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PRÉLUDES de Debussy.

Publié le 22/09/2015

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debussy

Ce sont vingt-quatre pièces brèves pour piano, réunies en deux fascicules parus respectivement en 1910 et 1913. Donnant un titre à ses Préludes, Claude Debussy (1862-1918) a voulu établir un rapport entre son œuvre et une image, une localité, le vers d’un poète, qui complètent le sens lyrique de la musique, à condition cependant de ne pas les forcer et de ne pas vouloir en tirer des précisions descriptives. Après les Estampes et les Images, les qualités de création et de style de Debussy, qui désormais est en possession de l’écriture pianistique la plus parfaite et la plus

raffinée, atteignent à une singulière perfection. Un fragment de sculpture grecque antique, existant au musée du Louvre, a inspiré le premier prélude, « Danseuses de Delphes ». C’est une page de concision lapidaire, enfermée dans une harmonieuse forme strophique. Il est légitime de penser que la parfaite eurythmie de cette pièce a été suggérée à Debussy par les rapports équilibrés des profils du marbre antique : une lente succession de mouvements qui se composent et se suivent avec une gravité triste, et le sentiment religieux et secret d’un passé très éloigné qui revit pour un instant dans notre magination. — Après les amples visions des « Sirènes » (v. Nocturnes) et de la Mer (*), nous retrouvons, dans « Voiles », une évocation de cette mer que Debussy aimait plus que tout autre aspect de la nature. Ici aussi, il y a des rapports purement visuels qui se transposent en valeur de sons ; mais c’est l’imprécision rêveuse de l’espace infini de la mer qui a le plus évidemment frappé l’imagination du compositeur ; il en est résulté une page faite entièrement de touches harmoniques, suggérant un sentiment d’immobilité, d’inertie estivale, de paix infinie. Cette impression d’immobilité provient, techniquement, d’un ample usage de la gamme par tons entiers. — L’image du vent qui semble courir, à ras de terre, sur une plaine sans fin, a inspiré le troisième Prélude, « Le vent dans la plaine ». Ce sont des arpèges et des trilles uniformes et serrés, des dessins mélodiques se mouvant dans les limites de quelques notes voisines. — Le quatrième Prélude, « Les sons et les parfums tournent dans l’air du soir », compte parmi les plus beaux. Le rythme souple et sans heurt de ce prélude a les mouvements doux et tendres d’une valse lente, bien qu’un véritable temps de danse ne se dessine jamais pleinement. L’idée vient du célèbre poème de Baudelaire, dont Debussy a tout particulièrement retenu deux vers : « Les sons et les parfums tournent dans l’air du soir ; - Valse mélancolique et langoureux vertige ! ». — Des abîmes d’émeraude et de cobalt, des vertes pentes de collines enchâssées entre mer et ciel : telles sont « Les collines d’Anacapri », hommage à cette admirable synthèse de paysage méditerranéen qu’est l’île de Capri ; page violente et enflammée, pleine de sensualité dans son thème de tarentelle et dans le lent épisode central qui évoque une chaude chanson napolitaine. — En revanche, le paysage hivernal de « La neige danse » (v. Children’s Corner) reparaît dans le sixième prélude, « Des pas sur la neige » ; avec lui revient ce sentiment d’intimité recueillie qui s’élève comme une défense de nous-mêmes. — Une forte pièce pour piano, de mâle vigueur dans les sonorités et les dessins, ainsi se présente le septième Prélude :

 

« Ce qu’a vu le vent d’ouest » : vent océanique apportant des 'fantômes de livides et apocalyptiques marées atlantiques. Transportée sur le clavier en une succession de dramatiques contrastes, on peut la considérer presque comme une glose du « Dialogue du vent et de la mer » (v. la Mer). — Et à présent, sur la bruyère en fleurs, est assise la blonde jeune fille d’une chanson écossaise de Leconte de Lisle, d’où Debussy tira le titre de son huitième Prélude, « La fille aux cheveux de lin ». Une mélodie d’une suave tendresse y domine, enveloppée d’un reflet de • féminité pure et candide :

Molto calmo (J=66)

Dans la « Sérénade interrompue », c’est encore l’Espagne nocturne de «Soirée dans Grenade» (v. Estampes) et d’«Iberia» (v. Images). Sur un pizzicato de guitare se trace une mélodie frêle et timide, au rythme délicat et hésitant, tel un appel discret, à mi-voix, vers une fenêtre qui ne se décide pas à s’ouvrir. — La « Cathédrale engloutie » est, de nouveau, une grande page de musique, comparable à certaines des plus belles Images pour piano, par l’ampleur chantante de sa substance musicale :

Une vieille légende bretonne dit que la cité fabuleuse d’Ys fut recouverte par les vagues de l’océan, et avec elle sa cathédrale. Aux jours de tempête, les flèches les plus hautes de l’église émergent des creux les plus profonds des ondes ; les jours calmes, au matin, des gouffres de la mer s’élèvent le son de ses cloches et, du cœur de ses nefs, les échos des chants sacrés. 

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