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Gauguin: NEVERMORE

Publié le 14/09/2014

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gauguin

Qu'est-ce donc que ce tableau singulier? Un nu tahitien certes, mais plus encore une image de la tentation accomplie. La femme indigène a perdu toute son innocence, sa nudité a cessé d'être naturelle, son regard n'est plus candide, son sourire n'exprime plus simplement la douceur. Cette indigène s'expose, les sym­boles du Mai derrière elle. Si c'est une Eve, c'est l'Ève chassée du jardin d'Éden. Le «luxe barbare« est «d'autrefois«, les couleurs «sombres« et «tristes« parce que la réalité de Tahiti en 1895 est tout aussi sombre et triste. Au lieu des sauvages qu'il espérait découvrir,

le peintre côtoie des autochtones colonisés et moralisés «à l'européenne«, c'est-à-dire déna­turés, victimes d'une civilisation et d'une reli­gion — celle des missionnaires — qui leur ont appris le péché et le mensonge. Nevermore, dit le titre, calligraphié en capitales noires. «Jamais plus«, en effet : jamais plus l'inno­cence et la pureté des primitifs, puisque, lorsque Gauguin s'établit en Océanie, il y a des décennies que ni Tahiti ni les Marquises n'abritent plus aucun primitif.

gauguin

« conversent à l'arrière-plan ? Comment justi­ fier le décor floral et le corbeau bleu sombre et vert ? Les éléments décoratifs et symbo­ liques se divisent en deux genres : ceux qui évoquent le •luxe barbare •, et ceux qui révè­ lent que ce temps •barbare • est passé.

De la première catégorie relèvent les tissus à fleurettes, l'oreiller jaune et les motifs orne­ mentaux arrangés en guirlandes de part et d'autre des ouvertures.

On y reconnaît des fleurs, des palmettes et des calebasses peintes dans des compartiments à fond brun ou rouge éteint.

Leurs dessins en serpentins s'accordent à celui du nu.

La courbe symétrique de ce qui semble une tête de lit dans la partie droite du tableau amplifie l'effet d'arrondi qui domine à l'avant-plan.

Cette cohérence, Gauguin la déséquilibre en introduisant deux êtres mystérieux et un oiseau.

Le symbolisme des deux êtres se déduit d'œuvres contemporaines, Te anï vahine (•la Femme royale •) et D'où venons-nous r Que sommes-nous r Où allons-nous r À propos de Te arii vahine, où deux silhouettes apparaissent également derrière un nu, Gauguin affirme que ce sont •deux vieillards (qui) discutent sur l'arbre de la Science •.

Aveu instructif: ces êtres incarnent donc la science, mais la science dia­ bolique, destructrice de l'innocence, la science maligne du serpent qui , descendu de l'arbre de la science, a corrompu Ève.

Il en va de même dans Nevermore, si ce n'est que Gauguin a méta­ morphosé ses vieillards en deux silhouettes féminines drapées de longues robes.

Quelle que soit leur conversation, celle-ci trouble l'inno­ cence et le repos de !'Ève qui dort près d'elles.

À moins que cette Ève ne soit déjà corrompue, comme la Femme royale elle-même, Olympia océarùenne non moins vicieuse et provocante que la courtisane impudique peinte par Manet.

À propos d' un corbeau Pourquoi Manet ? Parce que le corbeau de Gauguin descend en droite ligne de celui, égale­ ment menaçant, que Manet a lithographié en 1875 afin d'illustrer la traduction d'un poème d'Edgar Poe.

Or le poème a pour titre Nevennore, comme la toile de Gauguin.

Et Manet a été l'un des rares à reconnaître , dès la fin des années 1870, le talent de celui qui n'était encore qu'un amateur.

Enfin, le traducteur de Poe se nomme Stéphane Mallarmé, autre défenseur de Gauguin, que celui-ci a remercié de son aide en le portraiturant, en 1891 , un corbeau sur l'épaule.

Ce sont assez d'indices pour conclure que la toile puise dans ces références et rémirùs­ cences l'essentiel de son sens.

Comme celui de Poe , le corbeau de Gauguin symbolise le Mal, c'est-à-dire le Malin, le diable corrupteur.

La fin des primitifs Qu'est-ce donc que ce tableau singulier? Un nu tahitien certes, mais plus encore une image de la tentation accomplie.

La femme indigène a perdu toute son innocence, sa nudité a cessé d'être naturelle, son regard n'est plus can dide , son sourire n'exprime plus simplement la douceur.

Cette indigène s'expose, les sym­ boles du Mal derrière elle.

Si c'est une Eve, c'est !'Ève chassée du jardin d'Éden.

Le •luxe barbare • est •d'autrefois •, les couleurs •sombres • et •tristes • parce que la réalité de Tahiti en 1895 est tout aussi sombre et triste.

Au lieu des sauvages qu'il espérait découvrir, D'où venons-nous? Que sommes-nous ? Où allon s-nous?, Gauguin, 1897 (Bos ton, Museum of Fin e Arts}.

En arrière de la scène, deux personnages s' entretie1111ent, comme dans Nevermore.

le peintre côtoie des autochtones colonisés et moralisés •à l'européenne •, c'est-à-dire déna­ turés, victimes d 'une civilisation et d'u ne reli­ gion - celle des missionnaires - qui leur ont appris le péché et le mens onge.

Nevermore, dit l e titre, calligraphié en capitales noires.

«Jamais plus•, en effet : jamais plus l'inno­ cence et la pureté des primitifs, puisque, l orsque Gauguin s'établit en Océanie , il y a des décennies que ni Tahiti ni les Marquises n'abritent p lus aucun primitif.

En 1891 , à son arrivée dans l'île, Gauguin assiste aux obsèques du dernier roi indigène, Pomaré V.

Dans son journal intime, Noa Noa, il écrit alors ces lignes, que Nevermore met en peinture quelques années après : •Ce fut tout.

Tout rentra dans l'ordre habituel.

li y avait un roi de moins et a vec lui disparaissaient les dernie rs vestiges d 'habitudes maories.

C'était bien fini : rien que des civil isés.

J'étais triste; venir de si loin pour ...

• Le primitivisme, un mythe Gaugu in , le faux sauvage .

Parce qu 'il a été le premier peintre occidental à fuir l ' Europe et à s'établir sous les tro­ piques , Paul Gauguin a longtemps passé pour une sorte de «Sauvage » de l'art moderne .

Ses œuvres démentent cette légende, qu'il a cont ribué lui -même à entretenir par souci de singularité et plaisir de la provocation.

L'influence de la colonisation .

Dès son arrivée à Tahiti , en 1891 , il s'avise que la colonie française ressemble plus à n'importe quelle sous-préfecture de la métropole qu 'à une terre vierge.

Administration et clergé y ont introduit depuis un demi-siècle leurs usages et leur morale : interdiction est faite désor­ mais aux indigè nes de vivre nus et de pratiquer leurs cul tes ancest raux.

Les «marae », où les Maori s avaient coutume d 'honorer leurs dieux , ont été détruit s, et Gaugu in n'a d'autre solution, pour imagi ­ ner la Tahiti d'autrefois, que de se repor­ ter aux récits des voyageurs de jadis et de visiter les rares collections ethnogra­ phiques.

Les tableaux de Gauguin les plus «primit ifs,, d'apparence sont de Gauguin en Océanie, montag e de photographies souvenir.

pures fictions et ses sculp tures à la manière océanienne des reconstitutions au sens archéologique du mot.

Les Marquises , après Tahiti.

Au cours de son second séjour, Tahi ti la civilisée devient même si odieuse au pe intre que celui-ci se retire aux îles Marquises , réputées plus farouches .

À peine arrivé, il déchan te : à Atuona, où il construit sa case , est ins ta llé un vaste couvent , et la civilisation marquisienne s'avère non moins occidenta lisée que la tahitienne.

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- ·-·-·­--::·- GA~~UIN~ OCÉANIE ~ ____ ...

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