Michel CURIE. Paysans agacés : le patrimoine, c'est nous. (Le Monde.)
Publié le 22/03/2011
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Il est curieux de constater que les périodes de récession économique et d'inflation vont de pair avec un retour sur le passé, des retrouvailles avec les valeurs ancestrales pêle-mêle et un repli sur ce que disait grand-mère. On n'a jamais vu autant d'amateurs de vieilles demeures, de cartes postales anciennes et d'énigmes historiques. On collectionne tout et n'importe quoi à partir du moment où cela a l'air vieux, antique, solennel et « proche du terroir «. Qu'importe lequel d'ailleurs! Il ne vient à l'idée de personne — ou alors il s'agit de dangereux personnages, à la fois illuminés et iconoclastes — que le patrimoine, c'est aussi la matière grise des artistes contemporains. Il fut pourtant une époque, celle de Malraux à la culture — qui était aussi celle de la reine automobile, sans limitation de vitesse et sans ceinture de sécurité, qu'il est de bon ton de décrier aujourd'hui si elle n'a pas quarante ans d'âge, — où parler de création artistique ne vous faisait pas regarder comme quelqu'un de mûr pour l'hôpital psychiatrique. Aujourd'hui, demi-tour : fouillons nos souvenirs, nos greniers, visitons nos cathédrales et nos châteaux, gavons-nous des trésors de nos musées. Encyclopédisons nos mémoires et atrophions notre imagination. Certes, on a rarement vu les syndicats d'initiative mettre dans leurs dépliants la photo d'un monument contemporain (église, bâtiment public ou privé) ou inciter les visiteurs à se rendre à un spectacle, dit d'avant-garde. Mais le début de la cinquième République avait été marqué par un renouveau de l'art en France, officiellement appuyé par les hommes qui avaient compris qu'il s'agissait là d'une chose vivante, en perpétuelle évolution, et non d'une chose morte enfermée dans le coffre-fort de l'histoire d'une nation.
En 1980, les préfets répercutent une doctrine de l'État qui est tout autre et qui va d'ailleurs dans le sens de ce que les Français veulent entendre dans les heures économiques difficiles qu'ils sont en train de vivre : le chômage, c'est la faute au progrès ; voilons-nous la face devant toute innovation, qu'elle soit culturelle ou technologique. Ainsi, un préfet, qui parlait à l'assemblée régionale des syndicats d'initiative, a affirmé que l'époque du tourisme des grandes curiosités semblait céder le pas à un tourisme de la connaissance du passé afin que les hommes et les femmes « retrouvent une communauté «. « Faites des animations s'inspirant du passé «, a-t-il conseillé à ses auditeurs. Sans doute souhaite-t-il par là que ses concitoyens retrouvent des racines. Souci louable, mais dont on parle peut-être un peu beaucoup. La mode est à l'arbre généalogique. « On se raccroche aux branches qu'on peut. « Mais sans renier son passé ni celui de sa région et de son pays, ce qui serait stupide et d'ailleurs impossible, est-ce faire preuve de trop de vanité que de penser qu'on peut être soi-même racine — s'alimentant au terreau formé par les siècles passés — et, avec ses contemporains, former d'autres racines ! On ne peut toujours vivre à l'ombre : il est des grands chênes qu'il faut abattre... Vous ferez, à votre choix, de ce texte, soit un résumé qui respecte l'ordre suivi par l'auteur, soit une analyse qui dégage les différents thèmes en en soulignant l'enchaînement et l'importance relative. Vous retiendrez ensuite, parmi les opinions exprimées dans ce texte, celle qui vous aura le plus intéressé, vous la commenterez et la discuterez en justifiant, par des exemples de votre choix, vos propres vues sur la question.
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