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safran pilé.

Publié le 31/10/2013

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safran pilé. Du temps, du passé et du temps encore et puis un moment vint où je subis nombre de chocs et de révulsions nouvelles et puis des secousses plus régulières, celles-là berceuses... Couché, je l'étais encore certainement, mais alors sur une matière mouvante. Je me laissais aller et puis je vomissais et je me réveillais encore et je me rendormais. C'était en mer. Si vaseux je me sentais que j'avais à peine assez de force pour retenir la nouvelle odeur de cordages et de goudron. Il faisait frais dans le recoin bourlingueur où j'étais tassé juste au-dessous d'un hublot grand ouvert. On m'avait laissé tout seul. Le voyage continuait évidemment... Mais lequel ? J'entendais des pas sur le pont, un pont en bois, au-dessus de mon nez et des voix et les vagues qui venaient clapoter et fondre contre le bordage. Il est bien rare que la vie revienne à votre chevet, où que vous soyez, autrement que sous la forme d'un sacré tour de cochon. Celui que m'avaient joué ces gens de San Tapeta pouvait compter. N'avaient-ils pas profité de mon état pour me vendre gâteux, tel quel, à l'armement d'une galère ? Une belle galère, ma foi, je l'avoue, haute de bords, bien ramée, couronnée de jolies voiles pourpres, un gaillard tout doré, un bateau tout ce qu'il y avait de capitonné aux endroits pour les officiers, avec en proue un superbe tableau à l'huile de foie de morue représentant l'Infanta Combitta en costume de polo. Elle patronnait m'expliqua-t-on par la suite, cette Royauté, de son nom, de ses nichons, et de son honneur royal le navire qui nous emportait. C'était flatteur. Après tout, méditais-je à propos de mon aventure, resté à San Tapeta, je suis encore malade comme un chien, tout tourne et je serais sûrement crevé chez ce curé où les Voyage au bout de la nuit nègres m'avaient placé... Retourner à Fort-Gono? Je n'y coupais pas alors de mes « quinze ans « à propos des comptes... Ici au moins ça bougeait et ça c'était déjà de l'espérance... Qu'on y réfléchisse, ce capitaine de l'Infanta Combitta avait eu quelque audace en m'achetant, même à vil prix à mon curé au moment de lever l'ancre. Il risquait tout son argent dans cette transaction le capitaine. Il aurait pu tout perdre... Il avait spéculé sur l'action bénéfique de l'air de la mer pour me ravigoter. Il méritait sa récompense. Il allait gagner puisque j'allais mieux déjà et je l'en trouvais bien content. Je délirais encore énormément mais avec une certaine logique... À partir du moment où j'ouvris les yeux il vint souvent me rendre visite dans mon réduit même et paré de son chapeau à plumes le capitaine. Il m'apparaissait ainsi. Il s'amusait bien à me voir essayer de me soulever sur ma paillasse malgré la fièvre qui me tenait. Je vomissais. « Bientôt, allons, merdailleux, vous pourrez ramer avec les autres ! « me prédit-il. C'était gentil de sa part, et il s'esclaffait en me donnant des petits coups de chicote, mais bien amicalement alors, et sur la nuque, pas sur les fesses. Il voulait que je m'amuse aussi, que je me réjouisse avec lui de la bonne affaire qu'il venait de faire en m'acquérant. La nourriture du bord me sembla fort acceptable. Je n'arrêtais pas de bafouiller. Rapidement, comme il l'avait prédit le capitaine, je retrouvai assez de force pour aller ramer de temps en temps avec les camarades. Mais où il y en avait dix des copains j'en voyais cent : la berlue. On se fatiguait assez peu pendant cette traversée parce qu'on voguait la plupart du temps sous voiles. Notre condition dans l'entrepont n'était guère plus nauséeuse que celle des ordinaires voyageurs des basses classes dans un wagon du dimanche et moins périlleuse que celle que j'avais endurée à bord de l'Amiral Bragueton pour venir. Nous fûmes toujours largement éventés pendant ce passage de l'est à l'ouest de l'Atlantique. La température baissa. On ne s'en plaignait guère dans les entreponts. On trouvait seulement que c'était un peu long. Pour moi, j'en avais assez pris des spectacles de la mer et de la forêt pour une éternité. J'aurais bien demandé des détails au capitaine sur les buts et les moyens de notre navigation, mais depuis que j'allais décidément mieux, il cessait de s'intéresser à mon sort. Et puis je radotais tout de même trop pour la conversation. Je ne le voyais plus que de loin, comme un vrai patron.

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