LA CHARRETTE DE FOIN - Constable

« La Charrene de foin, John Constable , 1821 (Londres , National Gallery).

Dans un tel décor, il peint l es actions des hommes au quotidien, loin du répertoire biblique ou mythologique.

Le véritable sujet est ailleurs : •c'est l'eau , l'air et le ciel • , comme l'écrit, ébloui , !'éc rivain romantique français Charles Nodier da~ ses Promenades de Dieppe aux montagnes d 'Ecosse, en 1821.

Afin que le spectateur puisse baigner directement dans cette atmosphère, l'artiste supprime les obstacles : un cavalier, initial e­ ment prévu au premier plan, disparaît.

Le ciel, qui donne au paysage sa lumière per­ lée, occupe une partie importante du tableau.

Aqua relli ste, Constable sait en rendre la mou­ vance et la vibration; il se refuse à le considé­ rer comme •un drap blanc tendu derrière les objets•.

À l'époque où il exécute cette œuvre , il fait de nombreuses études de ciel, travail spécifique qu 'il appelle tout simplement •skying • (•fai re du ciel •).

Là est en effet •la source de lumière dans la nature [qui) gou­ verne toutes choses•.

La qualité d'un paysage se lit à cette vibrat io n impalpable, à ce frémissement de la «surface » du monde, aux ­ quels le peintre prête un intérêt nouveau.

Pour les traduire, la touche libre caresse sans peser, suggère plus qu'elle ne décrit.

Des rehauts de blancs, légers , apparaissent, qui soulignent le miroitement , annonçant les pro­ cédés plus francs - et décriés ~ des der­ nières années : c'est la fameuse •neige • des paysages anglais de Constable.

De l'Angleterre à la France Si ce paysage reçoit à Londres un accueil mitigé , à la grande déception du peintre , il obtient en France un succès très prompt.

Sous un titre laborieux - Une charrette à foin traver­ sant un gué au pied d'une ferme -, le tab leau est en effet exposé avec deux autres œuvres de Constable au Salon de Paris en 1824.

Géricault déjà l'avait admiré en 1821 à la Royal Academy.

Le paysagiste romantique Paul Huet (1803-1869 ) se souvient: •L'admi ­ ration de la jeune école fut sans bornes ...

C'était la première fois peut -être qu'on sentait la cha leur, pour la première fois qu'on voyait une nature luxuriante, verdoyante , sans noir , sans crudité, sans manière ...

• Delacroix lui­ même reçoit une impression profonde de ces paysages d'un ton nouveau qui l'encouragent dans ses propres audaces : liberté de la touche et clarté de la palette.

Mais c'es t avec l'école de Barbizon - le groupe formé de Théodore Rousseau, de Courbet, de Corot, de Millet - que l1œuv re de Constab le s'installe en France définitive ­ ment : son interprétation naturaliste du pay­ sage guide les peintres-promeneurs qui retrouvent dans les allées de Fontainebleau ou sur les bords de l'Oise le charme discret des campagnes chères à !'Anglais.. »