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prince du sang : il galope sur tout le monde et tout le monde se range.

Publié le 04/11/2013

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prince du sang : il galope sur tout le monde et tout le monde se range. - En effet, dit en riant Marguerite, il va nous écraser. Dieu me pardonne ! Mais faites donc ranger vos gentilshommes, duchesse ! car en voici un qui, s'il ne se range pas, va se faire tuer. - Eh, c'est mon intrépide ! s'écria la duchesse, regarde donc, regarde. Coconnas avait en effet quitté son rang pour se rapprocher de madame de Nevers ; mais au moment même ù son cheval traversait l'espèce de boulevard extérieur qui séparait la rue du faubourg Saint-Denis, un cavalier e la suite du duc d'Alençon, essayant en vain de retenir son cheval emporté, alla en plein corps heurter oconnas. Coconnas ébranlé vacilla sur sa colossale monture, son chapeau faillit tomber, il le retint et se etourna furieux. - Dieu ! dit Marguerite en se penchant à l'oreille de son amie, M. de La Mole ! - Ce beau jeune homme pâle ! s'écria la duchesse incapable de maîtriser sa première impression. - Oui, oui ! celui-là même qui a failli renverser ton Piémontais. - Oh ! mais, dit la duchesse, il va se passer des choses affreuses ! ils se regardent, ils se reconnaissent ! En effet, Coconnas en se retournant avait reconnu la figure de La Mole ; et, de surprise, il avait laissé chapper la bride de son cheval, car il croyait bien avoir tué son ancien compagnon, ou du moins l'avoir mis our un certain temps hors de combat. De son côté, La Mole reconnut Coconnas et sentit un feu qui lui montait u visage. Pendant quelques secondes, qui suffirent à l'expression de tous les sentiments que couvaient ces deux ommes, ils s'étreignirent d'un regard qui fit frissonner les deux femmes. Après quoi La Mole ayant regardé tout utour de lui, et ayant compris sans doute que le lieu était mal choisi pour une explication, piqua son cheval et ejoignit le duc d'Alençon. Coconnas resta un moment ferme à la même place, tordant sa moustache et en aisant remonter la pointe jusqu'à se crever l'oeil ; après quoi, voyant que La Mole s'éloignait sans lui rien dire de lus, il se remit lui-même en route. - Ah ! ah ! dit avec une dédaigneuse douleur Marguerite, je ne m'étais donc pas trompée... Oh ! pour cette ois c'est trop fort. Et elle se mordit les lèvres jusqu'au sang. - Il est bien joli, répondit la duchesse avec commisération. Juste en ce moment le duc d'Alençon venait de reprendre sa place derrière le roi et la reine mère, de sorte ue ses gentilshommes, en le rejoignant, étaient forcés de passer devant Marguerite et la duchesse de Nevers. La ole, en passant à son tour devant les deux princesses, leva son chapeau, salua la reine en s'inclinant jusque sur e cou de son cheval et demeura tête nue en attendant que Sa Majesté l'honorât d'un regard. Mais Marguerite détourna fièrement la tête. La Mole lut sans doute l'expression de dédain empreinte sur le visage de la reine et de pâle qu'il était devint ivide. De plus, pour ne pas choir de son cheval il fut forcé de se retenir à la crinière. - Oh ! oh ! dit Henriette à la reine, regarde donc, cruelle que tu es ! Mais il va se trouver mal ! ... - Bon ! dit la reine avec un sourire écrasant, il ne nous manquerait plus que cela... As-tu des sels ? Madame e Nevers se trompait. La Mole, chancelant, retrouva des forces, et, se raffermissant sur son cheval, alla reprendre son rang à la uite du duc d'Alençon. Cependant on continuait d'avancer, on voyait se dessiner la silhouette lugubre du gibet dressé et étrenné par nguerrand de Marigny. Jamais il n'avait été si bien garni qu'à cette heure. Les huissiers et les gardes marchèrent en avant et formèrent un large cercle autour de l'enceinte. À leur pproche, les corbeaux perchés sur le gibet s'envolèrent avec des croassements de désespoir. Le gibet qui s'élevait à Montfaucon offrait d'ordinaire, derrière ses colonnes, un abri aux chiens attirés par ne proie fréquente et aux bandits philosophes qui venaient méditer sur les tristes vicissitudes de la fortune. Ce jour-là il n'y avait, en apparence du moins, à Montfaucon, ni chiens ni bandits. Les huissiers et les gardes vaient chassé les premiers en même temps que les corbeaux, et les autres s'étaient confondus dans la foule pour opérer quelques-uns de ces bons coups qui sont les riantes vicissitudes du métier. Le cortège s'avançait ; le roi et Catherine arrivaient les premiers, puis venaient le duc d'Anjou, le duc 'Alençon, le roi de Navarre, M. de Guise et leurs gentilshommes ; puis madame Marguerite, la duchesse de evers et toutes les femmes composant ce qu'on appelait l'escadron volant de la reine ; puis les pages, les cuyers, les valets et le peuple : en tout dix mille personnes. Au gibet principal pendait une masse informe, un cadavre noir, souillé de sang coagulé et de boue blanchie ar de nouvelles couches de poussière. Au cadavre il manquait une tête. Aussi l'avait-on pendu par les pieds. Au este, la populace, ingénieuse comme elle l'est toujours, avait remplacé la tête par un bouchon de paille sur equel elle avait mis un masque, et dans la bouche de ce masque, quelque railleur qui connaissait les habitudes e M. l'amiral avait introduit un cure-dent. C'était un spectacle à la fois lugubre et bizarre, que tous ces élégants seigneurs et toutes ces belles dames éfilant, comme une procession peinte par Goya, au milieu de ces squelettes noircis et de ces gibets aux longs ras décharnés. Plus la joie des visiteurs était bruyante, plus elle faisait contraste avec le morne silence et la roide insensibilité de ces cadavres, objets de railleries qui faisaient frissonner ceux-là même qui les faisaient. Beaucoup supportaient à grand-peine ce terrible spectacle ; et à sa pâleur on pouvait distinguer, dans le groupe des huguenots ralliés, Henri, qui, quelle que fût sa puissance sur lui-même et si étendu que fût le degré e dissimulation dont le Ciel l'avait doté, n'y put tenir. Il prétexta l'odeur impure que répandaient tous ces ébris humains ; et s'approchant de Charles IX, qui, côte à côte avec Catherine, était arrêté devant les restes de l'amiral : - Sire, dit-il, Votre Majesté ne trouve-t-elle pas que, pour rester plus longtemps ici, ce pauvre cadavre sent bien mauvais ? - Tu trouves, Henriot ! dit Charles IX, dont les yeux étincelaient d'une joie féroce. - Oui, Sire. - Eh bien, je ne suis pas de ton avis, moi... le corps d'un ennemi mort sent toujours bon. - Ma foi, Sire, dit Tavannes, puisque Votre Majesté savait que nous devions venir faire une petite visite à M. l'amiral, elle eût dû inviter Pierre Ronsard, son maître en poésie : il eût fait, séance tenante, l'épitaphe du vieux Gaspard. - Il n'y a pas besoin de lui pour cela, dit Charles IX, et nous la ferons bien nous-même... Par exemple, écoutez, messieurs, dit Charles IX après avoir réfléchi un instant : Ci-gît, - mais c'est mal entendu, Pour lui le mot est trop honnête, - Ici l'amiral est pendu Par les pieds, à aute de tête. - Bravo ! bravo ! s'écrièrent les gentilshommes catholiques tout d'une voix, tandis que les huguenots ralliés fronçaient les sourcils en gardant le silence. Quant à Henri, comme il causait avec Marguerite et madame de Nevers, il fit semblant de n'avoir pas entendu. - Allons, allons, monsieur, dit Catherine, que, malgré les parfums dont elle était couverte, cette odeur commençait à indisposer, allons, il n'y a si bonne compagnie qu'on ne quitte. Disons adieu à M. l'amiral, et revenons à Paris. Elle fit de la tête un geste ironique comme lorsqu'on prend congé d'un ami, et, reprenant la tête de colonne, elle revint gagner le chemin, tandis que le cortège défilait devant le cadavre de Coligny. Le soleil se couchait à l'horizon. La foule s'écoula sur les pas de Leurs Majestés pour jouir jusqu'au bout des magnificences du cortège et des détails du spectacle : les voleurs suivirent la foule ; de sorte que, dix minutes après le départ du roi, il n'y avait plus personne autour du cadavre mutilé de l'amiral, que commençaient à effleurer les premières brises du soir. Quand nous disons personne, nous nous trompons. Un gentilhomme monté sur un cheval noir, et qui n'avait pu sans doute, au moment où il était honoré de la présence des princes, contempler à son aise ce tronc informe et noirci, était demeuré le dernier, et s'amusait à examiner dans tous leurs détails chaînes, crampons, piliers de pierre, le gibet enfin, qui lui paraissait sans doute, à lui arrivé depuis quelques jours à Paris et ignorant des perfectionnements qu'apporte en toute chose la capitale, le parangon de tout ce que l'homme peut inventer de plus terriblement laid. Il n'est pas besoin de dire à nos lecteurs que cet homme était notre ami Coconnas. Un oeil exercé de femme l'avait en vain cherché dans la cavalcade et avait sondé les rangs sans pouvoir le retrouver. M. de Coconnas, comme nous l'avons dit, était donc en extase devant l'oeuvre d'Enguerrand de Marigny. Mais cette femme n'était pas seule à chercher M. de Coconnas. Un autre gentilhomme, remarquable par son pourpoint de satin blanc et sa galante plume, après avoir regardé en avant et sur les côtés, s'avisa de regarder en arrière et vit la haute taille de Coconnas et la gigantesque silhouette de son cheval se profiler en vigueur sur le ciel rougi des derniers reflets du soleil couchant. Alors le gentilhomme au pourpoint de satin blanc quitta le chemin suivi par l'ensemble de la troupe, prit un petit sentier, et, décrivant une courbe, retourna vers le gibet. Presque aussitôt la dame que nous avons reconnue pour la duchesse de Nevers, comme nous avons reconnu le grand gentilhomme au cheval noir pour Coconnas, s'approcha de Marguerite et lui dit : - Nous nous sommes trompées toutes deux, Marguerite, car le Piémontais est demeuré en arrière, et M. de La Mole l'a suivi. - Mordi ! reprit Marguerite en riant, il va donc se passer quelque chose. Ma foi, j'avoue que je ne serais pas fâchée d'avoir à revenir sur son compte. Marguerite alors se retourna et vit s'exécuter effectivement de la part de La Mole la manoeuvre que nous avons dite. Ce fut alors au tour des deux princesses à quitter la file : l'occasion était des plus favorables ; on tournait devant un sentier bordé de larges haies qui remontait, et, en remontant, passait à trente pas du gibet. Madame de Nevers dit un mot à l'oreille de son capitaine, Marguerite fit un signe à Gillonne, et les quatre personnes s'en allèrent par ce chemin de traverse s'embusquer derrière le buisson le plus proche du lieu où allait se passer la scène dont ils paraissaient désirer être spectateurs. Il y avait trente pas environ, comme nous l'avons dit, de cet endroit à celui où Coconnas, ravi, en extase, gesticulait devant M. l'amiral. Marguerite mit pied à terre, madame de Nevers et Gillonne en firent autant ; le capitaine descendit à son tour, et réunit dans ses mains les brides des quatre chevaux. Un gazon frais et touffu offrait aux trois femmes un siège comme en demandent souvent et inutilement les princesses. Une éclaircie leur permettait de ne pas perdre le moindre détail.

« groupe deshuguenots ralliés,Henri,qui,quelle quefûtsapuissance surlui-même etsiétendu quefûtledegré de dissimulation dontleCiel l’avait doté,n’yput tenir.

Ilprétexta l’odeurimpure querépandaient tousces débris humains ; ets’approchant deCharles IX,qui, côte àcôte avec Catherine, étaitarrêté devant lesrestes de l’amiral : –Sire, dit-il, Votre Majesté netrouve-t-elle pasque, pour rester pluslongtemps ici,cepauvre cadavre sent bien mauvais ? – Tu trouves, Henriot ! ditCharles IX,dont lesyeux étincelaient d’unejoieféroce. – Oui, Sire. – Eh bien, jene suis pasdeton avis, moi… lecorps d’unennemi mortsenttoujours bon. – Ma foi,Sire, ditTavannes, puisqueVotreMajesté savaitquenous devions venirfaireunepetite visiteà M. l’amiral, elleeûtdûinviter PierreRonsard, sonmaître enpoésie : ileût fait, séance tenante, l’épitaphe du vieux Gaspard. – Il n’y apas besoin delui pour cela,ditCharles IX,etnous laferons biennous-même… Parexemple, écoutez, messieurs, ditCharles IXaprès avoirréfléchi uninstant : Ci-gît, –mais c’estmalentendu, Pourluilemot esttrop honnête, –Ici l’amiral estpendu Parlespieds, à faute detête. – Bravo ! bravo !s’écrièrent lesgentilshommes catholiquestoutd’une voix,tandis queleshuguenots ralliés fronçaient lessourcils engardant lesilence. Quant àHenri, comme ilcausait avecMarguerite etmadame deNevers, ilfit semblant den’avoir pas entendu.

–Allons, allons,monsieur, ditCatherine, que,malgré lesparfums dontelleétait couverte, cetteodeur commençait àindisposer, allons,iln’y asi bonne compagnie qu’onnequitte.

Disons adieuàM. l’amiral, et revenons àParis. Elle fitde latête ungeste ironique commelorsqu’on prendcongéd’unami,et,reprenant latête decolonne, elle revint gagner lechemin, tandisquelecortège défilaitdevantlecadavre deColigny. Le soleil secouchait àl’horizon.

Lafoule s’écoula surlespas deLeurs Majestés pourjouir jusqu’au boutdes magnificences ducortège etdes détails duspectacle : lesvoleurs suivirent lafoule ; desorte que,dixminutes après ledépart duroi, iln’y avait pluspersonne autourducadavre mutilédel’amiral, quecommençaient à effleurer lespremières brisesdusoir.

Quand nousdisons personne, nousnous trompons.

Ungentilhomme monté suruncheval noir,etqui n’avait pusans doute, aumoment oùilétait honoré delaprésence desprinces, contempler àson aise cetronc informe etnoirci, étaitdemeuré ledernier, ets’amusait àexaminer danstous leurs détails chaînes, crampons, piliersdepierre, legibet enfin, quiluiparaissait sansdoute, àlui arrivé depuis quelques joursàParis etignorant desperfectionnements qu’apporteentoute chose lacapitale, leparangon de tout ceque l’homme peutinventer deplus terriblement laid. Il n’est pasbesoin dedire ànos lecteurs quecethomme étaitnotre amiCoconnas.

Unœil exercé defemme l’avait envain cherché danslacavalcade etavait sondé lesrangs sanspouvoir leretrouver. M. de Coconnas, commenousl’avons dit,était donc enextase devant l’œuvre d’Enguerrand deMarigny. Mais cettefemme n’étaitpasseule àchercher M. de Coconnas.

Unautre gentilhomme, remarquableparson pourpoint desatin blanc etsa galante plume,aprèsavoirregardé enavant etsur lescôtés, s’avisa deregarder en arrière etvit lahaute tailledeCoconnas etlagigantesque silhouettedeson cheval seprofiler envigueur surle ciel rougi desderniers refletsdusoleil couchant. Alors legentilhomme aupourpoint desatin blanc quitta lechemin suiviparl’ensemble delatroupe, pritun petit sentier, et,décrivant unecourbe, retourna verslegibet. Presque aussitôtladame quenous avons reconnue pourladuchesse deNevers, commenousavons reconnu le grand gentilhomme aucheval noirpour Coconnas, s’approcha deMarguerite etlui dit : – Nous noussommes trompées toutesdeux,Marguerite, carlePiémontais estdemeuré enarrière, et M. de La Molel’asuivi. – Mordi ! repritMarguerite enriant, ilva donc sepasser quelque chose.Mafoi,j’avoue quejene serais pas fâchée d’avoir àrevenir surson compte. Marguerite alorsseretourna etvit s’exécuter effectivement delapart deLa Mole lamanœuvre quenous avons dite. Ce fut alors autour desdeux princesses àquitter lafile : l’occasion étaitdesplus favorables ; ontournait devant unsentier bordédelarges haiesquiremontait, et,enremontant, passaitàtrente pasdugibet.

Madame de Nevers ditunmot àl’oreille deson capitaine, Marguerite fitun signe àGillonne, etles quatre personnes s’en allèrent parcechemin detraverse s’embusquer derrièrelebuisson leplus proche dulieu oùallait sepasser la scène dontilsparaissaient désirerêtrespectateurs.

Ilyavait trente pasenviron, commenousl’avons dit,decet endroit àcelui oùCoconnas, ravi,enextase, gesticulait devantM. l’amiral. Marguerite mitpied àterre, madame deNevers etGillonne enfirent autant ; lecapitaine descendit àson tour, etréunit danssesmains lesbrides desquatre chevaux.

Ungazon fraisettouffu offrait auxtrois femmes un siège comme endemandent souventetinutilement lesprincesses. Une éclaircie leurpermettait dene pas perdre lemoindre détail.. »

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