Les Bijoux Indiscrets quatre ans que vous m'aimez.
Publié le 11/04/2014
Extrait du document
«
Que voulez-vous, mon fils ?
Une chose fort simple, dit Mangogul ; me procurer quelques plaisirs aux dépens des femmes de ma cour.
Eh ! mon fils, répliqua Cucufa, vous avez à vous seul plus d'appétit que tout un couvent de brahmines.
Que
prétendez-vous faire de ce troupeau de folles ?
Savoir d'elles les aventures qu'elles ont et qu'elles ont eues ; et puis c'est tout.
Mais cela est impossible, dit le génie ; vouloir que des femmes confessent leurs aventures, cela n'a jamais
été et ne sera jamais.
Il faut pourtant que cela soit, " ajouta le sultan.
A ces mots, le génie se grattant l'oreille et peignant par distraction sa longue barbe avec ses doigts, se mit à
rêver : sa méditation fut courte.
" Mon fils, dit-il à Mangogul, je vous aime ; vous serez satisfait.
"
A l'instant il plongea sa main droite dans une poche profonde, pratiquée sous son aisselle, au côté gauche de
sa robe, et en tira avec des images, des grains bénits, de petites pagodes de plomb, des bonbons moisis, un
anneau d'argent, que Mangogul prit d'abord pour une bague de saint Hubert.
" Vous voyez bien cet anneau, dit-il au sultan ; mettez-le à votre doigt, mon fils.
Toutes les femmes sur
lesquelles vous en tournerez le chaton, raconteront leurs intrigues à voix haute, claire et intelligible : mais
n'allez pas croire au moins que c'est par la bouche qu'elles parleront.
Et par où donc, ventre-saint-gris ! s'écria Mangogul, parleront-elles donc ?
Par la partie la plus franche qui soit en elles, et la mieux instruite des choses que vous désirez savoir, dit
Cucufa, par leurs bijoux.
Par leurs bijoux, reprit le sultan, en s'éclatant de rire : en voilà bien d'une autre.
Des bijoux parlants ! cela
est d'une extravagance inouïe.
Mon fils, dit le génie, j'ai bien fait d'autres prodiges en faveur de votre grand-père ; comptez donc sur ma
parole.
Allez, et que Brahma vous bénisse.
Faites un bon usage de votre secret, et songez qu'il est des
curiosités mal placées.
"
Cela dit, le cafard hochant de la tête, se raffubla de son capuchon, reprit ses chats-huants par les pattes, et
disparut dans les airs.
CHAPITRE V.
DANGEREUSE TENTATION DE MANGOGUL.
À peine Mangogul fut-il en possession de l'anneau mystérieux de Cucufa, qu'il fut tenté d'en faire le premier
essai sur la favorite.
J'ai oublié de dire qu'outre la vertu de faire parler les bijoux des femmes sur lesquelles on
tournait le chaton, il avait encore celle de rendre invisible la personne qui le portait au petit doigt.
Ainsi
Mangogul pouvait se transporter en un clin d'oeil en cent endroits où il n'était point attendu, et voir de ses
yeux bien des choses qui se passent ordinairement sans témoin ; il n'avait qu'à mettre sa bague, et dire : Les Bijoux Indiscrets
CHAPITRE V.
DANGEREUSE TENTATION DE MANGOGUL.
7.
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