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LECONTE DE LISLE (1818-1894). Le cœur de Hialmar

Publié le 01/05/2011

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de lisle

Né à l'île de la Réunion, Leconte de Lisle voyagea dans l'Inde et dans les îles de la Sonde, puis vécut pendant quelques années à Rennes, où il travailla le grec et l'histoire. En 1846, il se fixa à Paris, où il publia, en 1852, les Poèmes antiques ; en 1854, Poèmes et Poésies; en 1862, Poèmes barbares. — Il donna, d'autre part, de remarquables traductions d'Homère, d'Eschyle, d'Euripide, etc. Il devint chef de l'école parnassienne et fut élu à l'Académie française, en 1885, au fauteuil de Victor Hugo.

Le cœur de Hialmar (1862).

Leconte de Lisle avait trouvé, dans les Chants populaires du Nord, traduits par Xavier Marmier, et publiés en 1842, un poème intitulé Chant de mort de Hialmar. Cette poésie héroïque Scandinave le frappa virement. Il transforma en un monologue farouche le dialogue original entre deux guerriers, où Hialmar, mourant de ses blessures, priait son compagnon Œrvarod de porter son anneau d'or rouge à sa fiancée; ici, c'est son cœur qu'il lui envoie par un corbeau. Le poète français a renchéri sur la barbarie du poète Scandinave.

Une nuit claire, un vent glacé. La neige est rouge. Mille braves sont là qui dorment sans tombeaux, L'épée au poing, les yeux hagards. Pas un ne bouge. Au-dessus tourne et crie un vol de noirs corbeaux. La lune froide verse au loin sa pâle flamme. 5 Hialmar se soulève entre les morts sanglants, Appuyé des deux mains au tronçon de sa lame. La pourpre du combat ruisselle de ses flancs. — Holà ! Quelqu'un a-t-il encore un peu d'haleine, Parmi tant de joyeux et robustes garçons 10 Qui, ce matin, riaient et chantaient à voix pleine Comme des merles dans l'épaisseur des buissons? Tous sont muets. Mon casque est rompu, mon armure Est trouée, et la hache a fait sauter ses clous. Mes yeux saignent. J'entends un immense murmure 15 Pareil au£ hurlements de la mer et des loups. Viens par ici, corbeau, mon brave mangeur d'hommes! Ouvre-moi la poitrine avec ton bec de fer. Tu nous retrouveras demain tels que nous sommes. Porte mon coeur tout chaud à la fille d'Ylmer. 20 Dans Upsal, où les Jarls boivent la bonne bière, Et chantent, en heurtant les cruches d'or, en chœur, A tire-d'aile vole, ô rôdeur de bruyère! Cherche ma fiancée et porte-lui mon cœur. Au sommet de la tour que hantent les corneilles 25 Tu la verras debout, blanche, aux longs cheveux noirs. Deux anneaux d'argent fin lui pendent aux oreilles, Et ses yeux sont plus clairs que l'astre des beaux soirs. Va, sombre messager, dis-lui bien que je l'aime, Et que voici mon cœur. Elle reconnaîtra 30 Qu'il est rouge et solide, et non tremblant et blême; Et la fille d'Ylmer, corbeau, te sourira! Moi, je meurs. Mon esprit coule par vingt blessures. J'ai fait mon temps. Buvez, ô loups, mon sang vermeil. Jeune, brave, riant, libre, et sans flétrissures, 35 Je vais m'asseoir parmi les dieux, dans le soleil.

(Poèmes barbares, A. Lemerre, éditeur.)

QUESTIONS D'EXAMEN

I. — L'ensemble. — Une poésie empreinte d'une sorte de grandeur épique. — 1° Le tableau de mort présenté par le poète est saisissant : ne vous semble-t-il pas qu'il le soit plus encore, vu la nuit, — et par une nuit d'hiver? 2° Seul, Hialmar vit encore : montrez qu'il est très grièvement blessé; 3° Se soulevant entre les morts, il parle : distinguez les deux parties de ce monologue farouche ; a) la question qu'il pose à ses compagnons morts; — b) l'ordre qu'il donne au corbeau; 4° En quoi consiste l'ordre donné au corbeau? 5° Ne trouve-t-on pas là, malgré la rudesse ou le réalisme du langage (Ouvre-moi la poitrine avec ton bec de fer...; Porte mon cœur tout chaud...) l'expression d'un sentiment très pur? — (Sentiment sur lequel il convient d'insister, car il constitue le fond même de la poésie : la dernière pensée de Hialmar est pour sa fiancée : dis-lui bien que je l'aime... ;— et sa fiancée, au sommet de la tour, debout, blanche... songe également à lui); 6° Hialmar va mourir : paraît-il ému? adresse-t-il des adieux à la vie? (Il est fier, résigné...); 7° Montrez que la mort, — une mort glorieuse comme le sera la sienne, — lui apparaît comme une sorte d'apothéose.

II. — L'analyse de la poésie. — 1° Distinguez les différentes parties de cette poésie : a) un tableau de mort; b) le monologue farouche de Hialmar; 2° Indiquez les traits caractéristiques du tableau de mort; 3° Quelles sont les deux parties du monologue? (une question, un ordre...), 4° Pourquoi Hialmar dit-il au corbeau : A tire-d'aile vole...? 5° A quoi le corbeau reconnaîtra-t-il la fiancée de Hialmar? 6° Pourquoi Hialmar, jeune, aimé, ne redoute-t-il pas la mort? (Il meurt en héros et, suivant les croyances scandinaves, il ira s'asseoir parmi les dieux); 7° Quelle est la strophe indiquant que l'action se passe en Suède? 8° Faites ressortir la couleur locale du tableau qu'elle évoque.

III. — Le style ; — les expressions. — 1° Quels vous paraissent être les caractères particuliers du style, dans cette poésie? (la pureté..., la précision..., l'énergie..., l'exacte propriété des termes...), 2° Montrez que le poète sait combiner d'une manière frappante et harmonieuse l'expression des lignes (L'épée au poing.... Pas un ne bouge...),— des couleurs (La neige est rouge...', de noirs corbeaux...; sa pâle flamme...), — et des sons (... qui riaient et chantaient à voix pleine... ; ...un immense murmure...) ; 3° Dégagez l'antithèse contenue dans les 3e et 4e strophes; 4° Expliquez les expressions : yeux hagards, — sombre messager; 5° Dans l'expression : bec de fer, remplacez le mot fer par un mot synonyme; 6° Que deviendrait alors l'expression : bec acéré?...

IV. — La grammaire. — 1° Indiquez un synonyme de haleine (3e strophe), de hantent (7e strophe), de blême (8e strophe) ; 2° Distinguez les propositions contenues dans la 7e strophe : Au sommet de la tour... (Nature et, s'il y a lieu, fonction de chacune de ces propositions). Rédaction. — La -fiancée de Hialmar, au sommet de la tour, debout, blanche,... attend.... Quels sentiments l'agitent? Le corbeau, volant à tire-d'aile, l'aperçoit, se dirige vers elle et se pose sur le créneau de la tour. Imaginez la conversation qui s'engage entre le corbeau et la jeune plie.

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