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Calligrammes Guillaume APOLLINAIRE 1918

Apollinaire a réuni dans ce recueil des œuvres écrites de 1912 à 1917. Le titre désigne à l’attention les plus insolites d’entre ces poèmes, ceux où la disposition typographique du texte est proposée comme un élément de la poésie, soit qu’elle imite le montage d’une affiche ou d’un prospectus (Lettre Océan), soit qu’elle dessine des objets ou des formes symboliques (voiture, botte, cœur, colombe poignardée, jet d’eau), ou propose un graphisme plus abstrait (Loin du pigeonnier), Les recherches typographiques étaient alors à la mode (cf. Mallarmé, Poésies, Un coup de dés...; Cendrars, La Prose du Transsibérien); bien qu’Apollinaire ait affecté d’attacher beaucoup d’importance à ses «idéogrammes lyriques», grande est la part du jeu et de l’humour.
Dans sa première section, Ondes, ce recueil contient aussi des poèmes composés dans l’esprit moderniste de Zone (Alcools), « poèmes-conversations » comme Les Fenêtres, Lundi rue Christine, ou bavardages lyriques à propos des spectacles de la rue parisienne comme Le Musicien de Saint-Merry, Un fantôme de nuées. Les sections suivantes correspondent aux années de guerre. Chez l’artilleur Apollinaire, engagé volontaire, la gaieté de convention, les pensées envolées vers de nouvelles amours — Lou, Madeleine —, la contemplation des involontaires beautés de la guerre alternent et se mêlent, comme en témoignent Fête, Les Saisons, Dans l’abri-caverne, Fusée, Merveille de la guerre. Dans la pièce finale, La Jolie Rousse, le poète dresse un ironique bilan de sa vie, sollicite l’indulgence pour ses tentatives poétiques et explique ses ambitions : «Nous ne sommes pas vos ennemis / Nous voulons vous donner de vastes et d’étranges domaines / Où le mystère en fleurs s’offre à qui veut le cueillir.» Il devait mourir de la grippe espagnole quelques mois plus tard.


Calligramme. Terme créé par Apollinaire pour désigner des poèmes où le texte est disposé de façon à former une image. Ce type de poésie iconique existait en fait depuis l’Antiquité sous le nom de vers figurés (carmina figurata) ou vers rhopaliques (Simmias de Rhodes, au IIIe siècle av. J.-C. passe pour être le premier à les avoir utilisés). Morier (1961) pense que la tradition des vers rhopaliques sort de la chanson à boire (cf. les vers de Charles-François Panard, 1674-1765, en forme de bouteilles ou de verres). Au xvie siècle, les vers figurés constituent un genre mondain, un jeu de société. C’est Apollinaire qui va leur donner leurs lettres de noblesse. L’emploi des calligrammes s’inscrit dans le mouvement de réflexion sur la typographie présent dès les symbolistes et sur la relation de la poésie et de la peinture, et l’on sait combien Apollinaire était proche des peintres cubistes. Les poèmes où il dispose le texte de façon à représenter un objet, La Colombe poignardée et le Jet d'eau, La Cravate et la Montre, Lettre-océan, Cœur couronne et miroir, se sont d’abord appelés idéogrammes lyriques :
(Paysage)
Apollinaire créa ensuite le mot-valise de calligramme à partir de calligraphie et d'idéogramme. Certains calligrammes comme l’exemple cité ou la plupart des calligrammes publicitaires, tels ceux de la série du stylo Parker 180 imaginés par plusieurs écrivains, se bornent à disposer le texte sous forme de l’objet qu’ils évoquent. Dans la majorité des calligrammes d’Apollinaire, en revanche, le dessin ne représente pas simplement ce dont parle le texte. Ecriture et dessin se répondent et se mêlent en un jeu parfois complexe qui empêche le calligramme d’être redondant ou simplement illustratif. • Lapacherie J.G., «Ecriture et lecture du calligramme», Poétique, 1982; Morier H., 1981; Peignot J., Du Calligramme, Paris, Ed. du Chêne, 1978.