Devoir de Philosophie

« Vous êtes venu à pied par le tunnel, vous avez pu y entrer et en sortir librement ?

Publié le 29/10/2013

Extrait du document

« Vous êtes venu à pied par le tunnel, vous avez pu y entrer et en sortir librement ? - Quand je vous le dis ! Vous passerez, j'en réponds. « Cabuche, qui avait travaillé avec une ardeur de bon géant, se reculait déjà, de son air timide et farouche, que ses derniers démêlés avec la justice n'avaient fait qu'accroître  et il fallut que Jacques l'appelât. « Dites donc, camarade, passez-nous les pelles qui sont à nous, là, contre le talus. En cas de besoin, nous les retrouverions. « Et, lorsque le carrier lui eut rendu ce dernier service, il lui donna une vigoureuse poignée de main, pour lui montrer qu'il l'estimait malgré tout, l'ayant vu au travail. « Vous êtes un brave homme, vous ! « Cette marque d'amitié émut Cabuche d'une extraordinaire façon. « Merci «, dit-il simplement, en étranglant des larmes. Misard, qui s'était remis avec lui, après l'avoir chargé devant le juge d'instruction, approuva de la tête, les lèvres pincées d'un mince sourire. Depuis longtemps, il ne travaillait plus, les mains dans les poches, enveloppant le train d'un regard jaune, ayant l'air d'attendre, pour voir, sous les roues, s'il ne ramasserait pas des objets perdus. Enfin, le conducteur-chef venait de décider avec Jacques qu'on pouvait essayer de repartir, lorsque Pecqueux, redescendu sur la voie, appela le mécanicien. « Voyez donc. Il y a un cylindre qui a reçu une tape. « Jacques s'approcha, se baissa à son tour. Déjà, il avait constaté, en examinant avec soin la Lison, qu'elle était blessée là. En déblayant, on s'était aperçu que des traverses de chênes, laissées le long du talus par des cantonniers, avaient glissé, barrant les rails, sous l'action de la neige et du vent  et même l'arrêt, en partie, devait provenir de cet obstacle, car la machine avait buté contre les traverses. On voyait l'éraflure sur la boîte du cylindre, dans lequel le piston paraissait légèrement faussé. Mais c'était tout le mal apparent  ce qui avait rassuré le mécanicien d'abord. Peut-être existait-il de graves désordres intérieurs, rien n'est plus délicat que le mécanisme compliqué des tiroirs, où bat le coeur, l'âme vivante. Il remonta, siffla, ouvrit le régulateur, pour tâter les articulations de la Lison. Elle fut longue à s'ébranler, comme une personne meurtrie par une chute, qui ne retrouve plus ses membres. Enfin, avec un souffle pénible, elle démarra, fit quelques tours de roue, étourdie encore, pesante. Ça irait, elle pourrait marcher, ferait le voyage. Seulement, il hocha la tête, car lui qui la connaissait à fond, venait de la sentir singulière sous sa main, changée, vieillie, touchée quelque part d'un coup mortel. C'était dans cette neige qu'elle devait avoir pris ça, un coup au coeur, un froid de mort, ainsi que ces femmes jeunes, solidement bâties, qui s'en vont de la poitrine, pour être rentrées un soir de bal, sous une pluie glacée. De nouveau, Jacques siffla, après que Pecqueux eut ouvert le purgeur. Les deux conducteurs étaient à leur poste. Misard, Ozil et Cabuche montèrent sur le marchepied du fourgon de tête. Et, doucement, le train sortit de la tranchée, entre les soldats armés de leurs pelles, qui s'étaient rangés à droite et à gauche, le long du talus. Puis, il s'arrêta devant la maison du garde-barrière, pour prendre les voyageurs. Flore était là, dehors. Ozil et Cabuche la rejoignirent, se tinrent près d'elle  tandis que Misard s'empressait maintenant, saluait les dames et les messieurs qui sortaient de chez lui, ramassait des pièces blanches. Enfin, c'était donc la délivrance ! Mais on avait trop attendu, tout ce monde grelottait de froid, de faim et d'épuisement. La dame anglaise emporta ses deux filles à moitié endormies, le jeune homme du Havre monta dans le même compartiment que la jolie femme brune, très languissante, en se mettant à la disposition du mari. Et l'on eût dit, dans le gâchis de la neige piétinée, l'embarquement d'une troupe en déroute, se bousculant, s'abandonnant, ayant perdu jusqu'à l'instinct de la propreté. Un instant, à la fenêtre de la chambre, derrières les vitres, apparut tante Phasie, que la curiosité avait jetée bas de son matelas, et qui s'était traînée, pour voir. Ses grands yeux caves de malade regardaient cette foule inconnue, ces passants du monde en marche, qu'elle ne reverrait jamais, apportés par la tempête et remportés par elle. Mais Séverine était sortie la dernière. Elle tourna la tête, elle sourit à Jacques, qui se penchait pour la suivre jusqu'à sa voiture. Et Flore, qui les attendait, blêmit encore, à cet échange tranquille de leur tendresse. D'un mouvement brusque, elle se rapprocha d'Ozil, qu'elle avait repoussé jusque-là, comme si, maintenant, dans sa haine, elle sentait le besoin d'un homme. Le conducteur-chef donna le signal, la Lison répondit, d'un sifflement plaintif, et Jacques, cette fois, démarra pour ne plus s'arrêter qu'à Rouen. Il était six heures, la nuit achevait de tomber du ciel noir sur la campagne blanche  mais un reflet pâle, d'une mélancolie affreuse, demeurait au ras de la terre, éclairant la désolation de ce pays ravagé. Et, là, dans cette lueur louche, la maison de la Croix-de-Maufras se dressait de biais, plus délabrée et toute noire au milieu de la neige, avec son écriteau : « A vendre «, cloué sur sa façade close.

« regardaient cettefouleinconnue, cespassants dumonde enmarche, qu'ellenereverrait jamais, apportés parlatempête etremportés parelle. Mais Séverine étaitsortie ladernière.

Elletourna latête, ellesourit àJacques, quisepenchait pour lasuivre jusqu'à savoiture.

EtFlore, quilesattendait, blêmitencore, àcet échange tranquille deleur tendresse.

D'unmouvement brusque,elleserapprocha d'Ozil,qu'elle avait repoussé jusque-là, commesi,maintenant, danssahaine, ellesentait lebesoin d'unhomme. Le conducteur-chef donnalesignal, laLison répondit, d'unsifflement plaintif,etJacques, cette fois, démarra pourneplus s'arrêter qu'àRouen.

Ilétait sixheures, lanuit achevait detomber du ciel noir surlacampagne blanche maisunreflet pâle,d'une mélancolie affreuse,demeurait au ras delaterre, éclairant ladésolation decepays ravagé.

Et,là,dans cette lueur louche, la maison delaCroix-de-Maufras sedressait debiais, plusdélabrée ettoute noireaumilieu dela neige, avecsonécriteau : «A vendre »,cloué sursafaçade close.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles