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MAURICE BARRES: Souvenir de Pau en Béarn

Publié le 26/01/2012

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C'est en octobre-novembre, quand la colchique perce entre les feuilles mortes, que Pau fait le mieux sentir son caractère dominant : un climat mol et qui cicatrise. Je ne sais rien de plus doucement agréable que la suite des promenades aménagées au flanc méridional de cette ville. Elles forment un large balcon sur la verte vallée du Gave, sur d'innombrables collines arrondies, et tout .au fond, sur la ligne dentelée des grandes Pyrénées bleuâtres ...

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« r 1 MANUÉL DE LITTÉ~ATURE Les mots: colchique : plante à fleur mauve, 1 de la famille des liliacées, très .

répandue dans les prairies en automne.

le Gave : rivière pyrénéenne qui passe à Pîlu, à Orthez, et se jette dans l'Adour.

largesses : le mot est pris ici dans un sens moral et signifie quel­ que chose qui JlOUS enrichit l'âme.

périssable : le fait de sentir la fra­ gilité de notre être dans ce lieu sublime augmente à la fois la douceur et la tristesse de vivre.

Le 2 novembre en Lorraine.

Le jour des Morts est la cime de l'année.

C'est de ce point que nous embrassons le plus vaste espace.

Quelle force d'émo­ tion si la visite aux trépassés se double d'un retour à notre enfance! Un horizon qui n'a point bougé prend une force divine sur une âme qui s'use.

Le 2 novembre, en Lorraine, quand son­ nent les cloches de ma ville natale et qu'une pensée se lève de chaque tombe, toutes les idées viennent me battre et flotter sur un ciel glacé, par lesquelles j'aime à rattacher les soins dè la vie à l.a mort ...

Certaines personnes se croient d'autant mieux cultivées qu'el­ les ont ·étouffé la voix du sang et l'instinct du terroir.

Elles pré­ tendent se régler sur des lois qu'elles ont ·choisies délibérément et qui, fussent-elles très logiques, risquent de contrarier nos énergies profondes.

Quant à nous, pour nous sauver d'une stérile anarchie, nous voulons nous relier à notre terre et à nos morts.

Le > s'anéantit sous nos regards d'une manière plus ter­ rifiante encore si nous distinguons notre automatisme.

Quelque chose d'éternel git en nous dont nous n'avons que l'usufruit, mais cette jouissance même est réglée par les morts ...

Dans cet excès d'humiliation, une magnifique douceur nous apaise, nous persuade d'accepter nos esclavages : c'est, si l'on veut bien comprendre - et non pas seulement dire du bout des lèvres, mais se représenter d'une manière sensible -que nous sommes le prolongement et la continuité de nos pères et mères ...

De cette conscience, quelles conséquences dans tous les ordres il tirera! Quelle acceptation! Vous l'entrevoyez.

C'est tout un vertige délicieux où l'individu se défait pour se ressaisir dans la famille, dans la race, dans la nation, dans les milliers d'années que n'annule pas le tombeau, « Je dis au sépulcre : Vous serez mon père n.

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