La petite musique d'Alain Resnais

LA BELLE ÉQUIPE

La rencontre puis la collaboration d’Alain Resnais et du tandem Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri sont une alchimie réussie : le réalisateur cherchait un dialoguiste pour le texte français de Smoking/No Smoking, lorsqu’il a lu la pièce Cuisine et dépendances : « J’avais à peine fini le premier acte que je me suis dit : “C’est ce qu’il me faut.” Je les ai appelés le lendemain matin (je ne les connaissais pas), leur ai demandé un rendez-vous l’après-midi même, et ils ont accepté cette tâche un peu ingrate que représente une adaptation quand on est soi-même auteur dramatique. » Leur complicité s’accentue dans On connaît la chanson, puisque les duettistes en seront à la fois les auteurs et les interprètes, s’intégrant parfaitement au « petit monde » des acteurs fétiches de Resnais (Sabine Azéma, Pierre Arditi, André Dussollier).

Couronnée à vingt ans d’intervalle par deux Césars du meilleur film (Providence en 1976, Smoking/No Smoking en 1994), l’œuvre d’Alain Resnais se maintient à égale distance de l’avant-garde et du cinéma populaire : d’un côté, le cinéaste ne cesse d’explorer les méandres de la mémoire et des automatismes inconscients ; de l’autre, il joue sans complexe avec des formes mineures ou des registres contrastés. Dans On connaît la chanson, il affine encore davantage ses paradoxes : cette comédie, ponctuée de couplets chantés en play-back et truffée de péripéties sentimentales, apparaît en même temps comme son film le plus abstrait.