GUILLEVIC
Publié le 06/09/2012
Extrait du document
Un nom de roc ; qui sonne dur, agressif, concentré : le symbole même de cette poésie elliptique et nette, aux formulations décisives, sans musique et sans réplique, dont la meilleure illustration peut-être est à chercher dans une suite intitulée précisément Les Rocs : ...
«
POÈTES FRANÇAIS D'AUJOURD'HUI
Mais le pire est toujours
D'être en dehors de soi
Quand la folie
N'est pas lucide.
D'être le souvenir d'un
l'Oc et l'étendue V ers le dehors et vers la vague.
331
Breton, jailli du sol à Carnac, cette forêt de menllirs, Guillevic a mis partout des pierres ; les pierres l'obsèdent ; il pourrait dire, comme l'occultiste : «Rien de ce qui est
minéral ne m'est étranger »1 mais aussi, comme Lautréa· mont : « C'est un homme, ou une pierre, ou un arbre qui va commencer le quatrième chant» ; car tous les éléments l'inspirent, l'appellent, sollicitent son intimité, et il se fait de tous l'interprète, se coule en chacun d'eux, devient cha· cun d'eux tour à tour, avec une prédilection marquée pour la pierre, parce qu'elle est rigoureusement incapable de se mouvoir, de faire entendre quelque bruit, alors que l'arbre ne cesse d'être parcouru par la sève qui l'assimile à l'homme irrigué de sang, que l'eau ruisselle, s'égoutte et chante.
Comme Ponge, Guillevic fait dépendre de l'homme l'existence des choses.
Mais il les suscite par des
moyens fort différents : magiques plutôt que logiques ; son
énonciation a l'accent d'un rituel et, dans son effort d'iden· tification à l'objet, l'amour tient autant de place que la volonté, ces deux voies de la mystique.
Cependant, comme pour Ponge, la cérémonie du langage s'achève pour Guil levic par un lamento : la pierre reste pierre et l'homme un douloureux transfuge.
Il a beau se vouloir «terraqué», il ne connaîtra jamais le goût de la terre et, s'il se couche en elle, ce ne sera que pour mourir, non pour y dormir le sommeil d'amour :
Mais nous ne pourrons pas, comme j'aurais voulu
Etre un jour avalés par la carrière ouverte Et descendre dormir à jamais dans la terre
Auprès des eaux profondes, sans lumière,
Chair contre chair, chaude contre le froid.
1.
Jean Paulhan : Lettre à Malcolm de Chazal..
»
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