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James Boswell 1740-1795 Le John Bull du XVIIIe siècle, Samuel Johnson, LI.

Publié le 05/04/2015

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James Boswell 1740-1795 Le John Bull du XVIIIe siècle, Samuel Johnson, LI. D, a eu comme Sherlock Holmes son Dr Watson. Un Watson qui, au premier abord, est la naïveté en personne, pauvre hère, dont se moquent avec une condescendance en général bienveillante son héros, la société, et le lecteur. Inlassablement, James Boswell suit la piste des célébrités -- que ce soit Lord X et Sir John Y, ou Paoli, Voltaire, Rousseau, enfin son idole Johnson -- les suit, pour nous servir de sa propre expression, comme l'épagneul fidèle ; bouche bée, il note dans ses carnets les moindres bribes de conversation qui tombent des lèvres augustes ; sans dignité, sans honte aucune, il se voit rabrouer ou se fait caresser distraitement par la noblesse de la naissance ou par celle de l'intelligence. Mais, à le regarder de plus près, on commence à soupçonner que, tout comme le Dr Watson, Boswell a calculé sa dose de naïveté jusqu'à la dernière goutte. Il a deux buts dans la vie : le premier (et certes, pour lui, le moins important), de se former le caractère par le contact avec les grands ; le second, de faire disserter ses héros, devant la société et devant la postérité, sur tous les sujets imaginables. Les naïvetés qu'il place, lui, Boswell, dans la conversation, sont inventées exprès pour provoquer les ripostes des grands. La joie qu'il éprouve à se voir traiter de haut en bas n'est guère celle d'un masochiste ; on pense plutôt à une marquise en train de créer son salon, sauf que dans le cas de Boswell ce n'est pas l'esprit, mais le Beati pauperes spiritu qui devient instrument de création. (Voyez-le devant Rousseau, tout fier d'avoir réussi à pénétrer dans l'intimité du grand solitai...

« déchaîne contre l'infortuné faux-monnayeur Macpherson) et paysages et ruines commencent à étendre leur frange romantique aux bords de la société.

Inutile de dire que l'impressionnable Boswell ressent ces influences.

Quel triomphe quand il réussit à enlever son héros, âgé de plus de soixante ans, pour faire le tour des îles Hébrides.

Couple saugrenu, ils vont à la découverte des sauvages de l'Écosse ; à cheval, à pied, presque naufragés, couchant sur la paille ou reçus avec empressement dans les châteaux.

Mais pour qui chercherait de beaux sites romantiques ou des paysages-états d'âme, le journal que publiera Boswell au retour ne fournirait pas grand-chose.

Lui-même admet à plusieurs reprises qu'il ne sait pas décrire les objets visibles, et vite, on voit qu'il ne s'intéresse qu'aux êtres humains et surtout au grand art du XVIIIe siècle — l'art de la conversation.

D'où ce qu'il aurait considéré son maître-ouvrage : La Vie de Johnson .

Dans une école moderne de reportage, la place qu'occupe l'Émile dans tout cours pédagogique pourrait bien être tenue par cette Vie où on voit la recette infaillible pour extraire d'une célébrité ses vues sur la prière, sur les auteurs latins, sur l'adultère, ou sur la meilleure façon de fabriquer la bière. Mais le lecteur d'aujourd'hui se tourne plus volontiers vers l' œ uvre qui, selon les lettres de son père, devait faire sa honte — ses journaux intimes, dont une partie, Le London journal de 1762-1763 vient d'être mise à la portée du grand public.

Cette fois, c'est Boswell lui-même mis à nu ; le Boswell de jeunesse dans toute la fluidité d'un caractère aux multiples possibilités (qui d'ailleurs ne se figera jamais dans une attitude conventionnelle) ; un Boswell qui note ses enthousiasmes, ses ambitions, ses dépenses au jour le jour, qui nous raconte avec le plus grand naturel les détails les plus scabreux de ses rencontres avec des prostituées dans le Parc ou le drame palpitant de ses amours infortunées avec la belle veuve Louisa.

Ce qui fait le charme (et la garantie d'authenticité) de ce journal c'est peut-être le fait que, contrairement à la plupart des journaux intimes, il ne cherche pas à nous donner un portrait en pied, stylisé et consistant, bien moins à justifier son auteur : il observe et accepte avec un peu d'étonnement, mais sans chercher à les dénaturer par des généralisations, des subordinations ou des conclusions, toutes les contradictions, complexités, inconsistances de la vie.

Que Boswell éprouve une émotion vive et sincère en écoutant un sermon sur la chasteté et qu'en même temps il fasse des projets détaillés de séduction pour la journée même, c'est une bizarrerie qu'il constate, mais ne cherche guère à expliquer.

C'est l'homme de son siècle : il ne nous présente ni la synthèse généralisée et stylisée du XVIIe siècle, ni les tortures déchirantes et complaisantes qu'au XIXe siècle il aurait éprouvées à contempler son propre caractère.

Il a le goût de la vie, comme elle est, avec toutes ses contradictions et toutes ses imperfections. S'il y a un problème cependant auquel il revient souvent et qu'il voudrait résoudre, c'est celui du temps.

Car si tout journal intime implique un esprit qui voit volontiers le présent en fonction du passé et de l'avenir, chez Boswell, cette tendance est pleinement consciente, et il voudrait bien pouvoir se l'expliquer.

Pourquoi prenons-nous plus de plaisir à réfléchir sur les expériences agréables de notre passé que nous n'en avons éprouvé devant ces expériences elles-mêmes ? “ Peut-être, répond-il, y a-t-il un tel arrière-goût de souffrances dans tout plaisir humain au moment où on l'éprouve, que ce plaisir a besoin d'être purifié par le temps ; pourtant je ne comprends pas pourquoi le temps ne dissout pas le plaisir et les souffrances suivant d'égales proportions.

” Il avoue ne pas comprendre et réagit en homme de son siècle ; pourquoi trop se creuser la tête sur les causes métaphysiques des phénomènes ; sachons plutôt tirer le parti le plus intelligent de ces phénomènes tels qu'ils. »

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