Le Blaue Reiter

« les orientations picturales prises par Kandinsky dans son tableau, le Jugement dernier, mettant ainsi en évidence lesdissensions personnelles existant au sein du groupe depuis deux ans.• Kandinsky, qui démissionne dans la foulée, est suivi par Franz Marc et Alfred Kubin.

Gabriele Münter, AlexeïJawlensky et sa compagne Marianne von Werefkin restent dans la NKV, mais restent solidaires des sécessionnistes.• Au cours de l'été suivant Kandinsky, Marc, August Macke et Heinrich Campendonk, qui se retrouvent à Sindelsdorfpour rédiger une nouvelle revue d'art, l'Almanach, fondent ensemble le cercle du Blaue Reiter - le nom choisi allie lethème des cavaliers et des chevaux qui obsède Kandinsky et Marc à la couleur bleue qui baigne la quête spirituellequi les anime.• Cette création coïncide pour Kandinsky avec une période intense d'expérimentations abstraites.

Pour Marc, Macke,Campendonk, beaucoup plus jeunes, c'est une étape cruciale où ils prennent pleinement conscience de leurs moyenset surtout de leur destin d'artiste ouvert à tous les essais. LES EXPOSITIONS • À la fin de l'année 1911, les membres du Blaue Reiter organisent leur première exposition à la galerie Tannhaüserde Munich, soutenue par Hugo von Tschudi, directeur des musées de l'État bavarois.

Celle-ci se tient du 18décembre 1911 au 1er janvier 1912.• L'exposition réunit, autour de la figure du Douanier Rousseau, des artistes français, allemands et russes : RobertDelaunay, David et Vladimir Bourliouk, le compositeur et peintre Arnold Schönberg, Jean Bloé-Niestlé, Albert Bloch,Élisabeth Epstein, Eugen Kahler et Gabriele Münter, l'amie de Kandinsky.• Les 43 toiles exposées se répondent les unes aux autres, montrant les liens qui unissent tous ces artistes : l'Oragede Macke renvoie aux oeuvres de Kandinsky, le Cheval sautant de Campendonk à celles de Marc ; les Grandschevaux bleus de ce dernier est l'une des toiles les plus significatives du mouvement.

Kandinsky présenteComposition n° 5, Improvisation n° 22 et Impression de Moscou, dans lesquelles les contours des objets sontdématérialisés par le mouvement et la couleur.• L'exposition remporte un vif succès et tourne ensuite dans l'Allemagne entière : Cologne, Berlin, Brême, Hagen etFrancfort.

Une nouvelle exposition ouvre ses portes à peine trois mois plus tard, le 12 mars 1912, à la galerie HansGlotz à Munich sous le titre « Noir et Blanc ».• Entièrement consacrée à l'art graphique, elle est moins confidentielle que la précédente en rassemblant quelque315 dessins, gravureset aquarelles.

Plus éclectique et internationaliste aussi, elle ouvre ses portes aux représentants des courantsartistiques les plus novateurs du moment, du cubisme à l'expressionnisme.

Y sont associés les membres du groupeDie Brücke comme Emil Nolde, Ludwig Kirchner, Max Pechstein, Erich Heckel et Otto Mueller ainsi que ceux du toutjeune Moderne Bund suisse tels Paul Klee et Hans Arp, les cubistes Georges Braque, Pablo Picasso et Roger de LaFresnaye, les fauves André Derain et Maurice de Vlaminck, les Russes Kazimir Malevitch, Mikhaïl Larionov et NataliaGontcharova, ainsi que les artistes de la Neue Sezession de Berlin.• Invité à l'exposition internationale du Sonderbund de Cologne, de mai à septembre 1912, le Blaue Reiter y trouve laconsécration.

L'année suivante, le groupe expose encore une dernière fois dans les locaux du Sturm à Berlin, àl'occasion du premier Salon d'automne allemand.

Les débuts de la Première Guerre mondiale mettent un coup d'arrêtau mouvement du Blaue Reiter. LES IDÉES Le Blaue Reiter n'est pas un mouvement pictural organisé comme l'est Die Brücke - le Pont -, qui fédère dès 1905, àDresde, les artistes allemands de tendance expressionniste.

C'est plutôt une confluence d'idées et d'expérienceseuropéennes qui en est à l'origine.• Le Blaue Reiter ne possède aucun programme spécifique ; il n'a pas non plus d'« adhérents ».

Seul un espritcommun et des conceptions artistiques semblables réunissent ses membres.• À l'exception de la revue l'Almanach, le seul écrit théorique dont ces artistes réunis peuvent se réclamer est Duspirituel dans l'art rédigé par Kandinsky en 1911.

Dans ce texte fondateur de la peinture moderne, l'artiste russe voitla science transmuter la matière en symboles d'énergie, l'art de Matisse libérer la couleur de sa fonction signifianteet celui de Picasso faire éclater les formes.• Kandinsky identifie aussi dans ce livre les voies du spirituel à des voies plastiques.

Car des notions théosophiquesaniment le Blaue Reiter : l'ensemble de ceux qui se reconnaissent dans ce mouvement est prêt à voir le prodige de larévélation partout.

On reconnaît là la pensée de l'esthéticien Wilhelm Worringer qui envisage l'abstraction commel'une des orientations possibles de l'activité créatrice.• La relation d'amitié qui lie dès 1909 Kandinsky au compositeur et peintre Arnold Schönberg influe aussi sur lesconceptions du peintre russe qui affirme que la musicalité de la couleur est l'une des bases de l'art abstrait.• Le Blaue Reiter rallie toutes les avant-gardes européennes sous sa coupe, du cubisme à l'abstraction en passantpar l'expressionnisme.

Cette tendance au syncrétisme artistique montre combien la question de la forme est de peud'importance devant celle du contenu.

Marc souligne cette idée dans l'Almanach, écrivant que « le renouveau nedoit pas être formel, mais plutôt une renaissance de notre façon de penser ».• Le Blaue Reiter englobe aussi toutes les spiritualités : en son sein cohabitent en bonne intelligence la religiositéromantique et mystique de Marc, la vision poétique de Macke, la sensibilité de Klee et le mysticisme de Jawlensky.. »