GOGOL
Publié le 08/04/2013
Extrait du document
Malgré la censure du tsar, les écrits de Gogol conservaient une puissance redoutable. Nicolas 1er, qui ne mesura pas au début leur caractère explosif, se rattrapa à la mort de l'écrivain en suspendant la publication de ses oeuvres complètes et en interdisant tout écrit nécrologique. Tourgueniev fut exilé pour l'avoir encensé. La veille de sa mort, Gogol, affaibli, délire. Les derniers mots qu'il prononce sont : « L'échelle ... vite ! L'échelle ! «
«
Le voyageur hypocondriaque
L
e désir d'échapper aux déchire
ments civiques
de son pays le
pousse à s'expatrier.
Il voyage beau Nicolas Gogol à Rome, dessin de Joukovsky
coup.
En Suisse tout
d'abord, puis à Paris,
ville qui l'exaspère par
son
engagement poli
tique.
Il apprécie
ce
pendànt le Louvre, le
Jardin des Plantes, ainsi
que les théâtres,
qu'il
fréquente assidûment.
Malgré cela, il ne rêve
que de l'Italie et de
Rome, dont il loue
l'âme religieuse.
Au
cours de ses voyages, il
apprend la mort de
Pouchkine, son maître
et grand ami.
Il ne s'en remettra pas :
« Tout le charme de ma vie est parti
avec lui
», dira-t-il.
A partir de ce
moment, il peine à écrire.
Hypo
condriaque, il ne cesse de se plaindre
d'une maladie hémorroïdaire.
Arrivé
à Vienne, il se
remet au travail et
compose Le Manteau.
Ce récit poi
gnant
d'un petit fonctionnaire qui
meurt suite au vol de son manteau
sera un
succès:« Nous sommes tous
sortis du
Manteau de Gogol », dé
clarera Dostoïevski.
A trente-deux ans,
c'est un vieillard
qui voyage de cure thermale en cure
thermale pour soigner ses maladies
imaginaires :
Baden, Marienbad,
Francfort, Hambourg, Dresde ...
Aucune eau ne l'apaise.
Il maigrit de
jour en jour et ne se sent soulagé que
quand il est sur la route.
En outre, il
commence à être envahi par un mys
ticisme
maladif qui ne le quittera
qu'à la mort, qui sabote son génie
NOTES DE L'ÉDITEUR
«Il n'est pas de Russe dont le cœur ne
saigne pas en cet instant.
Pour nous, Gogol
était plus qu'un écrivain : il nous a révélés
à nous-mêmes.
Sous bien des rapports,
il continuait à nos yeux Pierre le Grand.
»
Tourgueniev, discours pour la mort
de Gogol.
« Le plus gai des grands classiques russes
est un martyr de la foi.
A trente-trois ans,
ayant publié, à très peu de chose près, tout
ce qui fonde pour le présent et pour l'avenir
Page de titre
du manuscrit
des Ames mortes 1
sa gloire littéraire, Gogol est le Molière des
lettres russes.
Cinq ans plus tard, il en
devient, dira Tolstoï, le Pascal, mais un
Pascal qui n'éveillera d'échos amis
qu'après sa mort, et dont la conversion
ne lui vaut guère, de son vivant,
qu'incompréhension et sarcasmes.
D'un
bout à l'autre de sa carrière il s'est senti,
jusque dans le succès, incompris ou mal
compris.
Et la route qui
l'a mené de
l'humour à la méditation religieuse, de la
satire à l'apostolat moralisateur, s'achèvera
dans une longue crise de doute qui
condamne son œuvre maîtresse au naufrage,
l, 3 Laffont-Bompiani 2 Novosti 4 cl.
Dictionnaire des Auteurs/ Laffont-Bompiani 5 cl.
Flammarion
créatif et le pousse à écrire des ou
vrages liturgiques insipides.
Du poète au mystique
Q
ui lit le Gogol des Nouvelles
de Saint-Pétersbourg
ou des
Nouvelles ukrainiennes ne peut ima
giner le fervent mystique qui se
cache derrière ce névropathe génial.
Ce Gogol inconnu nous est révélé par
sa correspondance, qui comprend
quatre volumes publiés sous le titre :
Morceaux choisis d'une correspon
dance avec des amis.
Ces écrits se
composent de réflexions sur la
Russie, sur la poésie lyrique, mais ils
comprennent aussi quelques lettres
dans lesquelles
!'écrivain s'excuse
des scandales qu'il a provoqués, du
tort
qu'il a causé à ses compatriotes
en les caricaturant, les invitant à le
suivre sur le
chemin du
Seigneur.
Par moments, son
mysticisme est proche de la
folie, il se considère comme
inspiré directement par Dieu.
Au début de l'année 1848, il
entreprend le pèlerinage à
Jérusalem, dont
il rêve de
puis longtemps.
Parti de
Naples, il se
rend à Malte,
Beyrouth, puis arrive dans la
Ville sainte.
Subjugué, il y
fait ses dévotions
et com
munie sur le tombeau du
Sauveur.
Certains jours, il
jeûne tel un moine ou se
prive de sommeil à la gloire
de Dieu.
En janvier 1852,
son état s'aggrave.
Le 18 fé
vrier, souffrant
d'une gastro
entérite due aux
jeûnes, il
reçoit l'extrême-onction.
Il
meurt le
21 février.
et lui-même à une mort poignante où il y a
plus qu'un renoncement, un demi-suicide.
( ...
)
Il n'est pas de schéma statique qui explique
Gogol.
Son esprit a été en constant travail,
son âme en perpétuelle marche, et c'est
seulement dans son devenir, à la lumière
de
sa biographie, et en particulier de
l'abondante correspondance privée qui nous
a été conservée qu'on peut espérer
comprendre l'unité et les disparités de son
œuvre.
» Gustave Aucouturier, préface
des
Œuvres complètes de Nicolas Gogol,
Gallimard, 1985.
GOOOLOI.
»
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