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Mille et un jours en prison a Berlin gare une dépêche venant de Suisse le concernant.

Publié le 11/04/2014

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Mille et un jours en prison a Berlin gare une dépêche venant de Suisse le concernant. On l'emmena à Berlin où il fut enfermé dans la prison de la rue Dirksen. Nous étions là. Sur la porte de sa cellule, on avait écrit: H. Hintermann, englander, c'est-à-dire sujet britannique. Ce ne fut pas long avant que M. Hintermann eût rayé le mot englander et y eût substitué la désignation correcte de sa nationalité qui était suisse. On changea plusieurs fois la carte servant à le désigner, et qui était collée sur sa porte, mais le mot englander y était toujours mystérieusement effacé et remplacé par le mot propre. J'ai connu M. Hintermann intimement. Je sais qu'il n'a jamais été naturalisé en Angleterre, mais le gouvernement suisse et le gouvernement allemand ont été mis sous l'impression, facilement je dois le dire, qu'Hintermann était devenu sujet britannique. Il ne m'est pas permis de dire, du moins en ce moment, par quels procédés le gouvernement suisse et le gouvernement allemand ont été mis sous cette fausse impression. Durant les trois ans que j'ai connu M. Hintermann, je puis affirmer qu'il n'a cessé de réclamer sa mise en liberté, et qu'il a maintes et maintes fois mis le gouvernement suisse et le gouvernement allemand en demeure de démontrer qu'il était sujet britannique. La seule réponse catégorique qu'il ait jamais reçue, à ce sujet, de la Légation Suisse à Berlin, fut que le ministère des Affaires Étrangères d'Allemagne était pertinemment renseigné, et qu'il possédait dans ses archives la preuve documentaire que M. Hintermann avait été naturalisé en Angleterre. M. Hintermann a toujours taxé de fausseté ces prétendus documents. Je ne saurais en dire davantage, mais il est certain que cet internement d'un sujet neutre, d'un des hommes les plus braves et les plus honorables que j'aie connus, internement qui n'avait pas encore pris fin lors de mon départ d'Allemagne, et qui a causé, tant au point de vue de la santé qu'au point de vue de la finance, un tort incalculable à celui qui en a été victime, aura une certaine répercussion dans le monde politique après la guerre. M. Hintermann était un homme d'une très grande valeur. Il était estimé et vénéré de tous les prisonniers. Dans notre petit monde, dont la grande majorité était composée de miséreux, il a déployé envers tous une charité inlassable. Parlant également bien l'anglais, le français et l'allemand, il était en état de se mettre au courant des misères et des souffrances des prisonniers de quelque nationalité qu'ils fussent. Tous ceux qui l'ont connu, au cours des trois années qu'il a passées à la Stadvogtei, garderont un bon souvenir de son grand coeur et de sa belle intelligence. Le sujet des déportations belges a fait les frais de nombreuses polémiques dans la presse mondiale, pendant un certain temps, et je ne saurais ajouter rien de nouveau à tout ce qui s'est dit. La presse allemande a concédé, avec hésitation et répugnance, que des déportations de Belges en Allemagne avaient eu lieu. Les faits, toutefois, crevaient tellement les yeux qu'il eut été impossible de le cacher plus longtemps. Nous avions, à la prison, un grand nombre de ces déportés qui avaient refusé de travailler... pour le roi de Prusse. D'autres ayant accepté du travail afin d'améliorer la position pénible dans laquelle ils se trouvaient placés au camp de Guben, étaient si maltraités et si mal nourris, qu'ils quittaient tout bonnement leur usine ou les puits de mine de charbon. Ils étaient alors amenés à la Stadvogtei. Nous en avons eu des quantités. Je ne saurais passer sous silence le cas d'un Belge nommé Edouard Werner. Werner était un homme de 25 ou 26 ans, doué d'un physique très remarquable: il était très grand et très fort. Avant la guerre, il habitait Anvers où il était à l'emploi de la compagnie du Pacifique Canadien qui a un bureau dans cette ville. Son père et sa mère étaient allemands; lui-même était né à Anvers, mais à l'âge de 18 ans il avait opté pour la nationalité belge. Il avait satisfait à toutes les lois du pays au point de vue militaire. Il n'était pas enrôlé dans Chapitre XXI. UN SUISSE ET UN BELGE 43 Mille et un jours en prison a Berlin l'armée belge, mais il était porteur de papiers établissant son exemption. Anvers, comme on le sait, était occupée par les Allemands depuis le 9 octobre 1914. Quelques mois plus tard, Werner reçut un avis d'avoir à se rapporter au commandant d'un district militaire de Westphalie. Il refusa de se conformer à cet ordre, malgré les instances de sa vieille mère qui, allemande elle-même, aurait voulu voir son fils dans les rangs de l'armée du Vaterland. Après deux mois, un second avis lui était adressé, lui enjoignant de se rapporter sans délai au commandant de ce même district militaire dont il est fait mention dans le paragraphe précédent. Werner, malgré les supplications de sa mère, refusa encore de se rendre. Enfin, un dernier avis lui fut envoyé avec menace de mesures de rigueur à son endroit s'il n'obtempérait pas. Plutôt pour ne pas affliger sa vieille mère que par crainte des menaces qu'on lui faisait, Werner décida de se rapporter mais il se munit, avant son départ d'Anvers, de tous les papiers d'identification possibles, démontrant sa nationalité belge, et démontrant également qu'il avait satisfait à toutes les exigences de la loi du service militaire belge. Arrivé en Westphalie, il subit un interrogatoire, naturellement: --Pourquoi ne vous êtes-vous pas rapporté plus tôt? lui demanda-t-on. --Parce que je suis Belge, répondit Werner. --C'est faux! c'est faux! vous êtes Allemand! Votre père et votre mère sont Allemands. --Je n'y contredis point en ce qui concerne mon père et ma mère, mais quant à moi, j'ai opté pour la nationalité belge, et je suis en possession de tous les papiers le démontrant. --Laissez voir ces papiers?... Aussitôt en possession de tous ces papiers, l'officier lui annonce qu'il ne saurait être question de le considérer comme sujet belge, qu'il était dès lors enrôlé dans l'armée allemande, et qu'il doit partir incessamment pour Berlin. Là, on le conduisit à la caserne du fameux régiment Alexander, le plus beau régiment de Prusse,--à ce qu'ils disent,--et dans lequel on n'accepte aucun sujet qui ait moins de six pieds de taille. Werner, pour sa part, avait six pieds et deux pouces. On lui met l'uniforme, et il commence son entraînement. Comme il possède le français, l'allemand et le flamand à la perfection, on l'emploie au bureau du sergent-major, pour les écritures et la traduction. Il devient plus ou moins populaire parmi les officiers et les sous-officiers. On le croit même sincèrement converti aux idées allemandes. Peu de temps après avoir été enrégimenté malgré lui, Werner demande un congé pour aller voir ses parents à Anvers. Le major lui répond qu'il est absolument impossible d'accorder un congé pour aller en Belgique, mais que s'il a des parents en Allemagne, on lui permettra volontiers d'aller les visiter. Ce à quoi Werner répondit qu'en effet il avait une tante à Hambourg. C'était un jour de fête: il devait partir dans la soirée, et dans l'après-midi, revêtu de son uniforme de gala, coiffé de son casque à plumet, il fit une promenade dans la ville avec un compagnon. Il laisse voir a son compagnon son permis tout en exprimant le regret qu'il ne fût pas valable pour aller à Anvers. Son compagnon, après lui avoir enlevé le permis des mains, et en moins de temps qu'il n'en faut à Werner pour déguster sa chope de bière, sort et revient quelques minutes après avec le permis tout transformé: c'est à Chapitre XXI. UN SUISSE ET UN BELGE 44
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« l'armée belge, mais il était porteur de papiers établissant son exemption. Anvers, comme on le sait, était occupée par les Allemands depuis le 9 octobre 1914.

Quelques mois plus tard, Werner reçut un avis d'avoir à se rapporter au commandant d'un district militaire de Westphalie.

Il refusa de se conformer à cet ordre, malgré les instances de sa vieille mère qui, allemande elle-même, aurait voulu voir son fils dans les rangs de l'armée du Vaterland. Après deux mois, un second avis lui était adressé, lui enjoignant de se rapporter sans délai au commandant de ce même district militaire dont il est fait mention dans le paragraphe précédent.

Werner, malgré les supplications de sa mère, refusa encore de se rendre.

Enfin, un dernier avis lui fut envoyé avec menace de mesures de rigueur à son endroit s'il n'obtempérait pas. Plutôt pour ne pas affliger sa vieille mère que par crainte des menaces qu'on lui faisait, Werner décida de se rapporter mais il se munit, avant son départ d'Anvers, de tous les papiers d'identification possibles, démontrant sa nationalité belge, et démontrant également qu'il avait satisfait à toutes les exigences de la loi du service militaire belge. Arrivé en Westphalie, il subit un interrogatoire, naturellement: —Pourquoi ne vous êtes-vous pas rapporté plus tôt? lui demanda-t-on. —Parce que je suis Belge, répondit Werner. —C'est faux! c'est faux! vous êtes Allemand! Votre père et votre mère sont Allemands. —Je n'y contredis point en ce qui concerne mon père et ma mère, mais quant à moi, j'ai opté pour la nationalité belge, et je suis en possession de tous les papiers le démontrant. —Laissez voir ces papiers?... Aussitôt en possession de tous ces papiers, l'officier lui annonce qu'il ne saurait être question de le considérer comme sujet belge, qu'il était dès lors enrôlé dans l'armée allemande, et qu'il doit partir incessamment pour Berlin.

Là, on le conduisit à la caserne du fameux régiment Alexander, le plus beau régiment de Prusse,—à ce qu'ils disent,—et dans lequel on n'accepte aucun sujet qui ait moins de six pieds de taille.

Werner, pour sa part, avait six pieds et deux pouces. On lui met l'uniforme, et il commence son entraînement.

Comme il possède le français, l'allemand et le flamand à la perfection, on l'emploie au bureau du sergent-major, pour les écritures et la traduction.

Il devient plus ou moins populaire parmi les officiers et les sous-officiers.

On le croit même sincèrement converti aux idées allemandes. Peu de temps après avoir été enrégimenté malgré lui, Werner demande un congé pour aller voir ses parents à Anvers.

Le major lui répond qu'il est absolument impossible d'accorder un congé pour aller en Belgique, mais que s'il a des parents en Allemagne, on lui permettra volontiers d'aller les visiter.

Ce à quoi Werner répondit qu'en effet il avait une tante à Hambourg. C'était un jour de fête: il devait partir dans la soirée, et dans l'après-midi, revêtu de son uniforme de gala, coiffé de son casque à plumet, il fit une promenade dans la ville avec un compagnon.

Il laisse voir a son compagnon son permis tout en exprimant le regret qu'il ne fût pas valable pour aller à Anvers.

Son compagnon, après lui avoir enlevé le permis des mains, et en moins de temps qu'il n'en faut à Werner pour déguster sa chope de bière, sort et revient quelques minutes après avec le permis tout transformé: c'est à Mille et un jours en prison a Berlin Chapitre XXI.

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