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DESTINS DE LA PEINTURE

Publié le 05/09/2013

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QUAND, à la fin du XIXe siècle, la peinture, lasse de richesses et d'honneurs, rencontra ces hommes intrépides qui osèrent contester sa souveraineté et refuser tous égards à sa vieillesse fardée, elle se trouva soudain au bout de son règne. Les artifices qu'elle avait empruntés à l'esthétique de la Renaissance : modelé, perspective, raccourci, clair-obscur, lui furent un à un arrachés. Sa décrépitude apparut. Mais on hésitait encore à lui porter le coup fatal. C'est que les principes sur lesquels repose tout pouvoir survivent généralement aux moyens qui ont servi à l'instaurer et à le maintenir. Et puis, on se souvenait de son demi-millénaire de gloire, on pouvait toujours voir ses trophées réunis dans les musées de nos capitales, tous les chefs-d'oeuvre produits sous son empire par le tranquille labeur de nombreuses générations d'artistes qui avaient parlé la même langue, obéi aux mêmes lois, communié dans le même culte. L'Humanisme avait été leur dogme, la Réalité leur idole. Au début du siècle, cette peinture déjà chancelante s'effondre, le dogme est délaissé, l'idole renversée. Fauvisme et Cubisme se mettent en quête de nouveaux dieux : la peinture moderne est née.

Matisse et ses amis émancipent la couleur, réhabilitent le décor, retournent au « vieux fond sensuel des hommes «. Picasso, Braque, Juan Gris conçoivent des formes, incorporent dans le tableau leurs connaissances des qualités plastiques de l'objet, idéalisent le dessin, bouleversent les notions traditionnelles du volume et de l'espace, accomplissant ainsi une révolution d'aussi durables consé¬quences que celles dont Paolo Uccello fut le héros. Il semble désormais que la peinture va suivre son nouveau destin. Or, plutôt que d'accentuer ce double effort de libération, les peintres de l'entre-deux-guerres paraissent revenir à des conceptions et à des pratiques que l'on croyait abolies. A l'exception de quelques-uns, dont Borès et Beaudin sont les plus représentatifs, qui s'efforcent avec courage de mettre en valeur les conquêtes de leurs prédécesseurs immédiats, on s'égare dans l'étrangeté, on s'inflige des contorsions, on revient à contre-courant. Il y a moins loin, en effet, de la réaction à la révolution, que de la révolution à la tyrannie. Que fut, en vérité, le Surréalisme, malgré ses profa¬nations préméditées, ses proclamations tapageuses? Au point de vue plastique, une régression, un appauvrissement. Les fleurs vénéneuses de l'illogisme et du songe, il les a cultivées dans des terres épuisées, il leur a donné l'aspect livide et glacé de la mort. Il a habillé ses allusions littéraires des défroques du réel, restauré l'illusion naturaliste, épinglé sur ses prétentions métaphysiques les vieilles étiquettes : imitation, anecdote, vie intérieure, sujet. Son entreprise de subversion n'a été, en somme, qu'un retour à l'humain.

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