Valéry, Paul
Publié le 22/04/2012
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(1871-1945) Poète français. Natif de Sète, il fait de brillantes études de droit à Montpellier. Se rendant à Paris, il travaille à partir de 1897 au ministère de la Guerre. Il découvre la poésie de Paul Verlaine et de Stéphane Mallarmé, fréquente le salon de ce dernier, rue de Rome, où il rencontre André Gide. Il publie quelques poèmes dans des revues. Après une crise intellectuelle en 1892, Valéry décide de ne plus écrire de vers et de se consacrer à une stricte formation intellectuelle. Il étudie les mathématiques et la philosophie et rédige la Soirée avec Monsieur Teste. Le retour à la poésie A la demande de Gide, il renoue avec la poésie et écrit les poèmes la Jeune Parque (1917) et le Cimetière marin (1920). Il fait paraître les recueils Album de vers anciens (1920) et Charmes (1922). Sa poésie lyrique symbolique et intellectuelle, hautement exigeante, est reconnue et estimée de tous. Valéry est élu à l'Académie en 1925. Il obtient en 1937 une chaire au Collège de France. Variété rassemble toutes les allocutions et tous les articles publiés par le poète.
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quelque chose d'inutile et de satisfaisant, où, si l'on insiste, la cause, le prétexte, la destination
n'importent pas.
Il ne s'agit que d'appeler à l'existence un vain objet qui vaut seulement par
l'habileté dont il porte témoignage.
De là, l'indifférence qu'il professa pour les sujets qu'il lui
arrivait de traiter et qu'il prétendait, non sans coquetterie, ne recevoir que du hasard, qu'il
abhorrait d'autre part.
Il s'estimait d'autant plus libre qu'il se consentait plus contraint.
Chaque gêne qu'il se
voyait imposer, il l'accueillait avec joie, sinon avec quelque sentiment de délivrance, car il jugeait
réduite d'autant l'intervention de sa fantaisie.
Il se persuadait alors qu'il accroissait, à surmonter
cet obstacle, et son propre mérite et la beauté de son ouvrage.
Ne
tenant pour estimables que l'ordre et certaine splendeur nue que sa perfection défend
de l'injure,
Paul Valéry écarta de lui, de principe et d'instinct, une broussaille capable de trop
envahir et dont le foisonnement vivace lui paraissait impropre à trouver jamais forme ni loi.
Cet acharnement à congédier le sentir et le vouloir, dans la mesure où ils retiennent l'homme
dans l'humaine condition, permit à cet esprit de concevoir et de produire des œuvres qui ont peu
d'égales dans l'histoire des Lettres.
La lucidité dont elles témoignent est éclatante, leur perfection
ne l'est pas moins.
Elles
parlent de toute chose avec une souveraine autorité, qui vient de l'extrême
détachement de l'auteur.
Celui-ci semble appartenir à un autre monde et tout percer d'un coup
en celui-ci.
Le sujet dont il s'empare s'éclaircit comme de soi-même.
L'analyse qu'il propose,
en même temps qu'elle émerveille par sa justesse, appelle encore l'admiration par la qualité du
discours où elle s'exprime, et qui fait qu'on n'y peut rien changer.
Il y a quelque chose de décon
certant dans une pareille sûreté.
On soupçonne presque celui qui s'en montre capable, de disposer,
pour l'examen de l'intrigue mentale, d'organes d'une délicatesse infinie qui lui permettent d'en
apercevoir la syntaxe intime, comme il est pour la matière des instruments qui en révèlent au
physicien la
structure la plus fine.
Les ouvrages de Paul Valéry étonnent ainsi par une précision
dont le secret semble refusé aux autres.
Ils surprennent encore par les ambitions qu'ils trahissent
et
qui sont parfois si extraordinaires, qu'il ne fallut pas moins de génie pour les imaginer que de
talent pour les poursuivre et pour les satisfaire.
Il ne se trouva pas d'accord avec ses contemporains.
Leurs goûts, leurs préjugés, les idées qu'ils
acceptaient sans discussion et sans s'en rendre compte, presque rien de ce bagage difficilement
évitable ne l'encombre.
Durant sa vie entière, la plupart de ceux qui, comme lui, faisaient métier
de penser et de communiquer leurs réflexions, prisèrent au plus haut juste ce que d'abord il
détestait : l'ineffable et l'obscur, le mystérieux et l'insolite, l'arbitraire et l'incohérent, l'informe,
l'absurde, tout prestige à la fois étrange et sommaire où la conscience n'a pas de part, qui ne
doit rien à la méditation et qui stupéfie l'esprit au lieu d'en éprouver les pouvoirs.
Il décria l'enthou
siasme dans un temps où il n'y avait pas de poète qui ne découvrît dans l'enthousiasme la source
même de la poésie.
La fureur était à la mode sous mille noms hypocrites ou cyniques, parmi lesquels
certains
étaient assez insidieux, comme sincérité, authenticité, spontanéité et d'autres, sans
oublier le
principal : inspiration.
Il ne se laissa séduire par aucun.
Il resta le partisan têtu du sang
froid,
de la discrétion, de la méthode.
Cette fermeté n'est pas sans mérite.
Il est peu d'exemples d'un propos tenu avec tant de constance et, qui plus est, à contre
courant du siècle.
Il doit être plus rare encore qu'un auteur ait pu mettre d'aussi beaux dons
au service d'une ambition si noble et, pour ainsi dire, si escarpée.
Il faut enfin se réjouir qu'une
réussite exceptionnelle soit ici venue récompenser des qualités, des efforts et aussi des services
exceptionnels.
C'est justice.
Les chefs-d'œuvre
que Paul Valéry laisse à la postérité s'apparentent
aux plus grands par leur excellence.
Ils s'en distinguent par une beauté entièrement nette, visi
blement calculée, qui contraste avec une certaine naïveté ou fraîcheur dont les autres, il faut
l'avouer, reçoivent
comme la grâce suprême qui donne à leur éclat un air de miracle.
Mais cet
esprit
se méfiait de la grâce et dédaignait les miracles.
Il aspirait seulement à aiguiser les vertus
de l'intellect.
C'est ainsi qu'il recueillit exactement la gloire qu'il désira et qu'il mérite.
Cette
exactitude ultime comble encore ses vœux,
car il eût cru usurper et se fût estimé fautif, obtenant
un résultat qui débordât le moins du monde celui qu'il attendait.
Ainsi l'exigeait l'idée sourcilleuse
qu'il s'était formée de la perfection..
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