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WILLIAM BLAKE

Publié le 02/09/2013

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1757-1827

IL y a deux vies de William Blake — l'une est celle d'un artisan qui pourrait figurer dans une galerie des graveurs illustres, l'autre celle d'un visionnaire qui compte parmi les grands inspirés. Parce que ce visionnaire s'est exprimé par la littérature aussi bien que par le dessin, c'est à bon droit cependant qu'on lui fait une place ici.

Rien de plus simple et de plus uni que la vie de l'artisan. Né à Londres le 28 novembre 1757, il était le second de quatre fils, dont un autre au moins, Robert, avait un vif tempérament artis¬tique. Sa vie familiale fut heureuse; son père ne l'envoya pas à l'école parce qu'il avait remarqué que la pratique des châtiments corporels choquait violemment l'enfant; on favorisa très vite les goûts artistiques du jeune garçon en lui permettant d'acheter des dessins de vieux maîtres, en le plaçant comme apprenti chez un graveur. A partir de 1778, il gagne sa vie en mettant son talent au service des libraires et des éditeurs. Il épouse en 1782 une femme très simple, mais douce et dévouée, peu instruite, mais qui apprendra à dessiner et à peindre pour aider son mari. Le jeune graveur fréquente un peu le beau monde — un monde entiché d'Ossian, de style pseudo-gothique, un monde d'âmes sensibles, mais il s'en lasse vite et il en fait la satire dans An Island on the Moon (1787). D'ailleurs sa réputation professionnelle va grandissant et s'affirmera notamment par une importante série d'illustrations pour un chef-d'oeuvre à la mode, les Nuits de Young. Toutefois la vie matérielle reste modeste pour ne pas dire difficile, et la bonne période ne dure pas. Peut-être aussi à une époque où l'Angleterre bande toutes ses forces contre la Révolution française, les opi¬nions libérales très tranchées de William Blake lui font-elles tort. Il quitte Londres en 1800 pour aller vivre à Felpham : un écrivain oublié aujourd'hui, Hayley, lui a commandé des illustrations pour une vie de Cowper. De trois ans de collaboration, Blake ne garde pas seulement de bons souvenirs : et c'est peut-être sa revanche qu'on ne se souvienne guère d'Hayley qu'à cause de lui, au point qu'une récente biographie du personnage soit intitulée Blake's Hayley (Morhard Bishop, 1951). Après son retour à Londres, la situation de Blake reste précaire. Ses livres — oeuvres per¬sonnelles ou œuvres illustrées par lui — ne se vendaient guère. Une exposition en mai 1809 ne fut pas un très grand succès. Nous connaissons mal son existence au cours de cette seconde partie de sa vie, si mal que certains, à tort d'ailleurs semble-t-il, ont pu insinuer qu'il en passa une partie dans un asile. Il continua à vivre, laborieux et modeste, de son métier de graveur. Poussé peut-être par les épreuves de la pauvreté et de l'âge, il illustre notamment le livre de Job. Après 1825, il entreprit d'illustrer la Divine Comédie et il mourut à la tâche le 12 août 1827.

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« sorte de jugement dernier effectif équilibrant le bien et le mal.

Toute l'enfance de Blake baigna dans un milieu swedenborgien, et il y prit ou il y développa un goût immodéré pour les visions et les communications : très jeune, et malgré le peu de goût de ses parents pour ce genre de puni­ tion, il faillit être fouetté parce qu'il prétendait avoir vu un arbre plein d'anges, et à huit ans, il le fut effectivement pour leur avoir raconté une conversation qu'il avait eue avec Ezéchiel.

Cette précoce amitié avec les prophètes ne devait pas en rester là, et la vie de Blake fut toute peuplée d'extraordinaires visions.

Sa femme et lui comptèrent longtemps parmi les fidèles de la Nouvelle Jérusalem, temple du swedenborgianisme.

Quand Blake, vers 1787, applique un nouveau procédé de gravure sur cuivre à l'eau-forte, c'est qu'il l'a reçu dans une vision de son frère bien-aimé Robert, mort prématurément.

Si la seconde partie de sa biographie terrestre semble plus pauvre que la première, c'est peut-être parce que, de plus en plus, Blake vivait entre deux mondes, hallu­ ciné et peu à peu transporté ailleurs, vers cette porte que le pauvre graveur à son heure dernière franchit en chantant des hymnes improvisés pour s'avancer vers le tribunal de la suprême justice.

BLAKE composa des vers dès l'âge de douze ans; ses premiers essais sont simplement agréables et pittoresques et il reste quelque chose de cette veine dans les Chants de l' Innocence ( l 789).

Mais déjà ceux-ci ne sont qu'un volet d'un diptyque; à la connaissance d'une création qui baigne dans l'innocence fait suite la connaissance du mal; aux Chants de l'innocence répondent les Chants de !'Expérience (1794).

On peut voir une première tentative de synthèse ou de dépassement de l'oppo­ sition dans le Mariage du Ciel et de !'Enfer (1793).

Et tout de suite après vient un massif d'œuvres très différentes : les Visions des Filles d' Albion ( l 793), America ( l 793), Europe : une prophétie ( l 794), le Premier livre d' Urizen ( l 794), le Livre d' Ahamia ( l 795), le Livre de Los ( l 795), le Chant de Los ( l 795), Vala ou les Quatre Zoas : Blake n'est plus seulement l'enfant qui vivait dans la familiarité des prophètes, sa voix s'enfle et il est prophète lui-même.

Il faut citer encore Milton (1804-1808), Jérusalem ( l 804-1820), l'Evangile éternel ( l 8 l 8), le Fantôme d'Abel ( l 822).

Entre presque toutes ces œuvres on peut établir des correspondances : un monde symbolique s'y développe et s'y ordonne peu à peu selon la volonté et la parole du prophète.

N'oublions pas au surplus que le dessin et la gravure viennent constamment compléter l'écriture.

Il n'y a pas deux œuvres de Blake, une poé­ tique et une picturale, parce qu'il n'y a qu'un Blake, le visionnaire.

La faculté dominante, c'est l'imagination, et peut-être même l'imagination est-elle plus qu'une faculté, une forme même de la Vie et de 1' Activité Créatrice.

En tout cas, la fidélité à l'imagination ainsi conçue est notre seule chance de délivrance : par la parole et par le dessin, Blake décrit simplement le même monde, le monde de vérité qui est celui de son imagination visionnaire.

On voit tout de suite comment Blake s'oppose au rationalisme de son siècle, pourquoi on a pu parler de sa« folie ».

«Vous avez raison, dira-t-il volontiers : je suis fou ou vous l'êtes, nous ne pouvons être tous les deux dans notre bon sens.

» Non point d'ailleurs que la raison, la raison de Newton, lui paraisse une maîtresse d'erreur; elle est seulement pour lui un facteur de vérité insuffisante et partielle.

La vérité totale c'est la vision qui l'apporte : vision que Blake nourrit et supporte par la méditation la plus profonde et la plus assidue de Dante et de Milton, et surtout de la Bible.

Au-delà, nous l'avons déjà dit, le mysticisme de William Blake se raccorde étroite­ ment au mysticisme de Swedenborg.

Et au-delà encore, au mysticisme de Jacob Boehme.

L'œuvre de Blake est à la fois spontanée et traditionnelle; issue d'une révélation personnelle, animée par une piété intime, elle rejoint la tradition de son propre élan en quelque sorte, par fidélité à la communion.

L•uNlTÉ de la pensée de Blake est si cohérente que l'on peut y entrer même à partir de ses œuvres les plus familières et en apparence les plus anodines.

Qui ne connaît dans les Chants de !'Innocence le petit poème de l'agneau qui semble n'être qu'une tendre bergerie christique? Tout baigné d'innocence, l'agneau nous renvoie au Fils de l'Homme.

Et qui ne connaît le tigre des Chants de 245. »

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