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Michel CALONI : Sommes-nous devenus vieux ?

Publié le 22/03/2011

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   Au cours de stages de préparation à la retraite que j'anime, je constate que le besoin de sécurité est une demande constante et de plus en plus forte des participants. A cela rien de bien étonnant, car cette demande de sécurité, tant matérielle que morale, est un trait dominant de l'avance en âge. Ce qui me paraît beaucoup plus inquiétant pour l'avenir de notre pays, c'est que cette sécurité est maintenant une demande de plus en plus fréquente de la part des jeunes générations. Celle-ci ne condamne-t-elle pas à court terme notre société ?    La vie, vivre, est un risque permanent. Le premier et le plus important n'est-il pas de perdre la vie ? Celle-ci n'est, qu'on le veuille ou non, qu'un moment d'existence temporaire entre deux états d'inexistence. Seules nous survivent nos créations, qu'elles soient biologiques (enfants) ou matérielles (œuvres littéraires, artistiques, scientifiques ou sociales). L'apanage de la vraie jeunesse est d'ignorer le risque, ou pour le moins de le négliger ou de le minimiser, tant elle est avide de vivre, de connaître, d'apprendre, de réussir l'impossible, et, portée par la passion de sa « folle juvénilité «, de déplacer les montagnes de V « establishment « faites d'indifférence aux idées nouvelles, de routine et de conformisme. Les jeunes risquent tout, dit-on, mais en fait souvent rien d'autre — et c'est déjà énorme — que leurs ambitions, leurs idées, leurs espoirs, leur idéal, bref ce qui constitue leur vitalité, la quête de la réussite, de la gloire, du bonheur.    En échange de leur volonté d'être, de vivre et de vaincre, ils ne demandent rien d'autre que la liberté d'agir et la reconnaissance du droit à l'échec, du droit à l'erreur. Mais de nos jours, ces derniers ne sont plus de mise, et ceux qui y croient encore sont de moins en moins nombreux. La vie est un risque quotidien que notre société, donc ceux qui la composent, refuse de plus en plus, et elle demande aux pouvoirs publics d'assurer la plus grande sécurité possible pour tous. Cela aboutit à la création de contraintes personnelles qui sont la contrepartie obligatoire de la disparition partielle de certains risques.    Pour éliminer le risque, pour obtenir la sécurité, on demande à l'État-providence de devenir un État-nounou, un État-protecteur, un État-assurances-tous-risques. Pour répondre à cette demande, l'État-nounou nous prend en charge : il nous surveille, nous gronde, nous punit, nous soigne, nous protège contre les autres (en théorie) et contre nous-mêmes, nous nourrit même en cas de besoin. En contrepartie, l'État-assurances-tous-risques nous interdit tout, ou presque tout, comme aux petits enfants que nous sommes encore peut-être, ou comme aux vieillards que nous sommes déjà devenus. L'État-protecteur, véritable mère abusive trop heureuse de garder ses petits sous son autorité, nous oblige à boucler nos ceintures, à ne pas fumer dans les lieux publics, à conduire lentement, à nous vacciner, à porter un casque en moto ou sur les chantiers, à choisir entre boire ou conduire, à ne pas trop nous chauffer (attention, pas plus de 20 degrés !), à cotiser à la « Sécurité « sociale, aux caisses de retraites, à l'assurance chômage, j'en passe, faute de place.    Il fait de nous des assistés sociaux, et ce à notre demande, tels les majeurs incapables mis sous curatelle, pour ne pas dire des mineurs mis sous tutelle. A refuser le risque, nous sommes devenus démissionnaires de notre propre conduite de vie, de nos responsabilités. [...] Nous avons renoncé à une bonne partie de nos libertés et de nos revenus. Pour ne pas effrayer ces pauvres « petits « que nous sommes devenus, on nous cache, par exemple, le véritable prix que nous payons pour notre sécurité, ne serait-ce que par le biais des cotisations dites patronales ou par les impôts indirects. Contre l'absence de risques, nous avons droit à une vie aseptisée, monotone, uniforme, insipide, planifiée, purifiée, [...], sans peine mais sans joie, sans initiative, sans échec mais sans victoire, à l'abri du besoin mais aussi de la réussite et de l'épanouissement personnel.    De plus en plus jeunes, nous préférons aux risques inhérents d'une vie exaltante et pleine de promesses et de dangers, une sécurité rassurante mais aussi stérilisante et débilitante. Entre la fougue et l'inconscience de la vraie jeunesse, celle du cœur qui ne compte ni ne calcule, et la sagesse sécurisante et conservatrice des anciens, nous choisissons de plus en plus tôt cette deuxième voie. C'est dommage pour ceux qui ont encore le goût du risque et qui ne peuvent guère, dans le dédale des interdictions et des règlements, le développer, mais conforme à l'évolution de notre société. Celle-ci a été jeune, elle a eu son heure de gloire à l'âge adulte, elle connaît de nos jours le bonheur d'une retraite conformiste, bourgeoise et conservatrice, peu exaltante, certes, mais pleine de sécurités chèrement payées.    Sommes-nous tous devenus vieux? A mon avis, oui, et bien au-delà de ce que les démographes nous enseignent.    Vous ferez à votre choix soit un résumé de ce texte, soit une analyse. Vous indiquerez nettement en tête de l'exercice le mot résumé ou le mot analyse.    Vous choisirez ensuite dans le texte un problème qui offre une réelle consistance et qui vous aura intéressé. Vous l'exposerez, en précisant le point de vue de l'auteur, et vous présenterez votre avis personnel sous la forme d'une argumentation ordonnée, menant à une conclusion précise.

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