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Les nymphéas de la Vivonne.

Publié le 27/04/2011

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Dans ce passage, Proust évoque les jardins de nymphéas qu'un amateur d'horticulture aquatique a fait fleurir sur la Vivonne, une rivière qui coule près de Combray, berceau de la famille de l'auteur. Çà et là, à la surface, rougissait comme une fraise une fleur de nymphéa au cœur écarlate, blanc sur les bords. Plus loin, les fleurs plus nombreuses étaient plus pâles, moins lisses, plus grenues, plus plissées, et disposées par le hasard en enroulements si gracieux qu'on croyait voir flotter à la dérive, comme après l'effeuillement mélancolique d'une fête galante, des roses mousseuses en guirlandes dénouées. Ailleurs, un coin semblait réservé aux espèces communes qui montraient le blanc et le rose proprets de la julienne (1), lavés comme de la porcelaine avec un soin domestique, tandis qu'un peu plus loin, pressées les unes contre les autres en une véritable plate-bande flottante, on eût dit des pensées des jardins qui étaient venues poser comme des papillons leurs ailes bleuâtres et glacées sur l'obliquité transparente de ce parterre d'eau ; de ce parterre céleste aussi : car il donnait aux fleurs un sol d'une couleur plus précieuse, plus émouvante que la couleur des fleurs elles-mêmes; et, soit que pendant l'après-midi il fît étinceler sous les nymphéas le kaléidoscope (2) d'un bonheur attentif, silencieux et mobile, ou qu'il s'emplît vers le soir, comme quelque port lointain, du rose et de la rêverie du couchant, changeant sans cesse pour rester toujours en accord, autour des corolles de teintes plus fixes, avec ce qu'il y a de plus profond, de plus fugitif, de plus mystérieux — avec ce qu'il y a d'infini — dans l'heure, il semblait les avoir fait fleurir en plein ciel. Marcel Proust, Du côté de chez Swann. Vous ferez de ce texte un commentaire composé. Vous pourrez, par exemple, analyser la technique de cette description impressionniste qui transfigure la réalité et sert de tremplin à la rêverie.

(1) Plante ornementale à fleurs disposées en grappes, de couleur blanche ou pourprée. (2) Petit instrument cylindrique contenant un jeu de miroirs disposés de façon que les fragments mobiles de verre colorié, qui occupent le fond de l'appareil, s'y réfléchissent en produisant d'infinies combinaisons d'images aux multiples couleurs. D'où, au figuré, succession rapide et changeante d'images, d'impressions.   

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