La Tour : LE TRICHEUR À L'AS DE CARREAU
Publié le 14/09/2014
Extrait du document
«
Acheté en 1972 par le musée du
Lou vre, le Tricheur à l'as de carreau est une huile sur toil e de 106 cm de
haut sur 146 cm de large, y compri s
une bande de quelqu es centimètres
ajoutée dans le haut du tab leau au xv11 • siècle.
L'œ uvre est signée mais non
datée .
Selon l'hypothè se récente de J.
Thuill ier, elle serait po stérie ure
d 'un bon nombre d 'ann ées à l'ex écu tion d'une peinture presque simil ai re
conservée aujourd 'hui aux Ét at s U ni s, le Tricheur à l'as de trèfle (Forth Worth, Kimbell Art Mu seum),
et elle se situe rait apr ès 1630.
gné de grosses mises d'argent, est un divertis
sement très couru à cette époque, dans toutes
les classes socia les.
Certains joueurs se ruinent
à cette activité, d'autres font de la tricherie un
métier lucratif.
Le Flamand Jérôme Bosch, au
XVI' siècle, dénonce déjà le jeu en plaçant en
enfer des amateurs de dés, de tric-trac ou de
cartes.
Toute une lignée de peintres, depuis
Caravage, au début du XVII' siècle, représente
des tricheurs en t rain de se livrer à leur
méchante pratique, et des benêts qui se font
voler toute s leurs économies.
Et une fable morale
La victime, dans le Triche11r à /'as de U1rrea11, est
le personnage peint sur le côté droit du tableau.
Il est jeune, ses joues rondes et glab res sont
celles d'un adolescent.
La manière dont il est
habillé contrast e avec les vêtements que porte
le tricheur : ses cheveux ondul és sont couverts
d 'une toque ornée d'une magnifique plume ,
son pourpoint est brodé de fils d'argent et d'or,
des rubans son t passés à l'épaulette et au col.
C'est un fils de famille .
Le peintre a représenté
le moment où le jeu vient seulement de com
mencer : près du jeune homme, sa mise forme
un tas assez consi dérable de pièces d'or.
Mais, à bien regar der les personnages et les
gestes, on comp rend que ce n'est pas seule
ment le jeu qui provoquera la perte du joueur.
Outre le tri cheu r, l'adversaire qui lui est
opposé est une très belle femme, trop parée,
trop décolletée , et dont la présence même à
une table de jeu est de mauvais aloi.
C'es t une
courtisa ne, et le fait que la servante lui apporte
en premier lieu la coupe de vin semb le signi
fier qu'elle est maîtresse des lieux.
La partie de
cartes se situe donc dans la demeure d 'une
femme légère, et le tricheur est peut-être le
sou teneur de cette femme.
Le service même qu'accomplit la domestique
n'est pas dépourvu de signification.
La coupe
de vin qu'elle approche sera suivie d 'a utres
verres - ne tient-elle pas une bouteille entiè re?
Deux dangers, outre le jeu, menacent donc le
jeune homme : l'amour vénal et l'ivresse.
Une
gravure du temps de La Tour , qui montre de la
même manière un débau ché éga r é en de mau
vais lieux , porte la lége nde suivante : •Le jeu, le
vin et les Dames / Sont la perte de notre âme. •
La scène de mœurs , ainsi, se transforme en
fable morale , sur le thème classique du destin
qui atten d l e •fils prodigue •, c'es t-à-dire l'enfa nt
qui quitte le droit chemin pour courir les plai
sirs du monde.
Dans un autre tableau extrême
ment célèbre, la Diseuse de bonne aven/tire,
Georges de La Tour abo rde à nou veau ce
thème.
L'œuvre montre une vieille bohémienne
- les contemporains disent une •Égyptienne •
- en train de prédire l'avenir à un élégant, tan-
dis que deux belles complices lui font les
poches , et qu'une trop sédu isante dame, la
cou rtisan e qui accompagne le jeune homme, le
dépouille d'une médaille.
Le triomphe de la forme
Satire des mœurs ou tableau à valeur morale,
le Tricheur à l'as de carrea11 reste pour nous,
surtout, une peinture admirable chargée d 'un
charme mystérieux .
C'est que le peintre traite
le suje t en évitant de tomber dans l'anecdote.
Les figures se détachent sur un fond entière
ment noir, qui met en valeur la richesse des
couleurs, les harm onies de roses, de jaunes et
de bruns, les blancs purs dispersés sur les
cartes, la manche de la servante et le collier de
perles de la courtisane, et les reflets transpa
rents du verre modulant le rouge, coule ur de
rub is du vin clairet con te n u dans la coupe.
Les dimensions de la toile, la position des per
sonnages à l' intérieur de celle-ci , sont calculées
d 'une manière soigne use.
L'œuvre forme un
rectangle dans leq uel l e tric heur et sa victime
sont placés sur les côtés tandis q u e la courti
sane et sa servante occupent l'espace central.
Les visages, loin d'être des portraits, sont des
formes géométriques, mises e n évidence par le
contras te de l'ombre et de la lumière.
La ron
deur de la tête du jeune homme trouve un
écho, plus bas , dans la cou rbe que fait sa
manche; le profil de la servante amorce un
cercle que continue son turban; le v isage légè
rement empâté de la courtisane dessine un
ovale que l'historie n Roberto Longhi a décrit
comme un •œ uf d'autruche •.
Seuls les traits
du tricheur échappent à ce traitement géo mé
trique.
Son visage placé dans la pénombre est
sillonné de rides, une fine moustache blonde
dissimule à demi sa bouche aux lèvres minces,
et le regard malin qu'il glisse en direction du
spectac teur fait de celui-ci son complic e.
Voir a u ss i : p 166-167 (Le Bacchus).
La Diseuse de bonne aventu r e, Georges de la Tour (Nel'CI York, The Merropofitan Museum of Ans).
Georges de La Tour
Né à Vic- s ur-Sei lle, p rès de Me tz, en 159 3, c'est-à- dire en un temps où la Lorraine constituait un duché indé
pe ndant de la France, Georges de La Tour, fils d e b o u langer , accompl it sa
premi ère formation sur pla ce, dan s
un milieu marqué par l'art maniérist e
de Bell a nge, e t voyagea peut-êt re en Ital ie où il put déco u vri r l'art d e
Caravage, entre 1610 et 1616 .
Mar ié, à Vic , en 16 17 , à Diane Le
N e rf, fill e de l'argenti er d e Lo rrain e et d'ascen dance n obl e, il s'installe
en 1618 à Lun éville et y mène dès lors une existence de p eintr e pro
tégé par le du c et de hobereau for
tuné et dur avec
le peuple.
En 1639 , quand la Lorraine est ravagée puis occupée par les troupe s françaises, il p asse , du ser
v i ce du duc , à celui du roi d e France.
Il séjo urne même à Par is entre 1638
e t 1 643, après s'être réfugié avec sa
famille pendan t quelques mois à
Nan cy.
Puis il s 'insta lle de nouveau à Lun éville, où Il meur t bru talem en t
e n 165 2, lor s d' une épid émie qui
e mport e aussi sa femme .
Extr êm ement ré put é de so n viva nt,
La Tour fut oublié peu de temps après sa mort .
L'ambition de son fils
É tie nne , anobli en 1670 et qui se
so ucia de fair e oubli er ses origin es
r oturiè res , et d onc le m étier de son
père , est sans doute pour beaucoup
dans
cet oub l i.
Quoi qu' il en soit, les oeuv res du peintr e ne fur ent red é
couvert es qu 'à l a f in du X IX° siècle, ce qui permet à son dernier bio graphe , l'hi storien Jacques Thuillier ,
d 'éc rire que «Georges d e La Tou r est
presque notre contemporain .».
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Tricheur à l'as de carreau, le [Georges de La Tour] - étude du tableau.
- LA TOUR Georges Dumesnil de : Le Tricheur à l'As de Carreau (analyse du tableau).
- LA TOUR Georges Dumesnil de : Le Tricheur à l'As de Carreau
- LA TOUR Georges de : LE TRICHEUR À L'AS DE CARREAU
- LA TOUR Georges Dumesnil de : Le Tricheur à l'As de Carreau