Quelque clarté profonde...
Publié le 20/06/2012
Extrait du document
Publiées en 1856, Les Contemplations sont définies par l'auteur
lui-même comme les mémoires d'une âme. Au moment de la
publication, Hugo a redistribué les poèmes de ce grand recueil
lyrique, presque tous écrits en exil, autour de ce qui fut une charnière
dans sa vie d'homme: la mort de sa fille. Le poème Magnitudo
Parvi « (Grandeur des humbles), dont nous citons ci-dessous
quelques strophes, clôt le premier mouvement du recueil, Autrefois.
C'est à Léopoldine vivante, «enfant qui rêve«, que son père, la
tenant par la main, explique le sens de la solitude à travers le
symbole du pâtre pauvre et nu, qui voit Dieu. Cette image
du poète solitaire en même temps que prophète, voyant, rêveur
sacré, est présente dans plus d'un texte romantique après 1830;
pour Hugo, elle traduit une conviction profonde : Traverser le
tumulte, la rumeur, le rêve, la lutte, le plaisir, le travail, la douleur,
le silence; se reposer dans le sacrifice, et, là, contempler Dieu;
commencer à Foule et finir à Solitude, n'est-ce pas, les proportions
individuelles réservées, l'histoire de tous ? (Préface des Contemplations).
«
62
Elle emplit l'ignorant de la science énorme;
Ce que le cèdre voit, ce que devine l'orme,
Ce que le chêne sent,
Dieu,
l'être, l'infini.
l'éternité, l'abîme,
Dans l'ombre elle le mêle à la candeur sublime
D'un pâtre frémissant.
L'homme n'est
qu'une lampe, elle en fait une étoile.
Et ce pâtre devient, sous son haillon de toile,
725
Un mage; et, par moments, 730
Aux fleurs, parfums du temple, aux arbres, noirs pilastres
Apparaît couronné
d'une tiare d'astres,
Vêtu de flamboiements! [
...
]
Et tandis qu'il est là, vivant sur sa colline,
Content, se prosternant dans tout ce qui s'incline,
Doux rêveur bienfaisant,
760
Emplissant le vallon, le champ, le toit de mousse
Et l'herbe et le rocher de la majesté douce
De son cœur innocent,
S'il passe
par hasard, près de sa paix féconde,
Un de ces grands esprits en butte aux flots du monde 765
Révolté devant eux,
Qui craignent à la fois, sur ces vagues funèbres,
La terre de granit et le ciel de ténèbres,
L'homme ingrat, Dieu douteux;
Peut-ètre, à son insu, que ce pasteur paisible,
Et dont l'obscurité rend la lue~r visible,
Homme heureux sans effort,
Entrevu
par cette âme en proie au choc de l'onde,
Va lui jeter soudain quelque clarté profonde
770
Qui lui montre le port! 775
Ainsi ce feu peut-être, aux flancs du rocher sombre,
Là-bas
est aperçu par quelque nef qui sombre
Entre le ciel et
l'eau;.
»
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