Devoir de Philosophie

Eugène Freyssinet 1879-1962 Le béton armé souffre du fait que, tandis que l'acier des armatures résiste aussi bien aux efforts de tension que de compression, le béton, lui, se fissure dès qu'il travaille autrement qu'à la compression.

Publié le 05/04/2015

Extrait du document

Eugène Freyssinet 1879-1962 Le béton armé souffre du fait que, tandis que l'acier des armatures résiste aussi bien aux efforts de tension que de compression, le béton, lui, se fissure dès qu'il travaille autrement qu'à la compression. D'où l'idée de substituer au béton " armé " un béton " traité ", idée qui aboutit à la mise au point de la précontrainte. On a sans doute quelque peine à concevoir que l'idée de " substituer aux forces élastiques que le chargement développe dans les armatures des forces préalables permanentes " puisse devenir la passion d'une vie, et le ferment d'une pensée et d'une oeuvre exceptionnelles. Mais quand Freyssinet, parlant de son maître Rabut, évoque le " sentiment de la vie des contraintes dans les ouvrages, qu'il possédait à un très haut degré " et qu'il lui est reconnaissant d'avoir développé en lui, on pressent que le problème n'est pas pour lui ce qu'un problème de calcul des résistances est pour un quelconque technicien, mais traduit, en réalité, la nécessité impérieuse, que ressent tout véritable artisan (et Freyssinet se réclame de la qualité d'artisan), d'employer son matériau dans des conditions telles qu'il l'ait au mieux en main. C'est donc en partant d'une sensibilité très vive à la dynamique interne du béton armé, qu'il faut donc aborder son oeuvre. Cette sensibilité s'exprime dès ses premiers grands ouvrages, le Veurdre et Boutiron. Avec trois arcs de soixante-dix mètres de portée, ces ponts sont d'une hardiesse que traduit l'élégance de leurs formes. Le surbaissement des arcs, le mouvement des tympans triangulés unissant les hourdis légers de l'arc et du tablier, la finesse des clés et des ancrages -- tout y dit la...

« est suspendu à un double arc d'une extraordinaire franchise.

Deux énormes traverses, disposées aux extrémités de l'ouvrage, assurent seules le raidissement, sans qu'aucune entretoise n'altère la pureté de l'arc, solution aussi hardie que monumentale dans sa simplicité.

Les hangars d'Orly ne devaient pas non plus à leurs seules dimensions leur saisissante grandeur : aucune interprétation architecturale n'affaiblissait l'impression de puissance et de rigueur que produisait la solution structurale, fondée sur la répétition d'un même élément, l'arc en onde.

La forme technique est si dense qu'aucune recherche d'expression ne lui donnerait plus de force que ne le fait la simple affirmation de sa vérité interne. Entre 1928 et 1940, Freyssinet réalise des ouvrages aussi considérables que Plougastel ou Traneberg, mais se consacre avant tout à la mise au point de la précontrainte.

Les conséquences de ces recherches pour le béton armé sont comparables à celles qu'eut, pour la construction métallique, la substitution de l'acier à la fonte.

Plus encore, la précontrainte bouleverse les données “ classiques ” de la construction moderne dans son ensemble. Elle provoque en effet une révolution du monde des formes.

Sans doute, une précontrainte efficace n'est guère possible dans les éléments à forte courbure, et il ne semble pas que, dans ce domaine, le répertoire actuel doive beaucoup s'enrichir.

En revanche, il se produit une véritable renaissance des éléments structuraux rectilignes, ainsi que d'assemblages rappelant les charpentes métalliques.

“ Un domaine continu s'étend désormais du béton non-armé aux constructions de béton et charpente métallique solidaires, en passant par le béton armé traditionnel, le béton précontraint, partiel ou total, et les combinaisons de tous ces procédés.

” (N.

Esquillan.) Les formes de la construction métallique et du béton armé tendent donc à se confondre — mais ne risquent-elles pas de s'abâtardir, de perdre, avec leur saveur spécifique, leur pouvoir d'expression ? Les structures imaginées par Freyssinet depuis 1940 montrent que, loin de l'appauvrir en l'uniformisant, la précontrainte peut enrichir la construction de familles entières de formes originales.

C'est dans le domaine des ponts que ses possibilités ont été le mieux explorées : elle permet en effet une tension des formes qui répond à des exigences constructives et fonctionnelles que ne pouvait satisfaire le béton armé, comme au goût actuel pour des ouvrages très plats s'effaçant dans le site.

Les ponts sur la Marne sont révolutionnaires par leur légèreté, le surbaissement de leurs arcs, la netteté de leurs lignes.

De plus, la poutre de l'arc est détachée des rives par des béquilles très minces : un vide apparaît là où l' œ il attend la plus forte épaisseur de matière.

Ce paradoxe visuel donne à ces ponts le caractère dramatique que possédaient déjà le Veurdre et Saint-Pierre-du-Vauvray, et qui marque les ouvrages dans lesquels la forme traduit spontanément, sans exhibitionnisme structural, l'exploitation maximum des possibilités du matériau.

Le système des “ portiques à béquilles ” semble, du reste, susceptible de recevoir de nombreuses applications, dans les ponts simples ou à arches multiples, pour lesquels il fournit un schéma extrêmement dynamique, mais aussi dans de tout autres types de constructions : ainsi à la Basilique Saint-Pie-X à Lourdes, où les architectes ont respecté l'effet monumental produit par le système structural proposé par Freyssinet et qui, comme à Orly, repose sur la répétition d'un seul élément, ici, le portique à béquilles triangulaires.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles