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Michel Tournier, Vendredi ou la vie sauvage.

Publié le 27/04/2011

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Robinson n'avait jamais été coquet et il n'aimait pas particulièrement se regarder dans les glaces. Pourtant cela ne lui était pas arrivé depuis si longtemps qu'il fut tout surpris un jour en sortant un miroir d'un des coffres de La Virginie de revoir son propre visage. En somme il n'avait pas tellement changé, si ce n'est peut-être que sa barbe avait allongé et que de nombreuses rides nouvelles sillonnaient son visage. Ce qui l'inquiétait tout de même, c'était l'air sérieux qu'il avait, une sorte de tristesse qui ne le quittait jamais. Il essaya de sourire. Là, il éprouva comme un choc en s'apercevant qu'il n'y arrivait pas. Il avait beau se forcer, essayer à tout prix de plisser ses yeux et de relever les bords de sa bouche, impossible, il ne savait plus sourire. Il avait l'impression maintenant d'avoir une figure en bois, un masque immobile, figé dans une expression maussade. A force de réfléchir, il finit par comprendre ce qui lui arrivait. C'était parce qu'il était seul. Depuis trop longtemps il n'avait personne à qui sourire, et il ne savait plus; quand il voulait sourire, ses muscles ne lui obéissaient pas. Et il continuait à se regarder d'un air dur et sévère dans la glace, et son cœur se serrait de tristesse. Ainsi il avait tout ce qu'il lui fallait sur cette île, de quoi boire et manger, une maison, un lit pour dormir, mais pour sourire, personne, et son visage en était comme glacé.    C'est alors que ses yeux s'abaissèrent vers Tenn. Robinson rêvait-il ? Le chien était en train de lui sourire !    Michel Tournier, Vendredi ou la vie sauvage.    Vous ferez un commentaire composé de ce texte. Vous pourriez montrer, par exemple, par quels procédés Michel Tournier rend sensible la tragédie de la solitude.   

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