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LOPE DE VEGA

Publié le 02/09/2013

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1562 -1635

FEUX LOPE DE VEGA CARPIO est né à Madrid en 1562 et commence, dans ses études, à mani¬fester cette gloutonnerie et cette vélocité qui devaient marquer toutes ses activités. Destiné aux ordres, il se fait d'abord soldat, puis poète et amoureux. Comme pour tant de héros de la Renais¬sance, on peut diviser son existence en périodes à chacune desquelles préside un nom de femme. Et la période la plus ardente sera la première, celle qu'il a décrite dans son autobiographie de la Dorotea et pendant laquelle il aima Elena Osorio, fille et femme de comédiens. Ces amours, contées dans cette oeuvre composite, mélangée de naturalisme caravagesque et de pédantisme concep-tiste, finissent dans un imbroglio de pamphlets infamants, de lettre volée, de chantage, de procès. Lope est jeté en prison et condamné à l'exil; il enlève une jeune fille, Isabel de Urbina, l'épouse sous la menace d'un nouveau procès, la plante là, s'engage dans l'Invencible Armada et, dans la bataille, emploie ses manuscrits en guise de bourre pour son mousquet. A Valence il retrouve Isabel et en a deux filles qui mourront toutes jeunes. L'exil achevé, il se rapproche de Madrid et devient familier du duc d'Albe. Isabel meurt, le règne de Micaela commence, une belle comé¬dienne de qui il aura sept enfants, dont Marcela qui se fera religieuse. En 1598 il fait un riche mariage, puis il s'installe définitivement à Madrid. Sa dernière maîtresse, célébrée sous le nom d'Amarillis, deviendra folle, recouvrera la raison et mourra aveugle trois ans avant lui. Cette exis¬tence n'eût pas été complète si elle n'avait pas été mêlée à celle de gentilshommes illustres et ornée de charges et d'emplois, si enfin tant de désordres n'avaient eu le contrepoids de crises de dévotion et si Frey Lope de Vega, familier du Saint-Office et membre de nombreuses congrégations, n'avait écrit des poèmes ascétiques et mis à flageller sa chair autant de véhémence qu'à l'assouvir. Ses funérailles, en 1635, furent une apothéose, où culmine un moment singulièrement pathétique, lorsque le cortège funèbre fit halte sous les grilles du couvent des Trinitaires déchaussées où vivait recluse Sor Marcela, la fille chérie du glorieux poète.

« -----------------------------------------------'~"'1~~·12' __ _ On ne saurait s'attendre à ce que ces pièces fussent écrites dans un langage d'une perfection soutenue.

La comedia, qui est le nom consacré du genre national dont Lope est vraiment le créa­ teur, est écrite dans cette versification octosyllabique chère à l'Espagne et qui se montre tour à tour pompeuse et vulgaire, et en général assez lâche, souple et coulante.

Elle se resserrera avec Calderon pour produire ce lyrisme conceptiste dont la magnificence un peu mécanique éblouira Shelley et les Romantiques allemands.

Chez Lope de Vega, ce n'est pas quand elle se resserre et s'intellectualise que cette versification atteint au succès.

Sans doute connaît-elle certaines ressources et certains effets.

Car Lope a parcouru toutes les gammes de l'art et toutes celles du sentiment.

Et il a certains éclats de galanterie chevaleresque qui sont admirables.

Lorsqu'il délaisse l'octo­ syllabique pour le vers héroïque il produit, par exemple, des sonnets qui s'égalent aux plus somp­ tueux de la Renaissance.

Mais là où son génie est le plus personnel, c'est lorsqu'il retrouve le ton populaire.

Génie essentiellement démocratique, Lope a semé dans ses œuvres d'innombrables chansons, séguedilles, airs à danser, rondes paysannes, d'une simplicité et d'un tour ravissants, la fraîcheur même.

Quelques-unes de ses comedias les plus charmantes sont ces tableaux de mœurs où les conversations galantes, les promenades, les observations pittoresques et piquantes se mani­ festent avec tant de vie et par lesquels Lope apparaît comme un précurseur du jovial Goya des Tapisseries.

Voilà où est le Lope inimitable, de même que dans tous les drames où le peuple inter­ vient, avec sa fierté, avec le sentiment de sa noblesse et de son honneur qui valent bien ceux des gentilshommes : Peribanez et le commandeur d' Ocana ou l'impétueux Fuenteovejuna, véritable drame « unanimiste » avant la lettre, puisque c'est un village, l'âme collective d'un village qui, contre la despotique féodalité, y joue le premier rôle.

Un tour populaire, une vivacité qui peut aller jusqu'au sentiment épique, son enjouement, sa passion font la grandeur de Lope de Vega : ils font aussi sa limite.

Dans le Moulin, il y a des scènes qui sont sur le point de rejoindre Shakespeare et, d'une façon précise, des situations qui rappellent As you like it : mais nous n'y trouvons ni Jacques le Mélancolique, ni cette philosophie profonde qui, chez Shakespeare, résonne comme une musique inépuisable.

Le Châtiment sans ven­ geance commence avec autant d'entrain pathétique qu'un drame élizabéthain et s'achève en un rituel conformiste, ce rituel religieux et social de l'honneur qu'observe séculairement la tribu espagnole.

Le titre même indique que, dans l'holocauste de l'épouse coupable, il s'agit bien d'un rite et non de l'assouvissement d'une passion; et cependant jusqu'au dernier acte, qui est celui où s'accomplit le rite, il règne dans cette pièce une liberté et une chaleur extraordinaires et, comme partout chez Lope, du mouvement : un mouvement qui va jusqu'à l'allégresse irréfléchie, l'in­ souciance, le désordre et qui est une valeur de vie plutôt qu'une valeur d'art.

En conséquence, lorsque cette verve est épuisée, Lope aime mieux tomber dans le mécanique et dans le conven­ tionnel que de se hausser, à force d'art, à la grande vérité tragique.

Le Chien du Jardinier, qui aurait pu être une comédie morale et psychologique d'une si profonde humanité, nous choque par sa grossièreté facile.

Mais c'est que Lope va au plus facile et, en fin de compte, il faut convenir que cette facilité emporte toutes les résistances.

En fin de compte il faut se dire qu'on est au théâtre et s'abandonner à l'autoritaire et endiablée séduction d'un prodigieux homme de théâtre.

En fin de compte il faut rendre les armes à ce génie tumultueux, l'un des plus éloignés qui aient jamais été de toute notion de perfection, mais l'un de ceux qui ont possédé le plus pleinement cette qualité singulière : la grâce.

JEAN CASSOU 119. »

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