Ben Jonson 1572-1637 N'eut-il été que le dramaturge, le poète, le prosateur,
Publié le 05/04/2015
Extrait du document
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Ce réactionnaire qui partait si hautainement en guerre contre les auteurs et les œ uvres de
son temps, ce héraut du théâtre de cabinet n'était pourtant pas un rat de bibliothèque.
Né
probablement à Westminster, de neuf ans le cadet de Shakespeare, il fait de bonnes études,
mais qu'il doit interrompre, quand il est adolescent, au profit du métier de maçon qui était
celui de son beau-père.
Assez vite dégoûté du plâtre et de la truelle, il part pour les
Pays-Bas, guerroyer contre les Espagnols.
De retour à Londres, aux environs de 1592, il
découvre que sa voie est au théâtre.
Comédien plus que médiocre, il gagne surtout sa vie
en se livrant à de menus travaux de nègre : collaborations obscures, rafistolage de vieilles
pièces.
Quelques années se passent ainsi, au bout desquelles, s'étant pris de querelle avec
un de ses camarades acteurs et l'ayant tué en duel, il est jeté en prison et, pour échapper à
la pendaison et recouvrer sa liberté, abjure le protestantisme et devient catholique romain.
Cette conversion, qui sera suivie douze ans plus tard d'un retour aussi sincère à la foi de
ses pères, porte bonheur à Ben Jonson.
Il connaît son premier succès d'auteur avec la
première version (sans prologue, bien entendu !) d 'Every man in his humour. A ce
moment-là, heureusement, toutes les positions sont déjà prises : Shakespeare, Beaumont,
Dekker, Chapman tiennent le haut du pavé, et le style élisabéthain est créé.
Heureusement
pour le théâtre, car Ben Jonson, élisabéthain par la naissance, l'humeur, la truculence, est
prêt à s'opposer de toutes ses forces, parce que tel est son goût et tel son tempérament, à la
merveilleuse floraison dramatique de son temps.
Et s'il ne réussit pas dans son œ uvre de
stérilisation, ce n'est pas faute de s'y être employé de son mieux : Jonson, auteur comique,
écrit dans le pur style de Plaute et de Térence, respectant les trois unités et mettant en
scène des caractères dans la tradition la plus classique ; Jonson, auteur tragique, ne traite
que des sujets antiques — un Sedan et un Catilina qui n'auront, du reste, guère de succès.
Mais on ne vit pas impunément au contact d'un Shakespeare, pas plus qu'on ne respire
impunément l'air de la Londres élisabéthaine, et malgré Plaute et Sénèque, presque malgré
lui-même, Ben Jonson finit par écrire les quatre œ uvres qui peuvent justifier la place qu'on
lui a donnée : Volpone ou le renard, Epicène ou la femme silencieuse, l'Alchimiste et la Foire de la
Saint-Barthélemy, des comédies de haut goût où l'esprit d'observation n'atteint certes pas à
celui d'un Molière, mais qui sont toutes du meilleur théâtre.
Quant à ses autres pièces — la
Nouvelle auberge, le Conte du tonneau, etc.
— elles ne valent pas grand-chose et il est permis
de leur préférer n'importe lequel des “ masques ” composés pour le roi Jacques Ier...
Un génie, Ben Jonson ? Non, certes pas.
Un écrivain de talent, oui, mais surtout un homme
de lettres dans toute l'acception du mot, et il n'est pas sans signification qu'il ait été le
premier auteur dramatique anglais à s'occuper lui-même de l'édition de ses œ uvres
complètes..
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