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Georges Bizet

Publié le 08/03/2010

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Bizet naquit à Paris le 25 octobre 1838. Une fois qu'ils l'eurent inscrit à la mairie sous les prénoms impressionnants d'Alexandre-César-Léopold, ses père et mère l'appelèrent plus simplement Georges. Extraordinairement précoce, doué comme pas un, le futur auteur de Carmen connut l'inestimable privilège de naître dans une famille d'artistes et de grandir dans un milieu favorable à l'épanouissement de ses dons. Si bien qu'ayant reçu, dès l'âge de quatre ans, ses premières leçons de musique, il vit, à neuf ans (grâce à une dispense d'âge qui équivalait à une consécration avant la lettre), les portes du Conservatoire s'ouvrir devant sa minuscule personne. Élève de Zimmermann pour le contrepoint (c'est Gounod qui, souvent, donnait la leçon), de Benoît pour l'orgue et de Marmontel pour le piano, le jeune Bizet rafla tous les premiers prix. Son prodigieux talent de pianiste l'avait désigné à l'admiration des foules, émerveillant Liszt et Berlioz : "Depuis Liszt et Mendelssohn, on a peu vu de lecteurs de sa force", nota le musicien des Troyens dans un de ses feuilletons. Mais, pour échapper à l'inévitable étiquetage, dont les effets eussent compromis sa carrière de compositeur, Bizet renonça à celle de pianiste-virtuose ; au point que, plus tard, pour vivre, il préférera écrire des solos de piston, se vengeant de la médiocrité de la besogne en orchestrant les accompagnements "plus canailles que nature". Après la mort de Zimmermann, le jeune candidat à la maîtrise entra dans la classe de composition de Fromental Halévy ­ son futur beau-père. En 1856, il obtint le second Grand Prix de Rome et, l'an d'après, à 19 ans, le Grand Prix.

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« avec un collier de pierreries autour du cou !" En raison de ses qualités, probablement, L'Arlésienne eut en effet ledon d'exaspérer certaines gens un peu comme ces êtres trop délicats, trop émotifs, et dont la seule présence"énerve" leur entourage : "Villemessant (nota plus tard Léon Daudet), Villemessant, directeur du Figaro, haïssaitL'Arlésienne.

Il faisait faire, chaque jour, un écho pour en dénoncer la bêtise." Lors de la reprise, en 1885, justiceayant été rendue entre temps à Bizet (il avait fallu pour cela qu'il mourût !), le directeur Camille Du Locle, faisantpreuve, à défaut de flair professionnel, d'une rare faculté de localisation géographique, qualifiait encore cettemerveilleuse musique de...cochinchinoise ! "Heureux les chefs-d'Oeuvre inaccessibles, où le public n'entre qu'avec peine !", écrivit un jour François Mauriac.Ç'avait été le sort (enviable à ce point de vue), de L'Arlésienne : ç'allait être encore celui de Carmen, dont lapremière représentation, le 3 mars 1875, donna lieu à une manière de scandale, passé au rang d'historique. Trois mois plus tard, jour pour jour (3 juin), Bizet mourut d'une crise cardiaque consécutive au surmenage, etnullement, comme on l'a trop laissé croire, au chagrin que lui avait causé le demi-échec de Carmen.

Alors, il n'y eutde trompettes assez cuivrées, d'orgues assez puissantes, de mots assez sonores pour proclamer ses mérites auxquatre points cardinaux. Mais il s'en fallait encore de beaucoup que le génie de Bizet fût reconnu en France du moins, car les Allemands, pourleur compte, ne s'y étaient point trompés ; Brahms, qui détestait le théâtre, ne manquait pas une représentation deCarmen.

Mais à Paris, Bizet n'avait rien qui pût l'imposer.

Cet homme né en pleine époque de délire romantique etdont la vie fut celle d'un petit bourgeois besogneux et effacé, cet homme n'avait pas d'histoire.

Massenet, "donneurde bonjours", Saint-Saëns, hargneux et désagréable, Debussy, distant et condescendant, Ravel, exquis et ironique,ces hommes pouvaient plaire ou ne pas plaire : ils ne laissaient personne indifférent.

Bizet, au contraire, n'attiraitpoint ; l'on a dit de son caractère qu'il était plutôt antipathique et cette opinion paraît moins sujette à caution quecelle de son biographe Charles Pigot, aimable graphomane qu'un parti pris de louanges inconditionnelles etpermanentes a conduit tout droit à une redoutable incontinence de vocabulaire laudatif. Le public qui, au soir du 3 mars 1875, emplissait le Théâtre de l'Opéra-comique, ne pouvait donc se douter qu'ilassistait à l'un des événements capitaux de l'histoire de la musique française.

L'Oeuvre, de surcroît, le dépassait.

Laraison profonde de l'échec de Carmen, lors de sa création, ce n'est point, comme on l'a dit, "l'indécence" de sonlivret, mettant en scène des filles et des bandits sans aveu, ni les quelques audaces harmoniques (comme lafameuse cadence ponctuant l'air de Don José), perceptibles d'entrée de jeu.

Il faut chercher plus profondément :Carmen est écrite en parties réelles ; d'un bout à l'autre, cette partition est contrepointée.

Mesure-t-on combienune telle écriture, qui met en Oeuvre tous les procédés hérités de la science de J.-S.

Bach, dut dérouter, voireexaspérer les spectateurs de l'époque ? Ces gens étaient accoutumés aux quiètes délices de la mélodieaccompagnée, telle que, d'Auber à Gounod, la leur avaient dispensée leurs auteurs favoris.

Les pages ibérisantes dela partition firent le reste.

Il s'ensuivit que les auditeurs de 1875 (comme aussi, ceux les mêmes ! de L'Arlésienne ),n'entendirent point la mélodie.

Or, Bizet avait le don fort rare et combien enviable de "trouver le motif" et, avecCarmen, son exploit le plus singulier fut bien de réussir ce fameux compromis : écrire une musique qui pût s'assurertout à la fois le consentement des masses et celui des clercs. Que les masses n'aient pas adhéré d'emblée, cela se conçoit, et pour la raison de toujours : l'Oeuvre était enavance sur son époque.

Quant aux clercs, leurs avis furent partagés, comme il se doit.

On connaît à ce propos laridicule accusation de wagnérisme, portée, dès l'apparition de ses premières Oeuvres, contre Bizet ; on ne luipardonnait point d'avoir rompu, au lieu d'en faire une nouvelle resucée, avec tous les Monsigny et Boieldieu de lacréation ! Et pourtant, Bizet n'adopta jamais le procédé de la "mélodie continue" inventé et exploité à fond parWagner.

Mais, à cette époque, chacun était peu ou prou le wagnérien de quelqu'un ; le rare, c'est que Bizet,accusé de wagnérisme par ses adversaires parisiens, fut institué par Nietzsche "champion de l'art méditerranéen", etcela, par opposition à ce même wagnérisme ! Il convient de remarquer que le musicien de Carmen ne fut point un novateur au sens absolu du terme : il ne créa niune langue ni un style nouveaux.

A l'encontre d'un Chabrier, dont les néologismes préfigurent Ravel, ses trouvaillesharmoniques et polyphoniques n'exigèrent pas autre chose que les matériaux en usage à son époque.

Mais, le grandArt, c'est précisément cela.

C'est avec les accords consignés dans le poussiéreux traité de Reber, que Bizet écrivit,par exemple, les successions de 7èmes de quatrième espèce que l'on trouve dans Djamileh, les résolutionsexceptionnelles de 7èmes de L'Arlésienne, sans compter les audaces qui confèrent déjà une si prometteuseoriginalité à ses premières partitions.

Son orchestration est un miracle de science, d'intuition et d'économie desmoyens, miracle que seul un Ravel put faire une seconde fois.

L'avènement de l'impressionnisme musical, qui brisa lesatomes sonores, empêcha l'orchestre de L'Arlésienne et de Carmen de faire école ; signe des temps : ceux qui,aujourd'hui, ne veulent pas couper les cheveux en huit, y reviennent. La place occupée par Bizet est remarquable.

Après Rameau, la musique française n'avait compté que des petits-maîtres et des suiveurs (le lieu n'est pas ici de discuter le "cas" de Berlioz, immense génie, certes, mais"beethovénien", si je puis ainsi parler).

Depuis Haydn, le pôle d'intensité de l'art musical s'était fixé dans les paysgermaniques.

En France, la mode était aux Italiens, à Bellini, à Spontini et à leurs imitateurs à moins que cela ne fûtà Meyerbeer.

Quoique nourri des classiques et des romantiques allemands (modèles suprêmes !), Bizet fut l'un despremiers, avec Gounod et Lalo (on pensera à Namouna et non au Roi d'Ys ), à retrouver la sensibilité vraie de lamusique française.

Enfin, on n'écrivit plus pour le théâtre, après lui, comme on l'avait fait avant.. »

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