Devoir de Philosophie

Félix Lope de Vega

Publié le 19/04/2012

Extrait du document

 

Fils d'artisans madrilènes, Lope de Vega fut instruit par les jésuites, puis à l'université d'Alcala de Henares, dans le but de devenir prêtre. Mais à seize ans, le jeune prodige avait quitté l'université pour écrire des drames, complétant par des lectures sa formation humaniste. Pour gagner sa vie, insuffisamment pourvu par ses comedias, il exerça la fonction de secrétaire pour des familles de la noblesse. Une liaison malheureuse avec la fille d'un célèbre chef de troupe se termina par sa condamnation pour calomnie et son bannissement de Madrid. Cette expérience amère ne découragea pas pour autant son penchant pour les amours scandaleuses. Contraint d'épouser en 1588 Isabel de Urbina, jeune fille qu'il avait séduite, il s'embarqua pour l'Angleterre à bord du vaisseau amiral de l'Invincible Armada. Ce n'est qu'à son retour que débuta sa véritable carrière littéraire. De 1605 à sa mort, ce “ phénix des beaux esprits ”, dont l'Espagne applaudissait les comédies, fut le secrétaire particulier du duc de Sessa et organisa les concours de poésie de Tolède. Mais en 1614, alors qu'il était au sommet de son art, Lope entra dans les ordres, après toute une série de drames personnels, dont la mort de son fils, de sa seconde femme et de sa maîtresse. Renonçant à l'écriture théâtrale, il mit sa plume au service du lyrisme religieux. Grâce aux manœuvres du duc de Sessa, Lope retourna à la vie madrilène, mais il passa ses dernières années dans la solitude et l'angoisse spirituelle.      

 

« On ne saurait s'attendre à ce que ces pièces fussent écrites dans un langage d'une perfection soutenue.

La comedia, qui est le nom consacré du genre national dont Lope est vraiment le créa­ teur, est écrite dans cette versification octosyllabique chère à l'Espagne et qui se montre tour à tour pompeuse et vulgaire, et en général assez lâche, souple et coulante.

Elle se resserrera avec Calderon pour produire ce lyrisme conceptiste dont la magnificence un peu mécanique éblouira Shelley et les Romantiques allemands.

Chez Lope de Vega, ce n'est pas quand elle se resserre et s'intellectualise que cette versification atteint au succès.

Sans doute connaît-elle certaines ressources et certains effets.

Car Lope a parcouru toutes les gammes de l'art et toutes celles du sentiment.

Et il a certains éclats de galanterie chevaleresque qui sont admirables.

Lorsqu'il délaisse l'octo­ syllabique pour le vers héroïque il produit, par exemple, des sonnets qui s'égalent aux plus somp­ tueux de la Renaissance.

Mais là où son génie est le plus personnel, c'est lorsqu'il retrouve le ton populaire.

Génie essentiellement démocratique, Lope a semé dans ses œuvres d'innombrables chansons, séguedilles, airs à danser, rondes paysannes, d'une simplicité et d'un tour ravissants, la fraîcheur même.

Quelques-unes de ses comedias les plus charmantes sont ces tableaux de mœurs où les conversations galantes, les promenades, les observations pittoresques et piquantes se mani­ festent avec tant de vie et par lesquels Lope apparaît comme un précurseur du jovial Goya des Tapisseries.

Voilà où est le Lope inimitable, de même que dans tous les drames où le peuple inter­ vient, avec sa fierté, avec le sentiment de sa noblesse et de son honneur qui valent bien ceux des gentilshommes : Peribane;;, et le commandeur d'Ocana ou l'impétueux Fuenteovejuna, véritable drame « unanimiste » avant la lettre, puisque c'est un village, l'âme collective d'un village qui, contre la despotique féodalité, y joue le premier rôle.

Un tour populaire, une vivacité qui peut aller jusqu'au sentiment épique, son enjouement, sa passion font la grandeur de Lope de Vega : ils font aussi sa limite.

Dans le Moulin, il y a des scènes qui sont sur le point de rejoindre Shakespeare et, d'une façon précise, des situations qui rappellent As you like it : mais nous n'y trouvons ni Jacques le Mélancolique, ni cette philosophie profonde qui, chez Shakespeare, résonne comme une musique inépuisable.

Le Châtiment sans ven­ geance commence avec autant d'entrain pathétique qu'un drame élizabéthain et s'achève en un rituel conformiste, ce rituel religieux et social de l'honneur qu'observe séculairement la tribu espagnole.

Le titre même indique que, dans l'holocauste de l'épouse coupable, il s'agit bien d'un rite et non de l'assouvissement d'une passion; et cependant jusqu'au dernier acte, qui est celui où s'accomplit le rite, il règne dans cette pièce une liberté et une chaleur extraordinaires et, comme partout chez Lope, du mouvement : un mouvement qui va jusqu'à l'allégresse irréfléchie, l'in­ souciance, le désordre et qui est une valeur de vie plutôt qu'une valeur d'art.

En conséquence, lorsque cette verve est épuisée, Lope aime mieux tomber dans le mécanique et dans le conven­ tionnel que de se hausser, à force d'art, à la grande vérité tragique.

Le Chien du Jardinier, qui aurait pu être une comédie morale et psychologique d'une si profonde humanité, nous choque par sa grossièreté facile.

Mais c'est que Lope va au plus facile et, en fin de compte, il faut convenir que cette facilité emporte toutes les résistances.

En fin de compte il faut se dire qu'on est au théâtre et s'abandonner à l'autoritaire et endiablée séduction d'un prodigieux homme de théâtre.

En fin de compte il faut rendre les armes à ce génie tumultueux, l'un des plus éloignés qui aient jamais été de toute notion de perfection, mais l'un de ceux qui ont possédé le plus pleinement cette qualité singulière : la grâce.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles