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AL-JAHIZ ABU UTHMAN AMR IBN BAHR

Publié le 27/06/2012

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Ce manque d'ordre, ce mélange dosé de sérieux et de plaisant irritent fortement les lecteurs, occidentaux qui souhaiteraient presque un remaniement de l'oeuvre de Jâhiz, tout en reconnaissant pourtant la valeur d'un style alerte et riche, caractérisé par la recherche du mot propre- au besoin étranger-, de l'expression pittoresque, de l'harmonie et de l'équilibre de la phrase. Mais il faut avoir accès aux textes originaux pour goûter pleinement l'agrément de ce style que les meilleures traductions ne sauraient respecter...

« qui ont survécu, cet écrivain apparaît non seulement comme le reflet de son temps, mais encore comme l'homme à travers lequel on peut raconter deux siècles et demi d'histoire islamique.

On doit en outre le considérer comme le premier grand prosateur arabe car c'est lui qui, certainement, donna sa forme la plus parfaite à la prose artistique déjà mise en honneur par des Persans arabisés.

Il mériterait aussi une place fort honora,ble dans l'histoire de la pensée arabe, mais ses travaux historiques, géographiques, linguistiques ou religieux, d'ailleurs en grande partie perdus, ne pré­ sentent qu'un intérêt local et sembleraient dépourvus de toute valeur universelle, même aux yeux des lecteurs les mieux disposés envers la littérature arabe.

Pour saisir exactement l'originalité de Jâhiz, il ne convient pas non plus de s'adresser aux critiques du cru car si, pour quelques-uns, son surnom- qu'il doit à ses yeux exorbités- est devenu synonyme d'écrivain de génie, cet appellatif évoque, pour le plus grand nombre, un personnage bouffon qui apparaît dans une foule d'anecdotes simplement valorisées par l'addition d'un nom célèbre.

Ce passage dans la légende, Jâhiz le doit sans nul doute à sa laideur et à sa renommée, mais ille doit aussi à une particularité de son écriture qui diminue sensiblement le sérieux de son œuvre : contrairement à l'habitude des auteurs arabes qui sc soucient fort peu de l'agrément du lecteur, Jâhiz ne se fait pas faute d'insérer dans les développements les plus ardus, des remarques spirituelles, des anecdotes, des réflexions piquantes; cette conception, jointe à un sens naturel de l'humour, lui permet d'aborder avec aisance les problèmes les plus sérieux pour en faciliter la vulgarisation; elle fait du Bayân une anthologie lisible, du Livre des animaux (en 7 vol.), non point seulement un bestiaire, mais un véritable fourre-tout où les animaux ne sont souvent qu'un prétexte, de l'épître du Rond et du Carré, un chef-d'œuvre d'ironie en même temps qu'une liste déconcertante de questions auxquelles on voudrait bien pouvoir répondre.

Ce manque d'ordre, ce mélange dosé de sérieux et de plaisant irritent fortement les lecteurs , occidentaux qui souhaiteraient presque un remaniement de l'œuvre de Jâhiz, tout en reconnais­ sant pourtant la valeur d'un style alerte et riche, caractérisé par la recherche du mot propre- au besoin étranger-, de l'expression pittoresque, de l'harmonie et de l'équilibre de la phrase.

Mais il faut avoir accès aux textes originaux pour goûter pleinement l'agrément de ce style que les meilleures traductions ne sauraient respecter.

Il est cependant un domaine où l'accord doit se faire et s'il fallait plaider pour Jâhiz, nous nous bornerions à mettre en avant l'acuité de son observation, son scepticisme enjoué et son sens du comique qui font de lui un admirable peintre des caractères et de la société.

A cet égard, ses Avares, où il met en scène des personnages réels - ses amis parfois -, sont à la fois une pitto­ resque galerie de portraits et une étude de l'avarice dont on chercherait en vain l'équivalent dans la littérature arabe; son traité sur l'Amour et les femmes comme son épître sur les Esclaves-chanteuses où il peint en quelques touches habiles toute une catégorie sociale, seraient dignes d'appar­ tenir à la littérature universelle.

C'est donc par son humour, par son sourire malicieux ou son rire franc que Jâhiz semble se rapprocher le plus de nous; mais il serait encore téméraire de vouloir porter sur lui un jugement plus nuancé car la critique doit attendre les résultats de l'érudition.

D'ores et déjà pourtant, on est en droit d'attirer l'attention du monde cultivé sur un écrivain qui domine une large fraction de la littérature arabe au moyen âge et mérite mieux, de notre part, qu'un simple sentiment de curiosité attendrie ou amusée.

CH.

PELLAT 26g. »

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