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Nénofar ?

Publié le 30/10/2013

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Nénofar ? -- Je le jurerai, promit Rénouf, solennel. La déclaration impressionna Serramanna qui, silencieux, assistait à l'interrogatoire. Le marchand semblait sincère. -- Étrange, constata Améni, irrité. -- Pourquoi étrange ? Nous, les marchands, n'avons pas bonne réputation, mais je suis un homme honnête et je m'en félicite ! Mes employés ont un bon salaire, mon bateau est bien entretenu, je nourris ma famille, mes comptes sont en règle, je paie mes impôts, le fisc ne m'a jamais rien reproché... C'est cela qui vous paraît étrange ? -- Les hommes de votre qualité sont rares, Rénouf. -- C'est regrettable. -- Ce qui me paraît étrange, c'est l'endroit où le corps de Nénofar a été retrouvé. Le marchand sursauta. -- Le corps... Vous voulez dire... -- Elle a été assassinée. -- Quelle horreur ! -- Ce n'était qu'une fille de mauvaise vie, mais tout assassinat est passible de la peine de mort. L'étrange, c'est que le cadavre se trouvait dans une maison de Pi-Ramsès qui vous appartient. -- Chez moi, dans ma villa ? Rénouf était au bord du malaise. -- Pas dans votre villa, intervint Serramanna, mais dans cette demeure-là. Le Sarde posa l'index sur un point précis du plan de Pi-Ramsès qu'Améni avait déroulé devant lui. -- Je ne comprends pas, je... -- Vous appartient-elle, oui ou non ? -- Oui, mais ce n'est pas une maison. Améni et Serramanna se regardèrent ; Rénouf perdait-il la raison ? -- Ce n'est pas une maison, précisa-t-il, mais un entrepôt. Je croyais avoir besoin d'un local pour mes marchandises, c'est pourquoi j'ai acheté ces murs. Mais j'avais les yeux plus gros que le ventre ; à mon âge, je n'ai plus envie d'augmenter la taille de mon entreprise. Dès que possible, je prendrai ma retraite à la campagne, près de Memphis. -- Avez-vous l'intention de revendre ce local ? -- Je l'ai loué. Un vif espoir brilla dans les yeux d'Améni. -- A qui ? -- A un collègue nommé Raia. C'est un homme riche, très actif, qui possède plusieurs bateaux et de nombreux magasins dans toute l'Egypte. -- Sa spécialité ? -- L'importation des conserves de luxe et des vases rares, qu'il vend à la haute société. -- Connaissez-vous son origine ? -- Il est syrien, mais installé en Egypte depuis de nombreuses années. -- Merci, Rénouf ; votre aide nous fut précieuse. -- Vous n'avez plus besoin de moi ? -- Je pense que non, mais gardez le silence sur cet entretien. -- Vous avez ma parole. Raia, un Syrien... Si Acha avait été présent, il aurait constaté la justesse de ses déductions. Améni n'avait pas eu le temps de se lever, le Sarde courait déjà vers son char. -- Serramanna, attends-moi ! 29 Malgré l'air froid, Ouri-Téchoup n'était vêtu que d'un pagne de laine grossière. Torse nu, il galopait à vive allure, obligeant les cavaliers placés sous ses ordres à exiger un maximum d'efforts de leurs chevaux. Grand, musclé, couvert d'une épaisse toison de poils roux, les cheveux longs, Ouri-Téchoup, fils de l'empereur hittite Mouwattali, était fier d'avoir été nommé général en chef de l'armée, après l'échec du soulèvement dans les protectorats égyptiens. La rapidité et la vigueur de la réaction de Ramsès avaient surpris Mouwattali. A en croire Baduk, l'exgénéral en chef chargé de préparer cette insurrection, de la contrôler et d'occuper les territoires après la réussite de la révolte, l'opération ne présentait pourtant aucune difficulté majeure. L'espion syrien, installé en Egypte depuis plusieurs années, avait transmis des messages moins rassurants. Selon lui, Ramsès était un grand pharaon, au caractère ferme et à la volonté inflexible ; Baduk avait objecté que les Hittites n'avaient rien à redouter de la part d'un roi inexpérimenté et d'une armée composée de mercenaires, e peureux et d'incapables. La paix imposée par Séthi avait fait l'affaire du Hatti, dans la mesure où Mouwattali devait prendre le temps d'asseoir son autorité en se débarrassant de coteries d'ambitieux qui convoitaient son trône. A présent, il régnait sans partage. La politique d'expansion pouvait reprendre. Et s'il était un pays dont les Anatoliens voulaient s'emparer afin de devenir les maîtres du monde, c'était bien l'Egypte des pharaons. Selon le général Baduk, le fruit était mûr. L'Amourrou et Canaan entre les mains des Hittites, il suffirait de foncer vers le Delta, de démanteler les forteresses composant le Mur du roi et d'envahir la Basse-Égypte. Un plan magnifique, qui avait enthousiasmé l'état-major hittite. Il n'avait négligé qu'un seul élément : Ramsès. Dans la capitale hittite, Hattousa [7] , chacun se demandait quelle faute l'empire avait commise contre les dieux. Seul Ouri-Téchoup ne s'interrogeait pas : il mettait cet échec sur le compte de la stupidité et de l'incompétence du général Baduk. Aussi le fils de l'empereur parcourait-il le pays hittite non seulement pour inspecter ses forteresses, mais aussi pour rencontrer Baduk qui tardait à revenir dans la capitale. Il pensait le trouver à Gâvur Kalési [8] , place forte bâtie au sommet d'une colline faisant partie des premiers contreforts montagneux, en bordure u plateau anatolien. Trois figures géantes de soldats en armes révélaient le caractère guerrier de l'empire hittite ace auquel les adversaires n'avaient que deux solutions : se soumettre ou être exterminés. Le long des routes, ur les rochers proches des rivières, sur des blocs perdus en pleine campagne, les sculpteurs avaient gravé des eliefs agressifs montrant des fantassins en marche, un javelot dans la main droite, un arc suspendu à l'épaule auche. Partout, en pays hittite, l'amour de la guerre triomphait. Ouri-Téchoup avait parcouru à vive allure les plaines fertiles, gorgées d'eau et bordées de noyers. Il n'avait ême pas ralenti en traversant les forêts d'érables séparées par des marais. Épuisant hommes et bêtes, le fils de 'empereur s'était acharné à gagner au plus vite la forteresse de Masat [9] . C'était le dernier endroit où le général Baduk pouvait se réfugier. Malgré leur endurance et la sévérité de leur entraînement, les cavaliers hittites arrivèrent épuisés devant Masat, édifiée sur un monticule, au milieu d'une plaine ouverte entre deux rangées de montagnes. Du haut de ce promontoire, il était aisé d'observer les environs. Jour et nuit, des archers étaient en poste aux créneaux des tours de guet. Choisis parmi les familles nobles, des officiers faisaient régner une impitoyable discipline. Ouri-Téchoup s'immobilisa à une centaine de mètres de l'entrée de la forteresse. Un javelot se ficha profondément en terre, juste devant son cheval. Le fils de l'empereur sauta à terre et avança.

« — Serramanna, attends-moi !. »

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