Quatre-vingt-treize Gauvain subissait un interrogatoire.
Publié le 12/04/2014
Extrait du document
«
Et par quel moyen? de quelle façon? comment avait-elle terrassé un colosse de colère et de haine? quelles
armes avait-elle employées? quelle machine de guerre? le berceau.
Un éblouissement venait de passer sur Gauvain.
En pleine guerre sociale, en pleine conflagration de toutes les
inimitiés et de toutes les vengeances, au moment le plus obscur et le plus furieux du tumulte, à l'heure où le
crime donnait toute sa flamme et la haine toutes ses ténèbres, à cet instant des luttes où tout devient projectile,
où la mêlée est si funèbre qu'on ne sait plus où est le juste, où est l'honnête, où est le vrai ; brusquement,
l'Inconnu, l'avertisseur mystérieux des âmes, venait de faire resplendir, au-dessus des clartés et des noirceurs
humaines, la grande lueur éternelle.
Au-dessus du sombre duel entre le faux et le relatif, dans les profondeurs, la face de la vérité avait tout à
coup apparu.
Subitement la force des faibles était intervenue.
On avait vu trois pauvres êtres, à peine nés, inconscients, abandonnés, orphelins, seuls, bégayants, souriants,
ayant contre eux la guerre civile, le talion, l'affreuse logique des représailles, le meurtre, le carnage, le
fratricide, la rage, la rancune, toutes les gorgones, triompher ; on avait vu l'avortement et la défaite d'un
infâme incendie, chargé de commettre un crime ; on avait vu les préméditations atroces déconcertées et
déjouées ; on avait vu l'antique férocité féodale, le vieux dédain inexorable, la prétendue expérience des
nécessités de la guerre, la raison d'Etat, tous les arrogants partis pris de la vieillesse farouche, s'évanouir
devant le bleu regard de ceux qui n'ont pas vécu ; et c'est tout simple, car celui qui n'a pas vécu encore n'a pas
fait le mal, il est la justice, il est la vérité, il est la blancheur, et les immenses anges du ciel sont dans les petits
enfants.
Spectacle utile ; conseil ; leçon ; les combattants frénétiques de la guerre sans merci avaient soudainement vu,
en face de tous les forfaits, de tous les attentats, de tous les fanatismes, de l'assassinat, de la vengeance
attisant les bûchers, de la mort arrivant une torche à la main, au-dessus de l'énorme légion des crimes, se
dresser cette toute-puissance, l'innocence.
Et l'innocence avait vaincu.
Et l'on pouvait dire: Non, la guerre civile n'existe pas, la barbarie n'existe pas, la haine n'existe pas, le crime
n'existe pas, les ténèbres n'existent pas ; pour dissiper ces spectres, il suffit de cette aurore, l'enfance.
Jamais, dans aucun combat, Satan n'avait été plus visible, ni Dieu.
Ce combat avait eu pour arène une conscience.
La conscience de Lantenac.
Maintenant il recommençait, plus acharné et plus décisif encore peut-être, dans une autre conscience.
La conscience de Gauvain.
Quel champ de bataille que l'homme!
Nous sommes livrés à ces dieux, à ces monstres, à ces géants, nos pensées.
Souvent ces belligérants terribles foulent aux pieds notre âme.
Quatre-vingt-treize
II.
GAUVAIN PENSIF 229.
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