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BOCCACE

Publié le 02/09/2013

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boccace

 

1313 -1375

LEs écrivains ne se donneront jamais trop de mal pour être sérieux, leur vie durant. Ils en seront récompensés par une excellente réputation après leur mort. Mais cette discipline ne souffre pas la moindre abstention. Ainsi de Boccace, travailleur infatigable, visage sévère et rides sans nombre, qui conserve pour l'honnête homme de tous les pays un petit parfum de libertinage ou de légèreté, qui le fait placer entre Rabelais et l'Arétin.

Pourtant, quand Boccace naquit à Paris en 1313, son Florentin de père, établi marchand depuis quelques années, le destina au commerce, qui passait alors pour une occupation raison¬nable. Ses études à Florence et à Paris, son séjour à Naples pour y apprendre le négoce, allaient contribuer à jeter le jeune Boccace dans un grand appétit des mots et des êtres, ce qui est encore une définition de l'humanisme en ce temps-là. A Naples, il va tomber amoureux de la princesse Marie, fille naturelle du roi Robert et il deviendra l'ami de Pétrarque. Cet amour et cette amitié feront sa vie.

Peu intéressé par le commerce, il le favorise malgré tout en dépensant la fortune de son père. Mais au lieu d'entretenir des actrices, comme ferait un jeune homme moderne, il achète en Grèce des manuscrits, subventionne des savants et se ruine, comme on devait le souhaiter pour la morale de l'affaire. Pétrarque lui vient en aide, et on lui invente une chaire publique à Florence, pour l'interprétation de Dante. Cette sinécure le passionne. Il s'y tue de travail et comme Pétrarque venait de mourir, en 1374, un an plus tard, il le rejoint.

Nous avons vu les deux aspects essentiels de cette existence. Ils inspireront la majeure partie de son oeuvre, celle qu'on ne lit plus beaucoup. L'érudition entraînera des ouvrages sérieux, écrits en latin, en lesquels il mettait toute sa confiance. De genealogia Deorum est une immense compila¬tion mythologique. Elle manque de flamme, et on voit trop bien que les dieux païens sont morts depuis treize cents ans. En revanche, De claris Mulieribus contient parfois des remarques assez saisissantes, comme le veut le sujet.

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« Il resterait de tout cela un mélange de grands travaux et de longue galanterie, qui seraient payés par l'oubli de l'honnête homme et l'estime du technicien (ses commentaires de Dante sont irremplaçables), si Boccace n'avait écrit, comme on le sait, le Décaméron, publié en 1352.

Le sujet, ce sont de jeunes seigneurs et des dames de Florence que la peste de 1348 entraîne à se réfugier dans un château.

Pour meubler leur solitude relative, ils racontent des histoires : dix par jour pen­ dant dix jours.

Elles sont extrêmement variées.

Par une infortune regrettable, le lecteur se rappelle beaucoup mieux des septième et huitième journées qui sont consacrées aux femmes, que de la dixième où le désintéressement et la vertu de Pierre d'Aragon sont magnifiés.

En somme, les femmes auront coûté à Boccace sa réputation, car, en exposant leurs tromperies (il l'a fait également dans un pamphlet en vers intitulé Il Corbaccio), il se lance parfois dans des descriptions scabreuses.

Ses récits sont de tous les temps, de tous les pays, moraux ou immoraux selon l'occasion.

L'époque y joue malgré tout un assez grand rôle, car ils sont imprégnés d'une galanterie qui correspond bien au x1ve siècle italien.

Boccace s'inspire probablement de ce qu'il a vu à Naples et à Florence.

En même temps, il lui donne une forme, car il est assuré qu'il a modelé la prose italienne.

Son tableau de la peste florentine, qui ouvre le Décaméron, figure dans les morceaux choisis des petits écoliers italiens.

C'est un langage libre, au sens où notre moyen âge employait ce mot, l'appliquant indifféremment à un visage ou à un parler.

Sans le Décaméron, Boccace serait aujourd'hui négligé par les lecteurs moyens.

Néanmoins, ces ouvrages galants ou sérieux qui accompagnent son chef-d'œuvre viennent passablement enrichir sa figure.

Les amours de Fior et de Blanchefteur, dans Il Filicopo, ne nous émeuvent pas; mais les amoureux des Trois Anneaux sont vivants.

Simplement, dans une forme actuelle au x1ve siècle, Boccace n'est pas naturel.

Il le devient dès qu'il invente une langue éternelle : l'italien, qui est devenu l'italien de tous les jours.

Il a été humaniste comme on ne le sera plus jamais.

Ou plutôt le mot a changé de sens, puisqu'on invoque, à son propos, la bonne volonté -tandis qu'il représentait jadis un amour infatigable des Anciens, un regard total sur la connaissance humaine.

Cette révolte que repré­ sente la Renaissance n'est pas le fait d'un individu qui s'affranchit, laisse tout aller.

C'est, au contraire, un patient travail sur soi-même où l'individualisme apparaît seulement comme un but.

Il y a peu de doctrines plus aristocratiques.

Aussi n'est-il pas étonnant qu'elle soit née en Italie et qu'elle ait été ramenée en France par les compagnons des rois chevaucheurs: Charles VIII, François Ier ...

Dans ce cortège seigneurial de l'esprit, qui va de Pétrarque à Montaigne, Boccace est à la place d'honneur.

Sans le prévoir, il a écrit un autre Livre des Mille et Une Nuits.

L'éloignement des siècles fait de ce passé, à nos yeux, un autre Orient - et de ce travailleur redoutable un autre esclave des Génies.. »

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