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PAUL BOURGET. La petite Adèle

Publié le 21/06/2011

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M. P. Bourget est le maître actuel du roman psychologique. Ses premiers romans : Cruelle Énigme (1885), Mensonges (1887), n'annonçaient pas son évolution prochaine vers l'étude des problèmes moraux contemporains. Là est le génie d'un romancier : saisir, parmi les situations passionnelles, celles qui sont en rapport avec les nouvelles lois ou les nouveaux besoins sociaux. Dans ce genre, M. Paul Bourget a écrit des chefs-d'œuvre : le Disciple, Un Divorce, l'Émigré. N'oublions pas qu'il est l'auteur d'Essais de psychologie contemporaine, trois volumes de critique qui le placent tout à côté de Sainte-Beuve et de Taine. La petite Adèle (1892).

Henriette Scilly, sa mère et son fiancé, Francis Nayrac, se trouvent à l'Hôtel Continental, à Palerme. Henriette raconte à Francis la rencontre qu'elles ont faite, sa mère et elle, dans le jardin de l'hôtel, d'une petite fille dont la mère, Mme Pauline Raffraye, atteinte de la tuberculose, est venue demander une guérison improbable au beau ciel de la Sicile. Nous sommes descendues prendre l'air dans le jardin de l'hôtel.... Justement, il n'y avait pas un visiteur, ce matin, excepté sur un des bancs, vous savez, dans le coin au fond, près de la serre, une petite fille avec sa bonne.... Je me souviens que vous n'aimez pas ce joli nom d'ange, dont toutes les mamans abusent. Mais il n'y a pas d'autre mot pour cette enfant si fine, si délicate. Neuf ou dix ans peut-être, et de longues boucles blondes.... Je l'ai reconnue, à ces cheveux, pour cette petite fille que j'avais vue l'autre jour, dans ce même jardin.... Je l'avais prise, vous vous rappelez, pour la fille de cette dame malade, à qui elle donnait la main cette fois-là, et cette dame elle-même pour notre nouvelle voisine d'en haut. II paraît que je ne m'étais pas trompée.... Mais, cette fois, j'ai pu voir son visage. Vous n'imaginez pas l'adorable créature, et frêle, menue, gracieuse, et des yeux d'un brun doux.... Mais, ajouta Henriette, vous comprendrez d'un mot l'intérêt particulier qu'elle m'a inspiré tout de suite. Elle ressemble d'une manière frappante à cet idéal portrait de votre soeur à dix ans que nous aimons tant.... N'est-il pas vrai, mère?... — Il y a un air, dit Mme Scilly, réellement un air.... Mais je ne suis pas hantée comme toi du démon des ressemblances, et puis, ces petits êtres si nerveux, trop sensibles, possèdent tous cette même grâce.... — Non, non, reprit Henriette, c'est mieux qu'un air.... Je suis sûre que Francis aura mon impression de cette ressemblance, lorsqu'il verra l'enfant.... Cela aurait suffi, n'est-ce pas? pour que je la regardasse autrement que les autres petites filles. Mais devinez à quel jeu elle jouait ?... Elle avait entre les bras une poupée presque aussi grande qu'elle, et elle l'enveloppait de couvertures et de châles pour la conduire à la promenade. Elle lui parlait en l'empaquetant, et c'était un tendre babil de conseils sans fin. Elle plaignait cette poupée d'être malade, bien malade. Elle lui rappelait que les médecins l'avaient envoyée en Sicile pour se guérir,/ que c'était bien loin, et qu'il fallait profiter du moins de ce voyage, se garder du vent et surtout du coucher du soleil. Elle la grondait d'être restée, la veille, trop tard dehors, qu'elle avait toussé toute la nuit et qu'Annette avait dû se lever. — Annette, c'est le nom de sa bonne.... — Enfin, toutes les recommandations, presque avec des termes techniques, qu'elle entend certainement les docteurs faire à sa mère.... Cela nous a touchées plus que je ne veux vous dire, maman et moi, cette petite que de pareilles images poursuivent jusque dans ses jeux, et elle mettait à ses soins envers sa grande fille, comme elle l'appelait, une véritable passion.... J'ai eu tant de pitié pour cette pauvre enfant que j'ai voulu lui parler. Nous nous sommes approchées, sans qu'elle prît garde à nous, et j'ai essayé de caresser les beaux anneaux de ses boucles fauves. Elle s'est retournée toute rouge. Un éclair de petite bête farouche a brillé dans ses yeux. Elle a serré sa poupée avec emportement, et elle s'est précipitée dans les jupes de la vieille femme de chambre, qui demeurait toute confuse devant l'aversion que l'enfant nous montrait. « Elle est si sauvage ! « répétait-elle, et comme j'insistais : « Comment vous appelez-vous, mademoiselle? — Réponds donc «, disait la bonne, « Mlle Adèle Raffraye «, et désespérée de ce que la petite enfant cachait davantage sa figure, avec cet on indéfini, cher aux gens du peuple et qu'emploie aussi notre vieille Marguerite : « C'est qu'on est si peu habituée à voir du monde. On a passé tant d'années à la campagne. On est pourtant bien gentille quand on veut.... « Moi qui ai la prétention d'apprivoiser tout de suite tous les enfants et tous les chiens, continua Henriette en riant, vous devinez si j'ai été contrariée de cet échec. Et il a fallu partir sans avoir revu les jolis yeux d'Adèle.... Puis, avec un nouveau passage d'émotion dans la voix : Ne trouvez-vous pas cela bien mélancolique tout de même, cette petite fille qui joue à la poupée malade, malade de la maladie qui la rendra orpheline elle-même demain, dans huit jours, dans quelques mois?...

(La Terre promise. Plon-Nourrit, édit.) QUESTIONS D'EXAMEN

I. — L'ensemble. — Portrait d'une petite fille. — Quelle est la personne qui parle? De quelle enfant fait-elle le portrait ? Relevez les traits physiques de ce portrait (taille, cheveux, yeux...); — les traits intellectuels (esprit d'imitation : mémoire et imagination...), — les traits moraux (bonté, compassion, timidité poussée jusqu'à la sauvagerie...); Quels sont ceux de ces traits que l'auteur, — un écrivain psychologue, — s'est particulièrement attaché à marquer? A quelle personne Adèle, dans son jeu, se substitue-t-elle? De qui, dans sa pensée, la poupée tient-elle la place? Montrez la part de la mémoire et celle de l'imagination dans ses gestes, ses conseils, ses recommandations, ses gronderies ; Quelle est, d'ordinaire, la cause d'une très grande timidité? (songer aux enfants qui vivent dans des villages éloignés de tout centre important); Les observations de l'auteur au sujet de l'esprit d'imitation et de la timidité vous paraissent-elles exactes? Avez-vous pu faire vous-même des observations analogues?

II. — L'analyse du morceau. — Distinguez les différentes parties du morceau : a) Henriette Scilly rencontre la petite Adèle avec sa bonne; b) Portrait de l'enfant (traits physiques); c) Jeu auquel elle joue; d) Henriette veut parler à l'enfant; — extrême timidité de cette dernière; e) Réflexion. Quel est le mot qui, d'après Henriette, convient bien à la petite fille? De quelle dame malade est-il parlé? De quoi Henriette a-t-elle été frappée en observant les gestes et les attitudes de l'enfant, en écoutant ses paroles? Quel sentiment a-t-elle provoqué chez Henriette en voulant caresser ses cheveux? Quelle raison a donnée la vieille bonne de la sauvagerie de l'enfant?

III. — Le style ; — les expressions. — Io Montrez la précision et la souplesse du style (la langue de Bourget est propre à fixer toutes les nuances de la pensée; elle convient tout particulièrement à l'analyse psychologique; — citez, à l'appui des explications, quelques passages bien choisis);  Faites remarquer la grâce délicate du style ( Vous n'imaginez pas l'adorable créature, et frêle, menue, gracieuse, et des yeux d'un brun doux...); Relevez quelques expressions imagées (un éclair de petite bête farouche a brillé dans ses yeux...); Quel est le sens de ces expressions : un idéal portrait, — des termes techniques?

IV. — La grammaire. — Quels sont les mots de la même famille que poupée et jeu? Trouvez un synonyme de frêle (créature frêle), de techniques (termes techniques), de farouche (petite bête farouche); Distinguez les propositions contenues dans la dernière phrase du morceau. Nature et fonction de chacun des pronoms employés dans cette phrase.

Rédaction. — Vous avez observé un petit garçon (ou une petite fille), de sept ou huit ans, qui, jouant, imitait une personne de sa connaissance ou un personnage dont on lui avait raconté l'histoire. — Faites-le agir; rappelez ses gestes et ses paroles.   

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« villages éloignés de tout centre important); Les observations de l'auteur au sujet de l'esprit d'imitation et de latimidité vous paraissent-elles exactes? Avez-vous pu faire vous-même des observations analogues? II.

— L'analyse du morceau.

— Distinguez les différentes parties du morceau : a) Henriette Scilly rencontre la petiteAdèle avec sa bonne; b) Portrait de l'enfant (traits physiques); c) Jeu auquel elle joue; d) Henriette veut parler àl'enfant; — extrême timidité de cette dernière; e) Réflexion.

Quel est le mot qui, d'après Henriette, convient bien àla petite fille? De quelle dame malade est-il parlé? De quoi Henriette a-t-elle été frappée en observant les gestes etles attitudes de l'enfant, en écoutant ses paroles? Quel sentiment a-t-elle provoqué chez Henriette en voulantcaresser ses cheveux? Quelle raison a donnée la vieille bonne de la sauvagerie de l'enfant? III.

— Le style ; — les expressions.

— Io Montrez la précision et la souplesse du style (la langue de Bourget estpropre à fixer toutes les nuances de la pensée; elle convient tout particulièrement à l'analyse psychologique; —citez, à l'appui des explications, quelques passages bien choisis); Faites remarquer la grâce délicate du style ( Vousn'imaginez pas l'adorable créature, et frêle, menue, gracieuse, et des yeux d'un brun doux...); Relevez quelquesexpressions imagées (un éclair de petite bête farouche a brillé dans ses yeux...); Quel est le sens de cesexpressions : un idéal portrait, — des termes techniques? IV.

— La grammaire.

— Quels sont les mots de la même famille que poupée et jeu? Trouvez un synonyme de frêle(créature frêle), de techniques (termes techniques), de farouche (petite bête farouche); Distinguez les propositionscontenues dans la dernière phrase du morceau.

Nature et fonction de chacun des pronoms employés dans cettephrase. Rédaction.

— Vous avez observé un petit garçon (ou une petite fille), de sept ou huit ans, qui, jouant, imitait unepersonne de sa connaissance ou un personnage dont on lui avait raconté l'histoire.

— Faites-le agir; rappelez sesgestes et ses paroles.. »

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