FOUQUET
Publié le 24/06/2012
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On a dit que Fouquet est resté un peintre de cour, fort différent des Flamands et des Italiens qui ont travaillé plus souvent pour des mécènes bourgeois. Sans doute, il servait les grands et peignait le monde pour leurs yeux, purgé de vulgarité, tempéré de grâce. Mais il a su leur montrer ce qu'il y découvrit lui-même: une humanité simple, d'une incomparable majesté paysanne, une nature familière vouée à jamais à une pureté juvénile. Son aristocratie n'est pas celle d'un homme qui flatte une classe sociale.
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de ses échantillons, Fouquet étale des vues pleines de vérité perspective et aérienne, ouvre des
campagnes sur des horizons bleutés, fait trembler dans l'eau l'ombre printanière des arbustes.
Il est à la tête des peintres de son temps qui peignent la nature pour elle-même, et comme per
sonne, il l'accorde avec l'humanité qu'il y place.
Ainsi, il témoigne d'un sens épique qu'on ne
connaîtra pas dans le Nord
avant le vieux Brueghel.
Le volume solide de
la figure humaine, la clarté monumentale de la composition, Fouquet
les a hérités des sculpteurs des cathédrales; Henri Focillon
l'a montré avec éclat.
Mais s'il les à
pratiqués avec tant d'aisance, c'est qu'il a pu voir en Italie les œuvres de Fra Angelico, de Castagno,
d'Uccello, de Domenico Veneziano et, peut-être même,
du jeune Piero della Francesca.
Il y
apprit la perspective linéaire, la magie des formes géométriquement épurées, les sortilèges mar
moréens dont Rome et Florence étaient le théâtre enthousiaste.
Cependant, il resta lui-même,
il ne devint pas
un interprète de plus de la poésie toscane, car il est avant tout un homme du
Nord, un Français et un peintre de miniatures.
II cède à la séduction sensuelle de la réalité, au
modelé détaillé d'un visage, à l'ambiance domestique qui transforme une scène religieuse en
une scène de genre, à toute
la vibrante nature qu'il préfère évoquer empiriquement, au juger
de la sensibilité, plutôt que selon la règle et le compas; en quoi il tient de l'art septentrional et
s'apparente à van Eyck et à Roger van der Weyden bien plus qu'aux Florentins.
II réalise d'ins
tinct un équilibre entre la vie, l'infini répertoire du particulier, et la stylisation qui extrait de
ce chaos
les signes d'une rassurante synthèse; le voici qui rejoint la famille la plus française parmi
les peintres, Poussin, Corot, Cézanne.
On a dit que Fouquet est resté un peintre de cour, fort différent des Flamands et des Italiens
qui ont travaillé plus souvent pour des mécènes bourgeois.
Sans doute, il servait les grands et
peignait le monde pour leurs yeux, purgé de vulgarité, tempéré de grâce.
Mais il a su leur montrer
ce
qu'il y découvrit lui-même: une humanité simple, d'une incomparable majesté paysanne,
une nature familière vouée à jamais à une pureté juvénile.
Son aristocratie n'est pas celle
d'un
homme qui flatte une classe sociale.
Elle est la distinction innée du Latin qui évite les laideurs
parce
qu'il attache un prix suprême à la délicatesse des sentiments, des formes, des couleurs et
à leurs profondes harmonies.
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En plein XVe siècle, alors qu'en deçà des Alpes la peinture, depuis Roger van der Weyden
jusqu'à Grünewald, restait toute gothique, toute osseuse et anguleuse, toute éprise d'expression
dramatique ou de tendre lyrisme, Fouquet
apporta un optimisme latin, sa vision grave, mais
sereine, de
la vie où l'homme s'émeut en silence et apparaît inébranlable au milieu d'une nature
amie.
Un demi-siècle avant Dürer, il est le messager, le premier hors d'Italie, de l'esprit classique.
Venu trop tôt, il n'est pas vraiment compris, n'exerce qu'une influence locale.
Il reste un grand
isolé, un des peintres les plus modernes de son temps, dans tous les pays.
La France d'alors, à l'aube
radieuse de son renouveau après une guerre centenaire, s'affirmait par l'effort solitaire de telles
individualités puissantes.
Jeanne d'Arc et Louis XI lui donnèrent sa conscience nationale et sa
cohésion politique, Jacques
Cœur, son rôle dans le commerce mondial, Philippe de Commynes
et Villon maintinrent son rang dans les lettres.
Jean Fouquet lui assure une place européenne
dans
la peinture.
CHARLES STERLING
Conservateur au Musée du Louvre, Paris
«Foreign adviser » du Métropolitan Museum, New-Tork
8g.
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