MARCEL JOUHANDEAU
Publié le 17/01/2022
Extrait du document
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aventure, il sourit ou s'émeut, il songe et rêve, tantôt sous le regard de Dieu, tantôt sous l'aile
de
quelque démon familier.
C'est ainsi que Guéret, où il est né, s'est changé en Chaminadour,
que la danseuse Caryathis est devenue l'insupportable et étonnante Élise.
Il s'est recréé lui
même sous les traits de Juste Binche et de Théophile, pieux enfants élevés par les prêtres de
Guéret, mais aussi de M.
Godeau, qui bravait Dieu, ou de Tirésias qui, toute honte bue, ne crai
gnait pas de devenir femme pour trouver plus sûrement son plaisir.
Autour de lui, il a fait compa
raître sa mère, son père, boucher à Chaminadour, ses grands-parents, toute sa famille, toute une
ville, et les amis connus plus tard à Paris, et que cet « amateur d'imprudence » recherchait
indifféremment dans les salons, les rues, et les coupe-gorge.
Il s'est donc campé lui-même, non
sans orgueil, escorté de tous les siens, au cœur d'une œuvre inquiétante et diverse, qui ne fut
longtemps
lue et admirée que par quelques-uns.
En ce temps-là, M.
Jouhandeau, professeur
de sixième,
se rendait chaque jour dans un pensionnat de Passy, où ses méthodes d'enseignement
étaient fort appréciées.
Avant de partir pour sa classe, ses élèves dormant encore, il avait écrit
en secret quelques lignes qui serviraient à M.
Godeau intime, à l'Éloge de la Volupté, ou à De l'Ab
jection.
Léautaud fut aussi un chroniqueur patient et quotidien, qui ne laissait rien perdre de ses
humeurs et de sa vie.
Mais sa plume courait au hasard.
Tout est rigueur et choix, au coiltraire,
dans l'œuvre si abondante de Jouhandeau, qui vaut par le trait, le tour, le détail qui enchante,
l'aphorisme qui étonne et retient.
Son registre n'est pas court, comme celui de Léautaud :
on trouve chez lui la tendresse, le cynisme, l'ironie, la sérénité, le respect de la vertu, l'attrait
et le culte très conscient du mal.
S'il s'est défendu d'être disciple de Gide, il a pourtant comme
lui, mais avec une audace plus grande, exprimé les dissonances de sa nature.
Cette pente dont
Gide disait qu'il faut la suivre, mais en montant, conduisait généralement celui-ci vers les
mêmes lieux.
Jouhandeau suit un chemin tout en détours, imprévu, et il a pu écrire avec une
aisance égale la vie de saint Philippe Néri, et les Carnets de Don Juan.
C'est un magicien dont
l'art est sans défaut, et qui sait évoquer aussi bien l'assassin que l'homme de Dieu, la du
chesse que la clocharde, son chien, sa chatte, sa pie, ses colombes.
C'est enfin, pour qui a le
bonheur de le connaître, un homme exquis.
73.
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