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NI ÉTAT, NI EXPLOITATION

Publié le 12/08/2011

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Si vous observez l'Etat, du point de vue de cette division fondamentale, vous verrez qu'avant la division de la société en classes l'Etat, comme je l'ai dit, n'existait pas. Mais, au fur et à mesure qu'apparaît et s'affermit la division sociale en classes, au fur et à mesure que se forme la société de classes, l'Etat apparaît et s'affermit Nous voyons dans l'histoire de l'humanité des dizaines et des centaines de pays ayant passé et passant encore par les périodes de l'esclavage, du servage et du capitalisme. Dans chacun de ces pays, malgré les énormes changements historiques qui s'y effectuaient, malgré toutes les péripéties politiques et toutes les révolutions liées à ce développement de l'humanité, à ce passage de l'esclavage au capitalisme, en passant par le servage, et à la lutte universelle d'aujoud'hui contre le capitalisme, vous constatez toujours l'apparition de l'Etat. Ce fut toujours un appareil déterminé qui se détachait de la société et se composait de groupes d'hommes, occupés uniquement, ou presque uniquement, ou principalement, à gouverner. Les hommes se divisent dès lors en gouvernés et en spécialistes en matière de gouvernement, ceux qui s'élèvent au-dessus de la société et que l'on appelle chefs ou représentants de l'Etat. Cet appareil, ce groupe d'hommes gouvernant les autres, s'empare toujours d'un certain instrument de contrainte, de la force physique, que cette contrainte se révèle sous l'aspect de la massue primitive, ou, à l'époque de l'esclavage, sous l'aspect d'armes plus perfectionnées, ou sous la forme des armes à feu apparues déjà au Moyen Age, ou enfin, à l'époque actuelle, au xxe siècle, sous celle des engins modernes qui représentent des miracles de techniques et sont construits sur la base des dernières conquêtes de la technique contemporaine... ... Je vous ai déjà cité, pour vous aider, l'ouvrage d'Engels, Les Origines de la famille, de la propriété privée et de l'Etat. Il y est dit précisément que tout Etat où existe la propriété privée sur la terre et les moyens de production, que tout Etat où domine le capital, quelque démocratique qu'il soit, est un Etat capitaliste, une machine entre les mains des capitalistes, destinée à tenir sous leur domination la classe ouvrière et la paysannerie pauvre. Le suffrage universel, l'Assemblée constituante, le Parlement - tout cela n'est qu'une forme, qu'une sorte de lettre de change, ne changeant en rien le fond de l'affaire. Les formes de la domination de l'Etat peuvent être différentes : le capital révèle sa puissance d'une telle manière là où existe telle forme de cette domination, et d'une autre manière là où existe telle autre forme. Mais, dans le fond, le pouvoir reste entre les mains du capital, qu'il s'agisse du droit censitaire ou autre, ou d'une république démocratique, et même plus une république est démocratique, et plus la domination du capitalisme y est brutale et cynique. Une des républiques les plus démocratiques du monde, ce sont les Etats-Unis d'Amérique; et nulle part ailleurs le pouvoir .du capital, le pouvoir d'une poignée de milliardaires sur toute la société, ne se manifeste aussi brutalement, avec des méthodes de corruption aussi ouvertes que dans ce pays. (Celui qui y a séjourné après 1905 en sait quelque chose.) Le capital, dès qu'il existe, domine toute la société, et aucune république démocratique, aucun suffrage universel ne change le fond de la chose.. ... Quelles que soient les formes revêtues par la république, même la plus démocratique, si c'est une république bourgeoise, s'il y subsiste la propriété privée sur la terre, les usines et les fabriques, et si le capital privé y tient toute la société en état d'esclavage salarié, autrement dit si l'on n'y réalise pas ce que proclament le programme de notre parti et la Constitution soviétique, alors cette république est une machine qui sert aux uns à opprimer les autres. Et cette machine nous la prendrons entre nos mains, les mains de la classe qui doit renverser le pouvoir du capital. Nous rejetterons tous les vieux préjugés d'après lesquels l'Etat, c'est l'égalité universelle. Ce n'est qu'un leurre : tant que l'exploitation existe, il ne peut y avoir d'égalité. Le propriétaire foncier ne peut être l'égal de l'ouvrier, l'affamé celui de l'homme repu. La machine qui s'appelle l'Etat et devant laquelle les hommes s'arrêtent avec un respect superstitieux, prêtant foi aux vieux contes affirmant que l'Etat personnifie le pouvoir du peuple tout entier, cette machine, le prolétariat la rejette et dit : « C'est un mensonge bourgeois. « Nous avons enlevé cette machine aux capitalistes, nous l'avons prise pour nous. Avec cette machine ou cette massue, nous écraserons toute exploitation, et, lorsque sur la terre il n'y aura plus de possibilités d'exploitation, plus de gens possédant des terres et des fabriques, plus de gens se gavant au nez des affamés, lorsque de pareilles choses seront désormais impossibles, alors, seulement, nous mettrons cette machine au rancart. Alors il n'y aura ni Etat, ni exploitation.

LENINE. L'Etat et la Révolution. Les Editions sociales (1938).

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