisse : « Si Dieu n'existe pas, je suis dieu «, qui reste encore assez obscure. Il est important de remarquer d'abord que l'homme qui affiche cette prétention insensée est bien de ce monde. Il fait sa gymnastique tous les matins pour entretenir sa santé. Il s'émeut de la joie de Chatov retrouvant sa femme. Sur un papier qu'on trouvera après sa mort, il veut dessiner une figure qui « leur « tire la langue. Il est puéril et colère, passionné, méthodique et sensible. Du surhomme il n'a que la logique et l'idée fixe, de l'homme tout le registre. C'est lui cependant qui parle tranquillement de sa divinité. Il n'est pas fou ou alors Dostoïevsky l'est. Ce n'est donc pas une illusion de mégalomane qui l'agite. Et prendre les mots dans leur sens propre serait, cette fois, ridicule. Kirilov lui-même nous aide à mieux comprendre. Sur une question de Stavroguine, il précise qu'il ne parle pas d'un dieu-homme. On pourrait penser que c'est par souci de se distinguer du Christ. Mais il s'agit en réalité d'annexer celui-ci. Kirilov en effet imagine un moment que Jésus mourant ne s'est pas retrouvé en paradis. Il a connu alors que sa torture avait été inutile. « Les lois de la nature, dit l'ingénieur, nt fait vivre le Christ au milieu du mensonge et mourir pour un mensonge. « En ce sens seulement, Jésus ncarne bien tout le drame humain. Il est l'homme-parfait, étant celui qui a réalisé la condition la plus absurde. Il n'est pas le Dieu-homme, mais l'homme-dieu. Et comme lui, chacun de nous peut être crucifié et dupé - l'est dans une certaine mesure. La divinité dont il s'agit est donc toute terrestre. « J'ai cherché pendant trois ans, dit Kirilov, l'attribut de ma divinité et je l'ai trouvé. L'attribut de ma divinité, c'est l'indépendance. « On aperçoit désormais le sens de la prémisse kirilovienne : « Si Dieu n'existe pas, je suis dieu. « Devenir dieu, c'est seulement être libre sur cette terre, ne pas servir un être immortel. C'est surtout, bien entendu, tirer outes les conséquences de cette douloureuse indépendance. Si Dieu existe, tout dépend de lui et nous ne ouvons rien contre sa volonté. S'il n'existe pas, tout dépend de nous. Pour Kirilov comme pour Nietzsche, uer Dieu, c'est devenir dieu soi-même - c'est réaliser dès cette terre la vie éternelle dont parle 'Évangile  [20] . Mais si ce crime métaphysique suffit à l'accomplissement de l'homme, pourquoi y ajouter le suicide ? ourquoi se tuer, quitter ce monde après avoir conquis la liberté ? Cela est contradictoire. Kirilov le sait bien, qui ajoute : « Si tu sens cela, tu es un tzar et loin de te tuer, tu vivras au comble de la gloire. « Mais les hommes ne le savent pas. Ils ne sentent pas « cela «. Comme au temps de Prométhée, ils nourrissent en ux les aveugles espoirs  [21] . Ils ont besoin qu'on leur montre le chemin et ne peuvent se passer de la prédication. Kirilov doit donc se tuer par amour de l'humanité. Il doit montrer à ses frères une voie royale et difficile sur laquelle il
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« nécessaire etqu'il faut bienqu'il existe.

Maisilsait qu'il n'existe pasetqu'il nepeut pasexister, « Comment necomprends-tu pas,s'écrie-t-il, quec'est làune raison suffisante poursetuer ? » Cette attitude entraîne également chezluiquelques-unes desconséquences absurdes.Ilaccepte par indifférence delaisser utiliser sonsuicide auprofit d'unecause qu'ilméprise.

« J'aidécidé cettenuitque cela m'était égal. »Ilprépare enfinsongeste dansunsentiment mêléderévolte etde liberté.

« Jeme tuerai pouraffirmer moninsubordination, manouvelle etterrible liberté. » Ilne s'agit plusdevengeance, mais derévolte.

Kirilovestdonc unpersonnage absurde-avec cette réserve essentielle cependantqu'ilse tue.

Mais lui-même expliquecettecontradiction, etde telle sorte qu'ilrévèle enmême temps lesecret absurde danstoute sapureté.

Ilajoute eneffet àsa logique mortelle uneambition extraordinaire qui donne aupersonnage toutesaperspective : ilveut setuer pour devenir dieu. Le raisonnement estd'une clarté classique.

SiDieu n'existe pas,Kirilov estdieu.

SiDieu n'existe pas, Kirilov doitsetuer.

Kirilov doitdonc setuer pour êtredieu.

Cette logique estabsurde, maisc'est cequ'il faut.

L'intéressant cependantestdedonner unsens àcette divinité ramenée surterre.

Celarevient à éclairer laprémisse : « SiDieu n'existe pas,jesuis dieu », quireste encore assezobscure.

Ilest important deremarquer d'abordquel'homme quiaffiche cetteprétention insenséeestbien decemonde. Il fait sagymnastique touslesmatins pourentretenir sasanté.

Ils'émeut delajoie deChatov retrouvant sa femme.

Surunpapier qu'ontrouvera aprèssamort, ilveut dessiner unefigure qui« leur » tirela langue.

Ilest puéril etcolère, passionné, méthodique etsensible.

Dusurhomme iln'a que lalogique et l'idée fixe,del'homme toutleregistre.

C'estluicependant quiparle tranquillement desadivinité.

Iln'est pas fou oualors Dostoïevsky l'est.Cen'est doncpasune illusion demégalomane quil'agite.

Etprendre les mots dansleursens propre serait,cettefois,ridicule. Kirilov lui-même nousaideàmieux comprendre.

Surunequestion deStavroguine, ilprécise qu'ilne parle pasd'un dieu-homme.

Onpourrait penserquec'est parsouci desedistinguer duChrist.

Maisil s'agit enréalité d'annexer celui-ci.Kiriloveneffet imagine unmoment queJésus mourant ne s'est pas retrouvé enparadis . Il aconnu alorsquesatorture avaitétéinutile.

« Lesloisdelanature, ditl'ingénieur, ont fait vivre leChrist aumilieu dumensonge etmourir pourunmensonge. » Encesens seulement, Jésus incarne bientout ledrame humain.

Ilest l'homme-parfait, étantceluiquiaréalisé lacondition laplus absurde.

Iln'est pasleDieu-homme, maisl'homme-dieu.

Etcomme lui,chacun denous peut êtrecrucifié et dupé -l'est dansunecertaine mesure. La divinité dontils'agit estdonc toute terrestre.

« J'aicherché pendanttroisans,ditKirilov, l'attribut dema divinité etjel'ai trouvé.

L'attribut dema divinité, c'estl'indépendance. » Onaperçoit désormais lesens delaprémisse kirilovienne : « SiDieu n'existe pas,jesuis dieu. » Devenir dieu,c'est seulement êtrelibre surcette terre, nepas servir unêtre immortel.

C'estsurtout, bienentendu, tirer toutes lesconséquences decette douloureuse indépendance.

SiDieu existe, toutdépend deluietnous ne pouvons riencontre savolonté.

S'iln'existe pas,tout dépend denous.

PourKirilov comme pourNietzsche, tuer Dieu, c'est devenir dieusoi-même -c'est réaliser dèscette terrelavie éternelle dontparle l'Évangile  [20]. Mais sice crime métaphysique suffitàl'accomplissement del'homme, pourquoiyajouter lesuicide ? Pourquoi setuer, quitter cemonde aprèsavoirconquis laliberté ? Celaestcontradictoire.

Kirilovlesait bien, quiajoute : « Situsens cela, tues un tzar etloin detetuer, tuvivras aucomble delagloire. » Mais les hommes nelesavent pas.Ilsnesentent pas« cela ».

Commeautemps deProméthée, ilsnourrissent en eux lesaveugles espoirs  [21] . Ils ont besoin qu'onleurmontre lechemin etne peuvent sepasser delaprédication.

Kirilovdoitdonc se tuer paramour del'humanité.

Ildoit montrer àses frères unevoie royale etdifficile surlaquelle il. »

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