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Réinventer la fête.

Publié le 27/04/2011

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   Un mode de communication naguère spontanée, qui portait la mémoire et la durée collectives, a pratiquement disparu, du moins en tant que création authentique de ses participants : c'est la fête. Comme il y a une industrie des loisirs, il y a des fêtes organisées mais qui ne sont ni loisir ni fête. C'est que la fête traduit en figures symboliques, en traditions, en rites, en jeu, la richesse affective d'une communauté, la connivence de ses membres, l'image qu'ils se font de ses rapports avec son histoire, avec la nature ; avec le monde autour d'eux. La fête suppose un enracinement, une appartenance. Elle est liée à des cycles, à des rythmes, parfois très anciens, vitaux en tout cas. Elle a son esthétique, qui peut être élaborée. Celle-ci fait appel à des talents peu manifestes d'ordinaire, mais que l'ardeur de la circonstance met en action. La fête révèle, fait éclater en images ce que la rationalité objective maintient caché : elle est l'imagination en acte de groupe, libératrice, créatrice de formes instantanées ou non.    La fête est-elle de trop, anachronique dans notre monde? Il est fondé sur une double suprématie : celle de la raison objective, celle du travail utile. C'est un monde bien autrement laborieux que les sociétés plus anciennes ou arriérées. C'est aussi un monde où le corps, et tout l'être avec lui, a perdu l'aptitude au geste global, du fait de la spécialisation et de la répétition qu'elle entraîne. Ce qui est vrai de la tâche ouvrière l'est aussi de celle de l'intelligence : on apprend à articuler des concepts, jamais à inventer des figures. Toute une éthique utilitaire de la connaissance et du travail toute une philosophie acquisitive, compétitive, avaricieuse de l'existence seraient à réviser pour en finir avec la passivité croissante des hommes à mesure que devient plus efficace leur robotisation. Il se pourrait, si l'on tardait trop, qu'une telle révision fût non seulement déchirante, mais explosive. Quel pourrait être le creuset de cette commune pensée, de cette nécessaire fusion sociale ? Un espace, un lieu, une forme : un complexe de fonctions et de locaux auxquels devraient correspondre un ensemble d'activités interdépendantes, où les diverses ségrégations, dont celle de l'âge n'est pas la moindre, seraient progressivement abolies. Au centre de ce complexe, le champ éducatif, ouvert, cessant d'être la propriété de la seule institution scolaire : lieu de tous, foire permanente aux idées, espace libre où réinventer la fête. Cette conception fait frémir d'horreur de bons pédagogues : ce fut pourtant, sous bien des aspects, celle de l'Université médiévale, qui fit naître quelques grands siècles d'art et de pensée. Aujourd'hui, avec la formation permanente, la fonction éducative n'est plus le privilège des enseignants patentés : peut l'assumer quiconque accepte de partager ses connaissances. Connaître, ainsi, et donner à voir aux autres, devient une forme d'hospitalité : l'hospitalité, c'est déjà la fête. Réciproquement, la fête peut devenir une science. Dans la maison, ou plutôt dans la forme intégrante pour tous, innervés par la fonction éducative, les arts et les techniques auraient leur place, l'imagination serait manuelle autant que spirituelle. Aucun don ne serait refusé : toutes les dispositions créatrices se compléteraient, s'harmoniseraient. On apprendrait ensemble à éprouver, à imaginer, à édifier des rêves réels. Magique étude, pour reprendre le mot de Rimbaud. Étude du bonheur, de la beauté, de la pleine satisfaction de l'être. Pourquoi l'école serait-elle triste? La première science qu'on devrait y acquérir serait ainsi un art, l'art de vivre, qui est celui de ne pas vieillir en dedans.    Pierre Emmanuel    Dans une première partie, vous ferez de ce texte un résumé ou une analyse en indiquant le type de contraction choisi. Puis vous dégagerez du texte un problème auquel vous attachez un intérêt particulier ; vous en préciserez les données et vous exposerez, en les justifiant, vos propres vues sur la question.

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