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Moravia (Alberto)

Publié le 17/01/2022

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Connu en Italie dès la publication de son premier roman, "Les Indifférents " en 1929, Alberto Moravia a régulièrement progressé dans la carrière des lettres ("Agostino" en 1945, "L'Ennui" en 1960, lui valurent des récompenses enviées dans son pays) jusqu'à prendre rang parmi les écrivains transalpins les plus considérés. Il est aussi l'un des mieux servis à l'étranger: une bonne douzaine de traductions en Angleterre, autant en France, où le Livre de Poche a déjà inscrit quatre titres de Moravia à son catalogue. "La Ciociara" et "Le Mépris" d'autre part, ont touché le vaste public du cinéma.

« ALBERTO MORA VIA né en 1907 VOILA, à n'en pas douter, le narrateur qui, Pavese disparu, Vittorini muré dans son silence, domine le lot désormais maigriot des écrivains italiens de sa levée, la génération des soixante, aujourd'hui, par droit d'aînesse, au pinacle, mais déjà talonnée par la classe 40, des Cassola et des Bassani.

A cet Alberto Pincherle, dit Moravia, et né à Rome, qui, si j'en crois les photographes, arbore à présent une tête bourrue de colonel des carabiniers, le cheveu chenu sur un crâne dolico, « la bouche aigre opiniâtrement close entre le nez et le menton en galoche qui la serrent à l'instar des bras d'une grue », note un journaliste, et c'est bien la façade qui convient à un qui se veut gendelettre à la Zola, trois heures d'écritures tous les matins à jeun et sept ou huit cents feuillets au bout de l'an; à cet écrivain-termite (mais je vous invite à douter fortement de cette volonté d'impuissance), j'oppose le mince et doux boiteux d'autrefois, à l'œil de rapace et aux traits déjà aigus, qui se révélait dès 1929 par le sombre éclat des Indifférents, d'autant plus explosifs que c'était un roman, distance on ne peut plus hasardeuse pour les conteurs au soufRe court de la Péninsule.

Quel cheminement de l'insomniaque de vingt-deux ans au féroce colonel de cinquante­ cinq! Comment justifier aussi que- l'entre-deux comblé par six puissants romans et une dizaine de longs récits, trois cents contes, des essais et des reportages, traduits désormais en vingt-sept langues -ses compatriotes, tout en lui reconnaissant la préséance, ajoutent un« faute de mieux», quand ce n'est, comme pour le poète, un « hélas »? Ses thuriféraires même, d'un air entendu, mettent à le consacrer grand écrivain je ne sais quel amour-haine, sentiment au surplus spéci­ fiquement moravien, constant chez ses héros dès lors qu'ils parviennent à s'arracher à cette « indifférence » et à cet « ennui » qui, de son livre de début à son dernier, recouvrent une veulerie particulière aux Italiens des villes et qui, pour ceux de province, prennent à présent le nom de « vitellonisme ».

Livrons-nous au jeu toujours tentant des chronologies.

Cinquante-cinq ans d'âge donc, mais, là-dessus, les paradis de la prime enfance passés, dix à quinze de maladie grave : une tuberculose osseuse, les sanas du Tyrol, des appareils ortho­ pédiques et, par parenthèse, que faut-il de plus pour motiver « l'explosion )) des Indifférents, son animalité frustrée et sublimée, le sexe et l'argent, mobiles définitifs d'un univers de petits bourgeois velléitaires, disons carrément un « existentialisme >> qui précourt la Nausée.

Après, nouvelle maladie : pendant une bonne quinzaine d'années, la suspicion fasciste, à la suite de ce livre que l'on prend pour une fresque péjorative de l'époque (ainsi que le suivant, les Ambitions déçues ( I 935), roman massif et filandreux, naïvement dostoïevskien, dont, par ordre du régime, nul critique ne soufRe mot).

Or, on le voit bien aujourd'hui, l'humanité de Moravia n'est nullement telle à cause de Mussolini : c'est son humanité, son Italie, son Rome, qu'il ne critique guère, mais raconte intarissablement, car, tout réalistes et même naturalistes qu'elles sont, PHOTO E.

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