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Marguetrite yourcenar

Publié le 23/09/2013

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yourcenar
   J'ai de fortes objections au féminisme tel qu'il se présente aujourd'hui. La plupart du temps, il est agressif, et ce n'est pas par l'agression qu'on parvient durablement à quelque chose. Ensuite, et ceci vous paraîtra sans doute paradoxal, il est conformiste, du point de vue de l'établissement social, en ce sens que la femme semble aspirer à la liberté et au bonheur du bureaucrate qui part chaque matin, une serviette sous le bras, ou de l'ouvrier qui pointe dans une usine. Cet homo sapiens des sociétés bureaucratiques et technocratiques est l'idéal qu'elle semble vouloir imiter sans voir les frustrations et les dangers qu'il comporte, parce qu'en cela, pareille aux hommes, elle pense en termes de profit immédiat et de succès individuel. Je crois que l'important pour la femme est de participer le plus possible à toutes les causes utiles, et d'imposer cette participation par sa compétence. Mêm...
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«    Que les féministes acceptent ce peuple de femmes-objets m'étonne.

Je m'étonne aussi qu'elles continuent de se livrer de façon grégaire à la mode comme si la mode se confondait avec l'élégance, et que des millions d'entre elles acceptent, dans une inconscience complète, le supplice de tous ces animaux martyrisés pour essayer sur eux des produits cosmétiques, quand ils n'agonisent pas dans des pièges, ou assommés sur la glace, pour assurer à ces mêmes femmes des parures sanglantes.

Qu'elles les acquièrent avec de l'argent librement gagné par elle dans une ''carrière'' ou offert par un mari ou un amant ne change rien au problème. Aux États-Unis, je crois que le jour où la femme aura réussi à interdire qu'un portrait de jeune fille qui fume d'un petit air de défi pousse le lecteur de magazines à s'acheter des cigarettes que trois lignes presque invisibles au bas de la page déclarent nocives et cancérigènes, la cause des femmes aura fait un grand pas.     Enfin, les femmes qui disent ''les hommes'' et les hommes qui disent ''les femmes'', généralement pour s'en plaindre dans un groupe comme dans l'autre, m'inspirent un immense ennui, comme tous ceux qui ânonnent toutes les formules conventionnelles.

Il y a des vertus spécifiquement ''féminines'' que les féministes font mine de dédaigner, ce qui ne signifie pas d'ailleurs qu'elles aient été jamais l'apanage de toutes les femmes : la douceur, la bonté, la finesse, la délicatesse, vertus si importantes qu'un homme qui n'en posséderait pas au moins une petite part serait une brute et non un homme.

Il y a des vertus dites ''masculines'', ce qui ne signifie pas plus que tous les hommes les possèdent : le courage, l'endurance, l'énergie physique, la maîtrise de soi, et la femme qui n'en détient pas au moins une partie n'est qu'un chiffon, pour ne pas dire une chiffe.

J'aimerais que ces vertus complémentaires servent également au bien de tous.

Mais supprimer les différences qui existent entre les sexes, si variables et si fluides que ces différences sociales et psychologiques puissent être, me paraît déplorable comme tout ce qui pousse le genre humain, de notre temps, vers une morne uniformité. . »

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