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LE NÉORÉALISME ITALIEN: MIROIR DE LA DEUXIÈME GUERRE MONDIALE

Publié le 18/06/2012

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Ces caractéristiques esthétiques dépendent essentiellement de l’absence de moyens auxquels les réalisateurs devaient faire face dans ce contexte historique particulier. Ce sont des raisons matérielles qui ont avant tout poussé les cinéastes à explorer de nouvelles possibilités. Les plateaux de tournage n’étant pas disponibles, ils sont allés tourner en décors réels, dans la rue. On peut aussi citer l’expérience de Rossellini qui, par manque de pellicule a été forcé d’utiliser différentes chutes, donnant aux images de Germania anno zero cette teinte grise, associée à la tradition documentaire. Il faut aussi souligner le son qui est essentiellement post-synchrone. Pour ce qui est de la bande sonore, en l’absence de moyens techniques suffisants, les réalisateurs tournaient leurs films en muet et l’enregistrement du son et des dialogues se faisait plus tard, chose que l’on peut aisément remarquer quand on les visionne. Or, “libres de jouer de la caméra sans rapport avec le micro, ils en ont profité pour étendre son champ d’action et sa mobilité” (Bazin 2002, 273). C’est là tout le génie du mouvement néoréaliste qui a su tirer parti des contraintes auxquelles il faisait face, dans un pays qui se relevait de l’occupation allemande pendant la guerre. 

« Le premier mouvement du cinéma moderne (Deleuze)Pour Gilles Deleuze, philosophe français, le néoréalisme représente l'entrée dans la modernité cinématographique par le passage de l'image-mouvement àl'image-temps.

L'essentiel ne se situe plus dans ce qui est raconté mais dans “ce que le cinéma a à dire de lui-même” (Hême de Lacotte Gilles 2003, 127).Le concept d'image-mouvement correspondait au cinéma classique.

La durée y est chronologique, linéaire, et est perçue par le mouvement.

La structurenarrative consiste donc essentiellement dans des personnages qui agissent et réagissent face à des situations données.

Deleuze nomme ce processus desprotagonistes le “schème sensori-moteur”.

C'est précisément ce processus qui poussait l'identification des spectateurs aux personnages, et donc orientaitidéologiquement leur réception de l'intrigue.

On peut placer dans cette première “catégorie” de films et d'images des oeuvres réalisées sous le régime fasciste dela Seconde Guerre Mondiale, par exemple Scipione l'africano (Carmine Gallone, 1937).Puis le basculement vers la modernité intervient, du à une crise du cinéma.

Quelques uns des facteurs de cette crise sont le détournement du héros vers despersonnages sans qualités exceptionnelles qui errent sans pouvoir réagir de façon adaptée à ce qui leur arrive, la mort du montage traditionnel (matérialisé parle schème sensori-moteur), le morcellement de l'espace qui se divise en portions plus difficilement raccordables, modifiant en même temps la narration quiprésente une réalité plus lacunaire et dispersive (Hême de Lacotte Gilles 2003, 127-128).C'est cette mise en crise qui nous amène ensuite au régime de l'image-temps .

Cette conception ontologique montre une “image pure du temps”, qui préexiste àl'action (Hême de Lacotte Gilles 2003, 128).

De plus, Deleuze souligne que la parole n'est plus nécessairement solidaire de l'image, on le note dans les filmsnéoréalistes avec le son post-synchronisé qui répondait, comme nous le disions plus tôt, à des nécéssités matérielles.

Dans ce basculement de l'image, on nesait plus pourquoi les personnages agissent.

Ce n'est plus leur réaction aux évènements mais le temps qui est maître du récit.

On retrouve cette image-tempsdans un film comme Germania anno zero où nous suivons la déambulation du jeune Edmund dans le paysage détruit, presque lunaire, se laissant guider par sonerrance, en apparence sans but.

De longs plans panoramiques nous le montrent comme perdu, autant dans le cadre que dans ce décor et la situation réelle qu'ilreprésente.

Toute action semble impossible et vaine, tant par l'attitude du garçon que par le paysage écrasant.

Nous sommes dans ce que Rossellini appellel'attente de la révélation. ConclusionAu regard de ces différents éléments, on peut donc dire que l'apparition du mouvement néoréaliste italien, ou plutôt l'arrivée de l'influence néoréaliste dans lesfilms, est directement liée à la fin de la Deuxième Guerre Mondiale.

Tous les théoriciens et cinéastes s'accordent au moins sur ce point: il n'y a que dans cesconditions historiques uniques, cette fenêtre de transition, qu'un tel bouleversement pouvait s'opérer.Cependant, il faut souligner que “la manière néoréaliste irrigua très profondément la production italienne à venir, en particulier la comédie, et plusieursgénérations de cinéastes italiens eurent à se définir par rapport à elle” (Pinel 2000, 150).

Ce mouvement exceptionnel dans l'histoire du cinéma féconda demultiples renouvellements cinématographiques à travers le monde.

Il aura notamment des répercussions dans l'oeuvre de Michelangelo Antonioni, ou encoredans la Nouvelle Vague française. Bibliographie Bazin, André.

2002.

Qu'est-ce que le cinéma? Paris: Éditions du Cerf.Bergala, Alain.

1984.

« Roberto Rossellini et l'invention du cinéma moderne », préface à Roberto Rossellini, Le Cinéma révélé.

Paris: Flammarion.Borde, Raymond.

1960.

Le néo-réalisme italien, une expérience de cinéma social.Bordwell, David et Kristin Thompson.

2000.

L'art du film: une introduction.

Bruxelles: Éditions De Boeck Université.Frappat, Hélène.

2007.

Roberto Rossellini.

Paris: Cahiers du cinéma éditions.Gilli, Jean.

1978.

“Aspects de l'idéologie dominante dans le cinéma italien de l'époque fasciste”.

Mélanges de l'École française, de Rome, Moyen-Âge, Tempsmodernes vol.90 (no 1): 291-312.Hême de Lacotte Gilles, Suzanne.

2003.

“Deleuze et la critique”.

Mouvements no 27/28 (mai-juin-juillet-août): 126-131.Lizzani, Carlo.

1955.

Le cinéma italien.Pinel, Vincent.

2000.

Écoles, genres et mouvements au cinéma.

Paris: Larousse.Rossellini, Roberto.

1984.

Le cinéma révélé.

Textes réunis et préfacés par Alain Bergala.

Paris: Éditions de l'Étoile.Taillibert, Christophe.

1998.

“Le cinéma, instrument de politique extérieure du fascisme italien”.

Mélanges de l'École française, de Rome, Italie et Méditerranéevol.110 (no 2): 943-962. http://cinema.neorealisme.bifi.fr/ FilmographieGermania anno zero (Italie, 1948).

Réal.

: Roberto Rossellini.

78 min.Il mio viaggio in Italia (Italie, 1999).

Réal.

: Martin Scorsese.

Documentaire.

246 min.La terra trema (Italie, 1948).

Réal.

: Luchino Visconti.

160 min.Ladri di biciclette (Italie: 1948).

Réal.

: Vittorio De Sica.

93 min.Ossessione (Italie, 1943).

Réal.

: Luchino Visconti.

140 min.Roma, città aperta.

(Italie, 1945).

Réal.

: Roberto Rossellini.

100 min.

Acteurs: Anna Magnani (Pina), Marcello Pagliero (Giorgio Manfredi alias Luigi Ferraris).. »

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