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CIMABUÉ

Publié le 24/06/2012

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CENNI DI PEPO, dit Cimabué, né vers 1240 et mort en 1302, ne nous est guère connu que par la Vie que lui a consacrée l'Arétin Giorgio Vasari dans ses Vies des meilleurs peintres, écrites au XVIe siècle. Mais un témoignage plus ancien et plus précieux même dans son extrême concision nous est venu de Dante, son contemporain, dont le tercet: Cre dette Cimabue nella pintura - Tener lo campo e ora ha Giotto il grido... (Cimabué croyait incarner la peinture, et maintenant c'est Giotto qui est célèbre ... ) pourrait servir d'épigraphe à l'histoire de l'art moderne. Certes, les débuts de ce que certains savants appellent « la première Renaissance « ne durent pas être paisibles dans une cité de la Toscane où le réveil du sentiment personnel succéda presque soudainement à la tradition multiséculaire d'anonymat et de collectivisme du moyen âge et se manifesta en effet de manière dramatique dans la confrontation et ....

« Le monumental Crucifix peint de l'église San Domenico d'Arezzo a ses précédents immé­ diats, iconographiques et de style, dans les images douloureuses de Giunta Pisano, et la Pise cosmopolite et maritime fut véritablement le centre où mûrit et s'irradia, dans une admirable résurrection de l'esprit et des formes de l'art classique, cette culture orientalisante appelée le néo-hellénisme byzantin.

Giunta Pisano et les maîtres qui l'entouraient transmirent ainsi à Cimabué un abondant répertoire de solutions linguistiques, de signes, de métaphores, de sym­ boles figuratifs, et surtout, par leur classicisme délicat, ils transformèrent son pathos impétueux, sa manière violente et un peu gonflée en une limpide et vigoureuse métrique.

C'est ainsi que, bien que le corps du Crucifix d'Arezzo, dans les spasmes de l'agonie, se torde atrocement jusqu'à toucher le bord de la croix, bien que ses jointures se tendent convulsivement, que ses traits, ses muscles, les détails anatomiques, fixés avec une rude vigueur de tracé et de clair-obscur, accusent un relief presque hallucinant, toute la composition se déploie en un rythme unitaire et grandiose puissamment modérateur.

On peut même dire à cet égard que Cimabué est plus nettement byzantin que ses contemporains en ce qu'il est complètement dépourvu de ces grâèes néo-helléniques qui attirèrent un Duccio di Buoninsegna, comme de ces calligraphies excessives où se complut un Giunta; il tendit à dégager de la tradition de Byzance précisément ces accents de solennité fatidique, de rigueur liturgique, de faste sombre qui constituent le substratum archaïque et immuable de cette civilisation.

La Madone qui était autrefois dans l'église de la Sainte- Trinité et se trouve maintenant aux Offices, à Florence, se dresse telle une grandiose apparition au sommet d'une abside res­ plendissante.

Ce qui rend ce tableau si expressif et nouveau, c'est moins l'austérité organique.

de la composition où l'hiératisme byzantin se concrétise en une construction architecturale, que le mordant de la ligne, l'âpre énergie de.s signes et des profils qui crée un relief plastique et con­ fère un dynamisme exubérant et passionnant aux figures.

La même humanité peuple les parois du chœur et du transept de la basilique supérieure de Saint-François, à Assise, où Cimabué peignit à fresque, vers 1277, des scènes de la Passion, de l'Apocalypse, de la Vie de Marie et de saint Pie"e malheureusement très détériorées; l'inversion des clairs-obscurs les réduit presque à une série de négatifs surprenants, mais les détails les plus lisibles, surtout dans la Crucifixion à gauche, attestent la grandeur et l'intensité de l'inspiration dramatique du peintre.

Tout y est lourd et massif, tout y est empreint de la robuste évidence de la plastique romane; pour­ tant, le dramatique conventionnel des formes byzantines que l'artiste a pris comme point de départ est ennobli par une tragique violence d'expression qui bouleverse la construction spa­ tiale de la scène, tel le geste de la Madeleine qui, mue par une impulsion que Masaccio n'eût pa.s désavouée, tend ses bras au-dessus de la masse tumultueuse des pleureurs.

Ainsi, à travers l'individualisme accentué de Cimabué, le byzantinisme médiéval a trouvé son terme dans la peinture italienne, tandis que la prépondérance progressive.

du dessin et du relief sur les valeurs purement chromatiques, telle qu'on la relève dans les œuvres dernières du même Cimabué, la Madone du Louvre et le Crucifix de Santa-Croce, annonce déjà la naissance d'une nouvelle tradition, celle de Giotto.

et de la peinture florentine.

Cll\IABUÉ « M'adnne »,détail.

(Musée du Louvre, Paris.) ENZO CARLI Professeur d'histoire de l'art à l'Université de Pise Directeur de la Pinacothèque nationale de Sienne. »

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