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LE PAPIER COLLÉ

Publié le 14/09/2014

Extrait du document

Aventures d'un violon

La perception de cette oeuvre exige un second examen, qui tire parti du titre Violon et Pipe. Pour ce dernier objet, la question se résout sans peine : la pipe se reconnaît nettement, posée sur le Quotidien du Midi, découpage souligné de noir.

 

Pour le violon, les procédés figuratifs sont plus nombreux. La forme de l'instrument est sug­gérée par le papier noir, silhouette d'une moi­tié de violon sur laquelle Braque a esquissé à la craie blanche l'ouïe droite afin de faciliter l'identification. Cet indice est complété par des signes graphiques : sur le fond blanc, une volute et deux clés indiquent la crosse. L'ouïe gauche apparaît au fusain sur le faux bois, symétrique de l'autre par rapport à l'axe oblique que suggère le bord droit du papier noir. Le choix d'un papier faux-bois se réfère au matériau dans lequel l'instrument est construit. Le violon est donc défini simultané­ment par sa forme, ses détails essentiels et

« Georges Braque dans son atelier de la rue Caulaincourt, en 1911.

son matériau.

Il 11 est encore indirectement par sa fonction : en effet, Braque a dessiné dans la partie gauche de l'ovale une page d'écriture musicale, reconnaissable à ses portées .

La force d'un réalisme Violon et Pipe rassemble donc sur l'ovale d'une table ou d'un guéridon vu de haut, une pipe, un journal, un violon et une partition.

Comme les autres papiers collés de Picasso et de Braque, il forme une nature morte au sens le plus traditionnel du terme, mais décrite d'une manière radicalement nouvelle.

Le «papier collé» se fonde en effet sur une logique radicale, celle qui affirme que la décomposition de l'objet en données séparées permet de le représenter plus complètement et efficacement que l'imitat i on habituelle.

Ainsi du violon : figuré d'une manière tradi­ tionnelle, respectant sa couleur, sa forme et son volume, il arrêterait peu le regard, qui se satisferait de la reconnaissance immédiate de l'objet.

La déconstruction contraint l'artiste et le spectateur à énumérer l'un après l'autre les caractères extérieurs de l'objet - il est de bois, il possède des ouïes, des cordes tendues au moyen de clés -et, surtou t, de faire «entendre» sa sonorité, la musique elle-même, qu'aucune œuvre plastique ne peu t évidem ­ ment représenter.

Dans plusieurs collages de 1913 et 1914 , Braque écr it «Bach», ou «Aria», ou, dans un registre moins noble, «Bal», afin de suggérer ainsi le son de la musique.

Picasso agit de façon identique, en inscrivant dans des papiers collés figurant une guitare ou une mandoline, des titres de chansons à la mode, et en introduisant des pages de musique imprimées dans ses œuvres .

Georges Braque Né en 1882 à Argenteu il, Braque est le fil s d'un entrepreneur en peinture qui l ' initie très tôt à son métier.

Après des études de peintre dé cora­ teur au Hav re et à Paris , il entre aux Beaux-Arts en 1903, mais y reste peu, déjà tenté par l'impressionnisme.

En 1905 , il découvre le fauvisme et s'y r a l­ lie.

Il rencont re bientôt Matisse , Derain , puis Apoll i naire , qui le conduit dans l'a t elier de Picasso à l'automne de 1907 .

Commencent alors des années d'am i­ tié et de réflexion constan te entre les deux artistes, tantôt à Montmartre , tantôt dans le Midi , à Sorgues et à Cé ret.

Les deux hommes inven tent le cubisme puis , à partir de 1912 , ils réalisent leurs premiers papiers collés.

Le urs effo r ts ne sont compris et soutenus que par un La décomposition de l'obje t a donc pour but d'imposer une activité menta le de reconstruc­ tion.

Elle oblige à un effort de lecture, et c'est dans cet effort que la technique trouve sa jus­ tification.

Elle se révèle alors technique réa­ liste par excellence, analyse minutieuse , sys­ tématique presque, d'un motif, infiniment plus attentive et plus profonde que le réalisme conventionnel, créateur d'images auxq uelles les yeux sont trop habitués pour qu'elles par­ viennent encore à arrêter et intéresser.

Sculpture par assemblage Inaug uré en 1908 par l'analyse du paysage, poursuivi par l'étude appliquée et curieuse de la figure humaine, de l'ana tomie et des objets quotidiens, le cubisme culmine ainsi dans une invention qui accomplit un double chemine- Nature mor te à la chaise cannée, Pablo Picasso , 1912 (Paris, musée Picasso).

Mélange d'huile et de toile cirée sur un sup­ port encadré de corde, /' œ11vre itttroduit pour la première fois le •collage• dans la peintu re.

petit nombre d'amis , le poète Apo llinaire et le galer iste Kahnweiler .

Gravement blessé en ma i 1915 , sur le front de Carency, Braque recomme n ce à peindre en 1917.

Il évolu e alors vers un style postcubiste simp lifié et monu ­ mental , au chromat isme sombre.

Désormais célèbre, il expose largement en Europe et aux États-Unis durant l'entre -deux-guerres, réalise des décors de balle ts et des illus trat ions .

Sa noto­ riété grandit encore après 1945.

Premier prix à la Biennale de Ven ise en 1948 , il pe int un plafond au Louvre en 1953 .

Il bénéf ic ie de rétrospect ives à Tokyo, à L ondres , à Bâ le , à New York et, naturel­ lement, à Par is .

Il meu rt en 1963 .

Au cours de funé­ railles nationales , son éloge funèbre est p rononcé par André Malraux .

ment, décomposition visuelle, recompos ition mentale.

La nature mor te n'est j amais plus présente , la matérialité et la fonction des objets plus sens ible, leurs textures et leurs formes mieux obse rvées que dans ces dia­ grammes éclatés si intrigants.

Alors qu'ils semblent, littéralement, faire voler la réalité en éclats, Braque et Picasso obtiennent l'effet inverse : un surcroît de pré­ sence, une attention plus soutenue et, pour finir, un réalisme extrême.

Au printemps de 1914, Picasso accomplit le dernier pas de cette recherche : il introduit dans ses scu lptu res et reliefs de vrais objets, une cuille r, une carte à jouer, des galons de tapissier.

La sculpture moderne prend alors un tour absolument nouveau, celui de l'assem blage d'élémen ts et fragments saisis dans la réa lité même.. »

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