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- Moi-même !

Publié le 04/11/2013

Extrait du document

- Moi-même ! Catherine, étonnée de cette audace, recula d'un pas vers le jeune homme. - Et comment, dit Charles IX, osâtes-vous résister aux ordres du roi ? - D'abord, Sire, j'ignorais qu'il y eût un ordre de Votre Majesté ; puis je n'ai vu qu'une chose, ou plutôt qu'un homme, M. de Maurevel, l'assassin de mon père et de M. l'amiral. Je me suis rappelé alors qu'il y avait un an et demi, dans cette même chambre où nous sommes, pendant la soirée du 24 août, Votre Majesté m'avait promis, parlant à moi-même, de nous faire justice du meurtrier ; or, comme il s'était depuis ce temps passé de graves vénements, j'ai pensé que le roi avait été malgré lui détourné de ses désirs. Et voyant Maurevel à ma portée, j'ai cru que c'était le ciel qui me l'envoyait. Votre Majesté sait le reste, Sire ; j'ai frappé sur lui comme sur un assassin et tiré sur ses hommes comme sur des bandits. Charles ne répondit rien ; son amitié pour Henri lui avait fait voir depuis quelque temps bien des choses sous un autre point de vue que celui où il les avait envisagées d'abord, et plus d'une fois avec terreur. La reine mère, à propos de la Saint-Barthélemy, avait enregistré dans sa mémoire des propos sortis de la bouche de son fils, et qui ressemblaient à des remords. - Mais, dit Catherine, que veniez-vous faire à une pareille heure chez le roi de Navarre ? - Oh ! répondit de Mouy, c'est toute une histoire bien longue à raconter ; mais si cependant Sa Majesté a la patience de l'entendre... - Oui, dit Charles, parlez donc, je le veux. - J'obéirai, Sire, dit de Mouy en s'inclinant. Catherine s'assit en fixant sur le jeune chef un regard inquiet. - Nous écoutons, dit Charles. Ici, Actéon. Le chien reprit la place qu'il avait avant que le prisonnier n'eût été introduit. - Sire, dit de Mouy, j'étais venu chez Sa Majesté le roi de Navarre comme député de nos frères, vos fidèles sujets de la religion. Catherine fit signe à Charles IX. - Soyez tranquille, ma mère, dit celui-ci, je ne perds pas un mot. Continuez, monsieur de Mouy, continuez ; pourquoi étiez-vous venu ? - Pour prévenir le roi de Navarre, continua M. de Mouy, que son abjuration lui avait fait perdre la confiance du parti huguenot ; mais que cependant, en souvenir de son père, Antoine de Bourbon, et surtout en mémoire de sa mère, la courageuse Jeanne d'Albret, dont le nom est cher parmi nous, ceux de la religion lui devaient cette marque de déférence de le prier de se désister de ses droits à la couronne de Navarre. - Que dit-il ? s'écria Catherine, ne pouvant, malgré sa puissance sur elle-même, recevoir sans crier un peu le coup inattendu qui la frappait. - Ah ! ah ! fit Charles ; mais cette couronne de Navarre, qu'on fait ainsi sans ma permission voltiger sur toutes les têtes, il me semble cependant qu'elle m'appartient un peu. - Les huguenots, Sire, reconnaissent mieux que personne ce principe de suzeraineté que le roi vient d'émettre. Aussi espéraient-ils engager Votre Majesté à la fixer sur une tête qui lui est chère. - À moi ! dit Charles, sur une tête qui m'est chère ! Mort-diable ! de quelle tête voulez-vous donc parler, monsieur ? Je ne vous comprends pas. - De la tête de M. le duc d'Alençon. Catherine devint pâle comme la mort, et dévora de Mouy d'un regard flamboyant. - Et mon frère d'Alençon le savait ? - Oui, Sire. - Et il acceptait cette couronne ? - Sauf l'agrément de Votre Majesté, à laquelle il nous renvoyait. - Oh ! oh ! dit Charles, en effet, c'est une couronne qui ira à merveille à notre frère d'Alençon. Et moi qui n'y avais pas songé ! Merci, de Mouy. Merci ! Quand vous aurez des idées semblables, vous serez le bienvenu au Louvre. - Sire, vous seriez instruit depuis longtemps de tout ce projet sans cette malheureuse affaire de Maurevel qui m'a fait craindre d'être tombé dans la disgrâce de Votre Majesté. - Oui, mais, fit Catherine, que disait Henri de ce projet ? - Le roi de Navarre, madame, se soumettait au désir de ses frères, et sa renonciation était prête. - En ce cas, s'écria Catherine, cette renonciation, vous devez l'avoir ? - En effet, madame, dit de Mouy, par hasard je l'ai sur moi, signée de lui et datée. - D'une date antérieure à la scène du Louvre ? dit Catherine. - Oui, de la veille, je crois. Et M. de Mouy tira de sa poche une renonciation en faveur du duc d'Alençon, écrite, signée de la main de Henri, et portant la date indiquée. - Ma foi, oui, dit Charles, et tout est bien en règle. - Et que demandait Henri en échange de cette renonciation ? - Rien, madame ; l'amitié du roi Charles, nous a-t-il dit, le dédommagerait amplement de la perte d'une couronne. Catherine mordit ses lèvres de colère et tordit ses belles mains. - Tout cela est parfaitement exact, de Mouy, ajouta le roi. - Alors, reprit la reine mère, si tout était arrêté entre vous et le roi de Navarre, à quelle fin l'entrevue que ous avez eue ce soir avec lui ? - Moi, madame, avec le roi de Navarre ? dit de Mouy. M. de Nancey, qui m'a arrêté, fera foi que j'étais seul. otre Majesté peut l'appeler. - Monsieur de Nancey ! dit le roi. Le capitaine des gardes reparut. - Monsieur de Nancey, dit vivement Catherine, M. de Mouy était-il tout à fait seul à l'auberge de la Belletoile ? - Dans la chambre, oui, madame ; mais dans l'auberge, non. - Ah ! dit Catherine, quel était son compagnon ? - Je ne sais si c'était le compagnon de M. de Mouy, madame ; mais je sais qu'il s'est échappé par une porte de errière, après avoir couché sur le carreau deux de mes gardes. - Et vous avez reconnu ce gentilhomme, sans doute ? - Non, pas moi, mais mes gardes. - Et quel était-il ? demanda Charles IX. - M. le comte Annibal de Coconnas. - Annibal de Coconnas, répéta le roi assombri et rêveur, celui qui a fait un si terrible massacre de huguenots pendant la Saint-Barthélemy. - M. de Coconnas, gentilhomme de M. d'Alençon, dit M. de Nancey. - C'est bien, c'est bien, dit Charles IX ; retirez-vous, monsieur de Nancey, et une autre fois, souvenez-vous d'une chose... - De laquelle, Sire ? - C'est que vous êtes à mon service, et que vous ne devez obéir qu'à moi. M. de Nancey se retira à reculons en saluant respectueusement. De Mouy envoya un sourire ironique à Catherine. Il se fit un silence d'un instant. La reine tordait la ganse de sa cordelière, Charles caressait son chien. - Mais quel était votre but, monsieur ? continua Charles ; agissiez-vous violemment ? - Contre qui, Sire ? - Mais contre Henri, contre François ou contre moi. - Sire, nous avions la renonciation de votre beau-frère, l'agrément de votre frère ; et, comme j'ai eu l'honneur de vous le dire, nous étions sur le point de solliciter l'autorisation de Votre Majesté, lorsque est arrivée cette fatale affaire du Louvre. - Eh bien, ma mère, dit Charles, je ne vois aucun mal à tout cela. Vous étiez dans votre droit, monsieur de Mouy, en demandant un roi. Oui, la Navarre peut être et doit être un royaume séparé. Il y a plus, ce royaume semble fait exprès pour doter mon frère d'Alençon, qui a toujours eu si grande envie d'une couronne, que lorsque nous portons la nôtre il ne peut détourner les yeux de dessus elle. La seule chose qui s'opposait à cette intronisation, c'était le droit de Henriot ; mais puisque Henriot y renonce volontairement... - Volontairement, Sire. - Il paraît que c'est la volonté de Dieu ! Monsieur de Mouy, vous êtes libre de retourner vers vos frères, que j'ai châtiés... un peu durement, peut-être ; mais ceci est une affaire entre moi et Dieu : et dites-leur que, puisqu'ils désirent pour roi de Navarre mon frère d'Alençon, le roi de France se rend à leurs désirs. À partir de ce moment, la Navarre est un royaume, et son souverain s'appelle François. Je ne demande que huit jours pour que mon frère quitte Paris avec l'éclat et la pompe qui conviennent à un roi. Allez, monsieur de Mouy, allez ! ... Monsieur de Nancey, laissez passer M. de Mouy, il est libre. - Sire, dit de Mouy en faisant un pas en avant, Votre Majesté permet-elle ? - Oui, dit le roi. Et il tendit la main au jeune huguenot. De Mouy mit un genou à terre et baisa la main du roi. - À propos, dit Charles en le retenant au moment où il allait se relever, ne m'aviez-vous pas demandé justice de ce brigand de Maurevel ? - Oui, Sire. - Je ne sais où il est pour vous la faire, car il se cache ; mais si vous le rencontrez, faites-vous justice vousmême, je vous y autorise, et de grand coeur. - Ah ! Sire, s'écria de Mouy, voilà qui me comble véritablement ; que Votre Majesté s'en rapporte à moi ; je ne sais non plus où il est, mais je le trouverai, soyez tranquille. Et de Mouy, après avoir respectueusement salué le roi Charles et la reine Catherine, se retira sans que les gardes qui l'avaient amené missent aucun empêchement à sa sortie. Il traversa les corridors, gagna rapidement le guichet, et une fois dehors ne fit qu'un bond de la place Saint-Germain-l'Auxerrois à l'auberge de la BelleÉtoile, où il retrouva son cheval, grâce auquel, trois heures après la scène que nous venons de raconter, le jeune homme respirait en sûreté derrière les murailles de Mantes. Catherine, dévorant sa colère, regagna son appartement d'où elle passa dans celui de Marguerite. Elle y trouva Henri en robe de chambre et qui paraissait prêt à se mettre au lit.

« Catherine morditseslèvres decolère ettordit sesbelles mains. – Tout celaestparfaitement exact,deMouy, ajoutaleroi. – Alors, repritlareine mère, sitout était arrêté entrevousetleroi deNavarre, àquelle finl’entrevue que vous avezeuecesoir avec lui ? – Moi, madame, avecleroi deNavarre ? ditdeMouy.

M. de Nancey, quim’a arrêté, ferafoique j’étais seul. Votre Majesté peutl’appeler. – Monsieur deNancey !dit leroi.

Lecapitaine desgardes reparut. – Monsieur deNancey, ditvivement Catherine, M. de Mouy était-iltoutàfait seul àl’auberge delaBelle- Étoile ? –Dans lachambre, oui,madame ; maisdansl’auberge, non. – Ah !dit Catherine, quelétait soncompagnon ? – Je ne sais sic’était lecompagnon deM. de Mouy, madame ;maisjesais qu’il s’estéchappé parune porte de derrière, aprèsavoircouché surlecarreau deuxdemes gardes. – Et vous avezreconnu cegentilhomme, sansdoute ? – Non, pasmoi, mais mesgardes. – Et quel était-il ? demanda CharlesIX. – M. le comte Annibal deCoconnas. – Annibal deCoconnas, répétaleroi assombri etrêveur, celuiquiafait unsiterrible massacre dehuguenots pendant laSaint-Barthélemy. – M. de Coconnas, gentilhommedeM. d’Alençon, ditM. de Nancey. – C’est bien, c’estbien, ditCharles IX ;retirez-vous, monsieurdeNancey, etune autre fois,souvenez-vous d’une chose… – De laquelle, Sire ? – C’est quevous êtesàmon service, etque vous nedevez obéirqu’àmoi. M. de Nancey seretira àreculons ensaluant respectueusement.

DeMouy envoya unsourire ironique à Catherine.

Ilse fit un silence d’uninstant. La reine tordait laganse desacordelière, Charlescaressait sonchien. – Mais quelétait votre but,monsieur ? continuaCharles ; agissiez-vous violemment ? – Contre qui,Sire ? – Mais contre Henri, contreFrançois oucontre moi. – Sire, nous avions larenonciation devotre beau-frère, l’agrémentdevotre frère ; et,comme j’aieul’honneur de vous ledire, nous étions surlepoint desolliciter l’autorisation deVotre Majesté, lorsqueestarrivée cette fatale affaire duLouvre. – Eh bien, mamère, ditCharles, jene vois aucun malàtout cela.

Vous étiezdans votre droit, monsieur de Mouy, endemandant unroi.

Oui, laNavarre peutêtreetdoit êtreunroyaume séparé.Ilya plus, ceroyaume semble faitexprès pourdoter monfrère d’Alençon, quiatoujours eusigrande envied’une couronne, que lorsque nousportons lanôtre ilne peut détourner lesyeux dedessus elle.Laseule chose quis’opposait àcette intronisation, c’étaitledroit deHenriot ; maispuisque Henriotyrenonce volontairement… – Volontairement, Sire. – Il paraît quec’est lavolonté deDieu !Monsieur deMouy, vousêteslibre deretourner versvosfrères, que j’ai châtiés… unpeu durement, peut-être ; maisceciestune affaire entremoietDieu : etdites-leur que, puisqu’ils désirentpourroideNavarre monfrère d’Alençon, leroi deFrance serend àleurs désirs.

Àpartir dece moment, laNavarre estunroyaume, etson souverain s’appelleFrançois.

Jene demande quehuit jours pourque mon frère quitte Parisavecl’éclat etlapompe quiconviennent àun roi.

Allez, monsieur deMouy, allez!… Monsieur deNancey, laissezpasserM. de Mouy, ilest libre. – Sire, ditdeMouy enfaisant unpas enavant, VotreMajesté permet-elle ? – Oui, ditleroi.

Etiltendit lamain aujeune huguenot.

DeMouy mitungenou àterre etbaisa lamain duroi. – À propos, ditCharles enleretenant aumoment oùilallait serelever, nem’aviez-vous pasdemandé justice de cebrigand deMaurevel ? – Oui, Sire. – Je ne sais oùilest pour vouslafaire, carilse cache ; maissivous lerencontrez, faites-vousjusticevous- même, jevous yautorise, etde grand cœur. – Ah !Sire, s’écria deMouy, voilàquimecomble véritablement ; queVotre Majesté s’enrapporte àmoi ; je ne sais non plus oùilest, mais jeletrouverai, soyeztranquille. Et de Mouy, aprèsavoirrespectueusement saluéleroi Charles etlareine Catherine, seretira sansqueles gardes quil’avaient amenémissent aucunempêchement àsa sortie.

Iltraversa lescorridors, gagnarapidement le guichet, etune foisdehors nefitqu’un bonddelaplace Saint-Germain-l’Auxerrois àl’auberge delaBelle- Étoile, oùilretrouva soncheval, grâceauquel, troisheures aprèslascène quenous venons deraconter, lejeune homme respirait ensûreté derrière lesmurailles deMantes. Catherine, dévorantsacolère, regagna sonappartement d’oùellepassa dansceluideMarguerite.

Elley trouva Henrienrobe dechambre etqui paraissait prêtàse mettre aulit.. »

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