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Suzanne VALADON: LA BOÎTE A VIOLON

Publié le 17/01/2022

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Suzanne Valadon posa pour de nombreux peintres, dont Renoir. Mais elle ne se contenta pas de mener une vie agitée sur la butte Montmartre. Elle brossa elle-même de nombreuses toiles, qui firent l'admiration de Degas, Toulouse-Lautrec et bien d'autres... Après avoir été acrobate et avoir servi de modèle à Renoir, Puvis de Chavannes et Toulouse-Lautrec, Valadon se lance avec bonheur dans la peinture. L'artiste expose régulièrement au Salon des Indépendants et au Salon d'Automne. Mais son oeuvre reste longtemps méconnue. Elle donnera le goût de la peinture à son fils, Maurice Utrillo, qui deviendra plus célèbre qu'elle.

« Suzanne, à sa “ terrible Maria ”, comme il l'appelait : “ De temps à autre, dans ma salle à manger, je regarde votredessin au crayon rouge...

et je me dis toujours : “ cette diablesse de Maria avait le génie du dessin.

” Pourquoi neme montrez-vous plus rien ?...

” Et encore : “ Venez me voir avec des dessins.

J'aime à voir ces gros traits sisouples...

” Et, plus loin : “ Quand me montrerez-vous quelques bons dessins durs et souples comme vous les faitessi bien ? ” De tels encouragements, lui venant d'un esprit tellement rigoureux et d'une ironie si volontiers cruelle, donnèrent àSuzanne Valadon le courage d'affronter le public.

Le sculpteur Bartholomé l'y incitait aussi.

Pour commencer, elles'adonna surtout au dessin, puis elle aborda la peinture et la gravure.

Elle exposa pour la première fois à la Nationaledes Beaux-Arts, en 1894.

Son envoi consistait en dessins, en portraits à la sanguine et à la pierre dure.

Puis,pendant plusieurs années, elle ne figura sur le catalogue d'aucun Salon.

Elie vendait ses oeuvres par les soinsd'Ambroise Vollard et de Lebarc de Bouteville.

A partir de 1909, elle se remit à exposer régulièrement au Salond'Automne et, depuis 1912, aux Indépendants. La vie de Suzanne Valadon se déroula, parfois opulente, souvent chamarrée d'adversités, mais constammentdominée par sa passion majeure : dessiner, représenter des êtres, des femmes, habillées, nues, des enfants, deschiens, des chats, sa vieille mère, son fils, Maurice Utrillo (comme elle, fécond en génie et en malheurs), des fleurs,des fruits.

Suzanne les cerne d'un infaillible trait, qui fait penser au mot de Géricault rêvant d'enfermer toute forme,comme dans les bras d'un mâle amour, dans un impérieux tracé : “ Le trait, je le voudrais en fil de fer ! ” Le volume,en deçà du trait, de cette prison aux murs flexibles, Suzanne Valadon l'emplit de ses couleurs portées au maximumde leur intensité, toujours ardemment caressantes, marquant des plans de lumière ou bien, en touchers longs etronds, faisant se bomber une cuisse, un sein se gonfler, fuser l'épanouissement explosif d'une corolle.

L'âge n'estjamais parvenu, chez Suzanne Valadon, à calmer son incoercible soif de vivre et de créer les brûlants simulacres dela vie.

Je l'ai vue ce soir mourante et demain se jeter sur ses pinceaux comme d'autres sur leur fiole de morphine.Certaines de ses toiles sont apparues comme violentes.

Elles chantaient, si l'on peut dire, sur un mode aux sonoritéspresque trop éclatantes.

Mais Suzanne s'en référait à ceux des grands artistes qui, dans les périodes puissantes,ont osé faire rutiler leur palette.

Elle savait aussi que le temps descend les tons ; donc que les harmoniser avec tropde prudence au départ a pour effet de les anémier à mesure que l'oeuvre prend de l'âge.

“ Ses compositions, a ditGustave Coquiot, un de ses admirateurs les plus fervents et les plus perspicaces, se comptent par centaines et ellessont héroïques.

Il y a une force illimitée et d'une qualité nerveuse extravagante dans cette femme à l'aspect menuet frêle.

” “ Elle préfère, dit-il encore, une sorte de rudesse à la jolie expression qu'elle ne veut pas subir.

” Il luiétait aussi impossible qu'à un Jean Fouquet de “ flatter ” son modèle.

A ses yeux, le seul fait que la fleur ou levisage qu'elle représentait participait de la vie, excluait toute notion de beauté ou de laideur.

La beauté, pour ellecomme pour les Primitifs, était dans la vie et c'est cette vie, donc cette beauté, dont elle donnait, dans son dessinet sur sa toile, un équivalent passionné.

Suzanne Valadon, pour peu que l'État eût su employer un talent siabondant et si expansif, aurait accompli de merveilleuses décorations murales.

Sa grande composition : “ lesLanceurs de filets ”, que je fis entrer dans les collections nationales peu de temps avant sa mort, l'attestenthautement. L'état de santé de son fils, Maurice Utrillo, dont les toiles sécrètent une poésie spleenétique et souvent déchirante,compliqua l'existence de Suzanne Valadon.

On a fait trop de littérature à propos du déplorable penchant d'Utrillopour la boisson ; penchant qui le conduisit maintes fois au seuil de la démence.

Or, jusqu'à son dernier jour, SuzanneValadon eut à veiller sur cet enfant génial et parfois terrible. La gloire lui était venue, la gloire en même temps que l'argent.

Mais elle n'avait pas le temps de penser à la gloire etsemait à tout vent son argent.

Elle oubliait de payer son gaz, son électricité, son eau, qu'on lui coupait ; car elle nesavait plus à la fin du jour, ce qu'était devenue la liasse qu'on lui avait apportée le matin. Extraordinairement émotive, les ans n'avaient point apaisé cette âme constamment vibrante.

Au moindre chocd'enthousiasme ou de colère, son regard, demeuré étonnamment jeune dans un masque tourmenté, brasillait delarmes généreuses. Elle avait épousé, peu de temps avant la guerre de 1914, le peintre André Utter, ami de son fils Maurice. Les temps vont opérer sur les oeuvres de nos contemporains un sérieux travail de décantation.

Celles de SuzanneValadon paraîtront alors plus allègres et plus robustes que jamais. Sauf pendant une période relativement courte de sa vie, Suzanne Valadon ne s'était guère éloignée de ses logismontmartrois : celui, si pittoresquement vétuste de la rue Cortot ; celui, plus “ moderne ”, de la récente avenueJunot. Suzanne Valadon, cette grande artiste, qui aurait pu s'intituler, variant à peine le mot du vieil Hokousaï : “ la femmefolle de dessin ”, s'éteignit le 7 avril 1938 dans une clinique à Paris. Marie-Clémentine, dite Suzanne, VALADON 1865-1938.

La Boîte à violon.

Huile sur toile 81 cm x 100 cm .

Signé et daté en haut, à droite, « Suzanne Valadon 1923».

Peint en 1923. »

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